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Depuis la rencontre entre le domaine des arts et les soins de santé mentale, plusieurs approches art-thérapeutiques ont vu le jour. Cette union a engendré de nombreux questionnements qui restent encore source de différents à l’intérieur de la profession. L’écart entre les valeurs de la psychothérapie dite traditionnelle et le domaine culturel des arts amène des controverses entourant notamment le cadre thérapeutique, l’importance accordée à la performance artistique, le double rôle du thérapeute-enseignant et celui du client-artiste, la finalité du processus ainsi que la disposition des oeuvres terminées. À ce sujet, peu d’études ont traité la question de l’utilisation des oeuvres réalisées en art-thérapie. Alors que l’on constate une multitude de manières dont les patients disposent des créations dans le domaine, peu d’écrits rendent compte de ces pratiques et rares sont les études qui se penchent sur le sujet. Parmi les destinations que peuvent prendre les créations, on compte entre autres le don des oeuvres, l’affichage à l’intérieur comme à l’extérieur de l’atelier d’art-thérapie, les expositions publiques, la vente, la diffusion sur internet, etc. Les codes éthiques et les guides professionnels font fi de ces pratiques, qu’ils dissocient souvent de l’art-thérapie, ou les découragent. Ces manières de disposer des oeuvres sont fréquemment appréhendées comme étant incitées par l’art-thérapeute, dans des intérêts s’opposant à ceux des clients et du processus art-thérapeutique. Le phénomène de la divulgation des oeuvres fait pourtant partie de la réalité et ne repose pas seulement sur l’initiative des intervenants. Or cette question mérite d’être approfondie étant donné l’impact que la divulgation des oeuvres peut avoir sur la clientèle. En continuité avec une recherche préliminaire (Matton et Plante, 2014), cette étude a pour objectif d’explorer le phénomène de la divulgation des oeuvres dans le contexte d’ateliers d’art-thérapie donnés auprès d’enfants et d’adultes atteints de cancer au Centre de cancérologie Charles-Bruneau du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine ainsi qu’à la Fondation québécoise du cancer. Les pratiques de divulgation des oeuvres prennent des formes variées chez ces clientèles et on note un intérêt grandissant pour les expositions ou les événements diffusant des oeuvres de patients. Par la méthode de recherche de la théorisation ancrée, il a été possible de recueillir et d’analyser en alternance des données variées provenant du monde empirique. Pour cette recherche, les témoignages des art-thérapeutes des milieux à l’étude et de 20 participants aux ateliers ont été rassemblés. La méthodologie circulaire a permis l’émergence de thématiques puis leur mise en relation dans un système conceptuel dynamique. Dans un premier temps, onze pratiques de divulgation des oeuvres sont ressorties des analyses dont : montrer les oeuvres aux proches, afficher chez soi, afficher à la chambre d’hôpital pendant les traitements, l’utilisation pratique des objets d’art, le don, l’affichage à l’atelier, la publication sur internet, l’exposition publique liée au service d’art-thérapie, l’exposition publique hors du contexte des institutions de santé fréquentées, la vente et l’utilisation des oeuvres en fin de vie. Il a également été possible de définir le processus menant à la divulgation des oeuvres comme étant le développement et le parcours de l’intention des participants. Dans un deuxième temps, l’analyse a permis la conceptualisation de conditions internes et externes aux patients en interaction dans ce processus, soit : la motivation personnelle, la présence d’opportunités, de propositions et d’initiatives extérieures, la considération des contextes et des conditions des destinations, le soutien extérieur, les blocages personnels, l’interaction entre l’intention de divulguer et le processus de création et le rapport à l’oeuvre finale. Dans un troisième temps, il est possible d’identifier des retombées qui sont en lien avec la réaction des autres à la divulgation et d’autres qui sont indépendantes. Dans les retombées négatives se trouvent l’autocritique, le regret et la difficulté de se départir des oeuvres, la recherche de validation et la pression lors de créations ultérieures, la déception relative à des réactions indésirables des autres, les blocages et la modulation des divulgations ultérieures. Pour ce qui est des retombées bénéfiques, les résultats soulèvent la reconnaissance et la confiance en soi, l’expression et le dévoilement de soi, la fierté et le plaisir, l’appropriation et l’humanisation des lieux, le bien-être, l’évocation de souvenirs et le rappel identitaire, le sentiment d’appartenance et l’apaisement de la solitude, le sentiment d’être compris et soutenu, le désir de reproduire l’expérience et l’encouragement à la création. Dans un quatrième temps, le phénomène de divulgation est défini comme un processus en évolution dans le temps influencé par différents facteurs : l’apprivoisement de l’atelier d’art-thérapie, la prise de confiance en soi et la conscientisation de ses capacités, le développement de la confiance envers l’entourage et le détachement des créations, l’imperméabilité croissante face aux réactions extérieures, l’évolution du bénéfice de divulguer et l’augmentation de la motivation à divulguer. Ainsi cette thèse apporte une compréhension nouvelle et nuancée du phénomène de l’affichage et du partage des oeuvres réalisées en art-thérapie auprès d’une clientèle atteinte de cancer. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : art-thérapie, divulgation, exposition, affichage, oeuvres, cancer, patients, Fondation québécoise du cancer, Centre de cancérologie Charles-Bruneau du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, théorisation ancrée