La question de l’universalisme ou du relativisme des droits de l’homme demeure sans doute l’une des plus controversées de la théorie des droits. Elle a longtemps pesé sur l’ensemble des réflexions sur le concept de droits humains. Pourtant, malgré ou peut-être à cause de la prégnance de ce débat, il a souvent été traité de façon stéréotypée,universalisme et relativisme étant présentés comme les deux pôles d’une dichotomie rigide, assimilés à un positionnement pour ou contre la suprématie des droits de l’homme sur les différences culturelles. Il existe certes un antagonisme fondamental entre les principes de base de l’universalisme d’une part, et ceux du relativisme de l’autre, et la question de savoir laquelle de ces deux perspectives saisit avec le plus de justesse le semble cependant que cette dichotomie stricte, postulée par une large partie de la doctrine, repose sur une conception réductrice tant de la notion de « droits » que de celle de « culture ». Comme nous le soutiendrons dans cet article, ces deux concepts sont en réalité beaucoup plus complexes et dynamiques que cette vision simplifiée ne le laisse penser. Nous n’entrerons pas dans le détail du débat sur le relativisme culturel, qui a généré une littérature extrêmement abondante et complexe2. Plutôt que de revenir sur des thèmes traités à profusion par de nombreux auteurs, nous concentrerons notre attention sur les éléments théoriques et factuels qui démontrent qu’un dépassement de la dichotomie entre droits de l’homme et culture est non seulement possible mais nécessaire. On commencera par évoquer brièvement l’évolution de la théorie anthropologique et les transformations du système mondial qui ont marqué l’époque contemporaine. L’étude de ce double phénomène conduit à porter un nouveau regard sur les rapports entre « droits » et « cultures » (I). Pour illustrer ces considérations théoriques, on se penchera ensuite sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, afin de mettre en lumière la diversité des formes d’interactions entre droits humains et facteurs culturels qui s’y observent (II).