1. Annonce d’une maladie grave et interprétariat professionnel : questions autour de la culture
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L. Saban, M. Rondeau-Lutz, Jean-Christophe Weber, Valérie Wolff, M. Baldeyrou, H. Kup, K. Pinis, Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies (AHP-PReST), Université de Strasbourg (UNISTRA)-Université de Lorraine (UL)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Dynamiques européennes (DynamE), Université de Strasbourg (UNISTRA)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Laboratoire d'Histoire des Sciences et de Philosophie - Archives Henri Poincaré (LHSP), and Université de Lorraine (UL)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
- Subjects
030203 arthritis & rheumatology ,03 medical and health sciences ,0302 clinical medicine ,Gastroenterology ,Internal Medicine ,030204 cardiovascular system & hematology ,[SDV.ETH]Life Sciences [q-bio]/Ethics ,3. Good health - Abstract
Introduction Dans le cadre d’un projet d’une association promouvant des interpretes professionnels (IP), 3 groupes interdisciplinaires (professionnels de sante [PS], interpretes) ont echange sur la cooperation interprofessionnelle au cours de l’annonce de mauvaises nouvelles. Patients et methodes La modalite etait le focus group. Pour chaque groupe, 2 reunions ont rassemble 28 IP et 13 PS (9 medecins, 5 sages-femmes, 1 infirmiere, 3 psychologues et 3 cadres). Les groupes ont concerne un service de medecine interne, un service d’oncohematologie, un service de gynecologie obstetrique et un service de reanimation neonatale. Les IP etaient les employes d’une association qui met des interpretes formes a disposition d’un hopital universitaire. Les participants ont partage leurs attentes et contraintes reciproques. Les resultats ont ete extraits par thematique. L’une d’entre elles porte sur le role de la culture dans l’annonce d’une maladie grave. Nous avons analyse dans les comptes-rendus des focus groups, tout ce qui concernait ce theme. Resultats L’IP medical et social est un metier emergent en France, encadre par des principes deontologiques : fidelite de la traduction, secret professionnel, impartialite et respect de l’autonomie des deux parties. Ce metier necessite une attention interculturelle dans le passage d’une langue a l’autre, dans le reperage de malentendus dus a la culture tout en veillant a prendre en compte l’individualite de chacun. Dans l’ensemble, les participants des focus groups decouvrent le role tres variable qu’ils attribuent a la culture du patient. La culture du patient, souvent partagee par l’IP, entraine pour certains interpretes une reticence a traduire des mots « forts », comme « cancer », « infection par le VIH ». Ces mots ne se diraient pas dans telle culture, ou n’auraient pas le meme sens. Les prononcer, avec les consequences de cette annonce, pourrait leur etre reproche par la famille du patient. Les groupes d’echanges ont permis aux PS et aux autres IP de leur expliquer l’utilite de cette annonce, la necessite de respecter le choix du patient (plutot que de choisir a sa place en fonction de son origine culturelle), de rappeler le cadre professionnel de la fonction d’IP. Une question est alors ouverte : est-ce le patient ou l’IP qui se trouve epargne par les traductions tronquees et edulcorees ? Pour les PS, un questionnement sur le role de la culture est a l’œuvre lorsque les reactions des patients sont inhabituelles (c.-a-d. tres demonstratives) ou lorsqu’il faut poser des questions intimes. Il arrive que des PS aient des attentes qui outrepassent le cadre de travail de l’IP, a savoir demander des eclairages culturels (sur les significations culturelles de certains actes, de certaines habitudes, de certains mots), toutefois certains PS ont le professionnalisme de poser ces questions aux patients eux-memes par le truchement de l’IP, permettant ainsi de respecter chaque individualite. Certains IP trouvent que les PS sont parfois trop respectueux de regles culturelles (comme par exemple l’alimentation lors du Ramadan pour les femmes enceintes). Les PS decouvrent aussi la variabilite des representations de sante : par exemple, dans des pays ou le niveau de soins est mediocre, certains diagnostics pourraient avoir une signification plus pejorative qu’en France. Conclusion Bien que formes, certains IP utilisent encore inconsciemment l’alibi culturel pour contourner la traduction des mots forts et douloureux. Cette difficulte tient aussi au contexte emotionnel de l’intervention d’interpretariat. Les PS ont peu exprime de stereotypes culturels mais il y a fort probablement un biais de selection des participants. La variabilite du « poids de la culture » dans les representations de sante et l’experience vecue des malades doit inciter les binomes PS–IP a prendre conscience des presupposes sur ces questions et a considerer chaque situation dans sa particularite. Ce travail souligne la necessite de former regulierement les interpretes a la traduction pour garantir leur capacite a tenir les exigences deontologiques, notamment dans les contextes difficiles comme l’annonce d’une mauvaise nouvelle.
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- 2018
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