Résumé Objectifs Le cerveau et l’esprit sont très souvent objet de controverses dans les psychiatries du monde. L’histoire de la psychiatrie américaine est instructive à ce sujet, les États-Unis ayant accueilli très tôt la psychanalyse, inventé le béhaviorisme, promu la psychiatrie biologique, utilisé la biométrie et fabriqué la classification des maladies mentales qui a eu le plus grand succès. L’objectif de cet article est d’étudier cette histoire. Méthodes L’article propose une étude détaillée des théories, des pratiques et des débats d’idées dans le champ de cette psychiatrie américaine depuis le XVIII e siècle et des politiques fédérales de santé mentale. Résultats La psychiatrie des États-Unis a des particularités liées au concept de destinée manifeste, au protestantisme et au pragmatisme, à la manière dont la nation s’est construite (esclavagisme, conquête de l’Ouest, libéralisme économique) et aux guerres qui n’ont pas cessé de sa naissance à ce jour, de la guerre d’indépendance aux guerres du Moyen-Orient, en passant par la guerre civile et les deux guerres mondiales. Comme elle a su assimiler ses immigrés, elle a assimilé et véhiculé leurs cultures et leurs découvertes en matière de psychiatrie. Elle a elle-même donné naissance à de nombreuses théories et pratiques portées par la mondialisation, entre autres les DSM qui s’inscrivent dans l’évolution culturelle, scientifique, économique et politique de la nation. Les profanes ont été très tôt acteurs des changements, des conflits et de l’antipsychiatrie. Discussion Cet article s’interroge sur le succès croissant de la psychanalyse dans les années 1950 et sur les causes de sa perte d’influence dans les années 1970 qu’il n’impute pas au DSM-III, mais aux psychanalystes américains eux-mêmes. Il tente de démontrer que le DSM-III et les DSM suivants n’ont pas entraîné de changement de paradigme, au sens que lui donne Thomas Kuhn. Conclusion L’histoire de la psychiatrie américaine montre qu’il y a peu de chance pour que s’éteignent les conflits entre les tenants d’un cerveau, encore très mal connu, et ceux d’un esprit, souvent bien mal défini, tant que nos connaissances dans le domaine des troubles mentaux seront aussi minces qu’elles le sont aujourd’hui. Objective Very often, the brain and the mind are objects of controversy in the world of psychiatry. The history of American psychiatry is instructive in this respect. From an early date, the United States embraced psychoanalysis, invented behaviorism, promoted biological psychiatry, used biometry and produced a highly successful classification of mental disorders. The objective of this paper is the study of this history. Method The paper proposes a detailed study of the theories, practices and ideological debates in the field of American psychiatry since the 18th century, and of federal mental health policies. Results Psychiatry in the United States has distinctive features linked to the concept of manifest destiny, Protestantism and pragmatism, to the manner in which the nation was constructed (slavery, conquest of the West, economic liberalism) and to the ceaseless wars, from the War of Independence to the Middle Eastern wars, not forgetting the Civil War and two World Wars. As the nation succeeded in integrating its immigrants, it also assimilated their different cultures and their discoveries in the field psychiatry. Many theories and practices that later diffused by globalization were instigated by the nation, among others the DSMs, part of the cultural, scientific, economic and political development of the nation. Lay people were early protagonists in the constructive shifts, conflicts and anti-psychiatry tendencies. Discussion This paper examines the growing success of psychoanalysis in the 1950s and the causes behind its loss of influence in the 1970s. It does not attribute this loss to the DSM-III, but to the psychoanalysts themselves. It sets out to demonstrate that the DSM-III and later DSMs did not result in a paradigm shift in the meaning of Thomas Kuhn. Conclusion The history of American psychiatry proves that there is little chance of seeing an end to the conflicts between advocates of the brain, still poorly understood, and upholders of the mind, often poorly defined, as long as our knowledge in the field of mental disorders remains as slim as it is today. [ABSTRACT FROM AUTHOR]