En Patagonie, extrémité australe des Amériques, les facteurs de la construction de l’identité régionale s’avèrent bien différents de ceux relevés dans le reste du continent. Dans cette contrée reculée, pas d’empire espagnol, portugais, anglais ou français, et pas de relation historique entre européens et amérindiens. L’identité nationale même, y a été hésitante jusqu’au début du 20ème siècle, époque à laquelle l’Argentine et le Chili ont fixé leur frontières dans la région. Mais avant cela, la politique des deux pays vis-à-vis des Indiens de Patagonie australe peut être divisé en deux étapes. Au cours des 30 premières années (1850-1880), pactiser avec l’Indien, seul habitant des vastes étendues convoitées par la nation rivale, était une nécessité tant pour l’Argentine que pour le Chili. Pendant cette période, l’Indien était donc un des outils de l’implantation en Patagonie, outil dont l’accord était acheté avec des flatteries, cadeaux, grades militaires et même, salaires. Ce pacte avec l’Indien a permis d’acquérir à bas prix des peaux de guanacos (lama sauvage) et des plumes de nandou (autruche sud-américaines) commercialisées sur le marché international. La seconde étape, connue comme la Conquête du Désert, est courte, à peine 5 années (1879-1884), juste le temps de soumettre ou détruire les diverses communautés amérindiennes peuplant la région. La raison du changement est foncière. En effet, en peu de temps, la terre de Patagonie avait acquis une valeur immobilière, en particulier pour les éleveurs de moutons tout proches mais limités en surface sur les Malouines. Convoitant le même parcours, de chasse pour l’Indien et de pâturage pour le moutonnier, la lutte était inégale dans la mesure où le second a, dès l’origine, bénéficié de l’appui de l’armée argentine. Une fois l’indien éliminé ou soumis, les colons malouins d’origine britannique ont été suivis d’autres migrants européens, beaucoup d’origine basque mais également allemande, d’Europe centrale et du bassin méditerranéen. L’ensemble fonda l’identité culturelle de la Patagonie du 20ième siècle. Dans son malheur, la société Tehuelche de Patagonie a été moins martyrisée que la société Ona de la Terre de Feu. Ayant adopté le cheval dès le 17ième siècle, le Tehuelche disposait d’un avantage certain pour chasser le guanaco et le nandou. En revanche, se déplaçant uniquement a pied, le Ona a vu dans le mouton une proie facile ce qui a attiré l’ire du colon, dont il ne connaissait pas par ailleurs les règles et les normes, et donc sa rapide élimination, alors que de nombreux Tehuelche ont été parqués dans des réserves. Le mouton délogea ainsi l’Indien de son territoire de chasse. Il est curieux de noter qu’un siècle plus tard, la nouvelle identité régionale s’appuie sur une nouvelle et singulière alliance entre l’Indien et le moutonnier pour faire face à la dilution de leurs identités respectives dans la mondialisation qui n’épargne même pas le bout du monde. Fil: Coronato, Fernando Raul. Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas. Centro Científico Tecnológico Conicet - Centro Nacional Patagónico; Argentina Fil: Tourrand, Jean Francois. No especifíca