Barkia, B., Gdoura, H., Sallemi, I., Ghrab, A., Moalla, M., Kammoun, A., Ammar, N., Smaoui, H., Boudabous, M., Chtourou, L., Mnif, L., Amouri, A., Mnif, Z., Hammami, K., Feki, W., and Tahri, N.
La sarcopénie, définie comme une perte de masse musculaire, est une complication fréquente chez les patients atteints de la maladie de Crohn (MC). Cependant, la réversibilité de cette condition reste mal explorée. Cette étude se propose d'examiner l'évolution de la sarcopénie chez les patients atteints de MC, en particulier en lien avec l'utilisation des traitements anti-TNFα et d'autres facteurs cliniques. Nous avons réalisé une étude prospective entre 2020 et 2023 sur des patients atteints de la maladie de Crohn ayant bénéficié de deux IRM abdominales, réalisées à des intervalles de temps variables. L'indice totale du muscle psoas (Total Psoas Index – TPI) a été mesurée lors des deux examens afin de calculer la variation de l'indice total du psoas (ΔTPI) : ΔTPI = TPI IRM2 – TPI IRM1. La sarcopénie radiologique était définie par un TPI inférieur au quartile le plus bas, ajusté selon le sexe. Les facteurs potentiellement influençant cette variation ont été étudiés, tels que l'introduction de nouveaux traitements, le sevrage du tabac, la variation de l'indice de masse corporelle (IMC), les hospitalisations, ainsi que la survenue de complications (sténoses, fistules intra-abdominale, abcès, lésions ano-périnéales...), et le recours à la chirurgie. L'étude a inclus 101 patients, avec un ratio hommes/femmes de 0,94 et un âge moyen de 44,13 ± 14,29 ans. Le phénotype inflammatoire (B1) était majoritaire, représentant 39,6 % des cas. Lors de la première IRM, la TPI moyenne était de 654,18 mm2/m2 (±193,46) chez les hommes et de 459,34 mm2/m2 (±136,15) chez les femmes (p < 0,001), avec des valeurs extrêmes variant de 197,27 mm2/m2 à 1267,01 mm2/m2. La sarcopénie radiologique était présente chez 24,8 % des patients. La deuxième IRM a été réalisée en moyenne 14,88 ± 7,89 mois après la première. Entre les deux IRMs, le sevrage tabagique a été atteint chez 13 patients, 16,8 % des patients ont développé une sténose intestinale, tandis que 14,9 % ont nécessité une intervention chirurgicale digestive. Une escalade thérapeutique a été observée, avec l'introduction de thiopurines chez 9,9 % des patients, l'initiation d'un traitement anti-TNF chez 28,7 %, l'optimisation des anti-TNF chez 18 %, et un switch vers un autre anti-TNF chez 10,3 %. Lors de la deuxième IRM, la TPI moyenne était de 550,18 ± 180,1 mm2/m2, avec des valeurs extrêmes allant de 160,16 mm2/m2 à 1037,89 mm2/m2. La variation moyenne du TPI (ΔTPI) était de −3,68 ± 98,13 mm2/m2, avec des variations individuelles comprises entre −320,72 mm2/m2 et 284,08 mm2/m2. L'analyse multivariée a mis en évidence plusieurs facteurs associés à l'évolution du TPI. L'utilisation d'anti-TNFα a été significativement corrélée à une augmentation de la masse musculaire (p = 0,002, OR = 0,29, IC 95 % [22,89 ; 103,4]). De même, une augmentation de l'IMC a été associée à une amélioration du TPI (p = 0,012, OR = 0,24, IC 95 % [2,06 ; 16,2]). En revanche, l'hospitalisation a été associée à une diminution significative du TPI (p = 0,005, OR = −0,26, IC 95 % [−131,57 ; −24]). La sarcopénie chez les patients atteints de la maladie de Crohn n'est pas une condition définitive et peut être réversible, en particulier sous traitement par anti-TNFα et avec une augmentation de l'IMC. Cependant, l'hospitalisation semble aggraver la perte musculaire, soulignant l'importance d'une prise en charge proactive et intégrée pour optimiser la réversibilité de la sarcopénie. [ABSTRACT FROM AUTHOR]