1. 1945, Le jazz libère l’Allemagne... pour la seconde fois
- Author
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Pascale Cohen-Avenel, Centre d'Études en Civilisations, Langues et Lettres Étrangères - ULR 4074 (CECILLE), and Université de Lille
- Subjects
XXe siècle ,jazz ,05 social sciences ,Allemagne ,après 1945 ,danse ,050801 communication & media studies ,reconstruction de l’Allemagne ,General Medicine ,liberté ,culture ,[SHS]Humanities and Social Sciences ,lcsh:Social Sciences ,lcsh:H ,0508 media and communications ,0502 economics and business ,lcsh:H1-99 ,culture démocratique ,lcsh:Social sciences (General) ,musique ,[SHS.HIST]Humanities and Social Sciences/History ,050212 sport, leisure & tourism - Abstract
International audience; 1945, l’Allemagne vaincue est détruite, le régime en déroute, les morts innombrables, un grand nombre d’hommes faits prisonniers. La démocratie n’existe pas. Tout est à (re)construire. Arrivent alors les troupes alliées et, avec les Américains, le jazz, une musique si prenante que bon nombre de jeunes d’Europe se laissent séduire immédiatement. Comme d’autres européens, les Allemands sont saisis par cette musique qui leur permet de se libérer, de s’exprimer et de le faire à l’unisson des autres États, vaincus ou vainqueurs. C’est au son de cette musique américaine, et plus tard du rock ‘n’ roll, qu’ils vont apprendre ou réapprendre la démocratie occidentale. Mais le triomphe de cette musique est-il seulement émancipateur ? N’est-il pas aussi le signe d’une domination du monde, nouvelle et sans partage, par le géant américain et sa puissance économique dont le plan Marshall incarne à la fois les bienfaits et la toute-puissance ? En fait, cette question est loin d’être inédite en Allemagne. Elle s’est déjà posée avec la même acuité en 1920, date à laquelle les Allemands furent confrontés pour la première fois au jazz dans des circonstances assez proches : une défaite humiliante, l’effondrement du régime, une démocratie imposée par les vainqueurs, la quête d’une culture et de valeurs démocratiques sans racines dans l’inconscient collectif, une possible émancipation des corps grâce à la danse après des années d’oppression et de militarisme. Car c’est dès 1920 que les Allemands découvrent le jazz, une musique alors non seulement américaine, mais noire, une musique qui semble primitive, mais qui incarne aussi les grandes villes les plus modernes du monde et une domination économique que les Allemands craignent depuis la fin du XXe siècle. D’économique, le « péril américain », se fait culturel par le biais de la danse. A moins qu’il n’offre enfin aux Allemands la liberté de mouvement dont ils n’ont jamais disposé et une vraie culture démocratique : c’est à dire accessible à tous, immédiate, gaie et facile d’accès dans un contexte de grave crise morale et identitaire.
- Published
- 2010