La multiplication des formations professionnelles universitaires (FPU) a poussé plusieurs chercheurs à s’intéresser aux caractéristiques de ces formations, leur perméabilité à une multitude de pressions étant l’une des plus fréquemment relevées. Ainsi, les unités responsables de FPU sont confrontées à des pressions diverses et souvent contradictoires. Si les écrits scientifiques sur les FPU témoignent bien de cette réalité, ceux-ci nous informent moins bien de la manière dont les unités responsables de ce type de formation répondent à ces pressions. Cette thèse a donc fait appel à plusieurs concepts de l’approche institutionnelle issue de la sociologie des organisations pour analyser l’évolution récente de la FPU destinée aux directions d’établissement scolaire (DES) du Québec, un champ qui a connu d’importantes transformations au cours des vingt-cinq dernières années. Construite sur une étude de cas interprétative dite à « unités enchâssées » (Yin, 2003), cette thèse s’est intéressée à l’évolution de cette formation dans deux unités universitaires francophones : le Département d’administration et fondements de l’éducation de l’Université de Montréal et le Département de gestion de l’éducation et de la formation de l’Université de Sherbrooke. Couvrant la période allant des années universitaires 1988-1989 à 2008-2009, elle repose sur une analyse du discours produit par les deux unités sélectionnées, et, dans une moindre mesure, par les organisations qui composent le champ organisationnel de la formation des DES au Québec. Pour ce faire, trois corpus documentaires distincts ont été assemblés et une série d’entrevues (dix par unités) ont été réalisées auprès d’informateurs-clés (doyens, directeurs de département/section, responsables de formation). Les résultats montrent comment ces unités tendent à se rendre isomorphes à leur environnement, et comment cela se fait en réponse à des pressions institutionnelles et de compétition diverses émanant d’un champ organisationnel en pleine transformation. En fait, poussée par des changements plus profonds touchant l’administration scolaire, cette transformation amène un champ organisationnel plus structuré, où les attentes concernant la FPU destinée aux DES sont plus explicites. Cela n’est pas sans conséquence sur l’évolution de la formation dans les deux unités. En effet, celle-ci connaît des changements importants, dont plusieurs convergent autour d’une logique de professionnalisation, d’un archétype spécifique de formation (un continuum de formation de 2e cycle, au cœur duquel se trouve un diplôme de deuxième cycle) et d’outils conséquents (conditions d’admission et populations étudiantes élargies; flexibilité dans la structure du programme et professionnalisation des activités; équipes enseignantes plus diversifiées). Les deux unités n’apparaissent cependant pas impuissantes devant ces pressions. Les résultats témoignent d’un certain niveau d’agence des deux unités, qui déploient un éventail de stratégies en réaction à ces pressions. Ces stratégies évoluent au cours de la période observée et visent surtout à gérer la situation de « pluralisme institutionnel » à laquelle elles sont confrontées, notamment entre les pressions externes de nature plus professionnalisantes, et les pressions intraorganisationnelles de nature plus académisantes. Ainsi, plusieurs des stratégies et tactiques composant la typologie d’Oliver (1991) ont été observées, les stratégies de compromis et de manipulation occupant, dans les deux unités, une place de plus en plus importante au gré de l’évolution du champ. La mise en œuvre de ces stratégies vise surtout à maintenir la légitimité de leur offre de formation devant des pressions plurielles et parfois contradictoires. Les résultats montrent aussi que la nature de l’entrepreneuriat institutionnel en place détermine en grande partie les stratégies qu’elles déploient. Cet « entrepreneuriat » est au cœur de l’évolution de la formation. Cependant, les résultats montrent aussi comment celui-ci est en partie contraint ou, a contrario, stimulé par les choix historiques qui ont été faits par les unités et leur université, et par l’empreinte et les dépendances de sentier qui en découlent. Ces résultats apportent un éclairage « institutionnaliste » sur la manière dont deux unités universitaires ont réagi, à une période donnée, aux pressions diverses provenant de leur environnement. Ils brossent un portrait complexe et nuancé qui vient à la fois (1) approfondir notre compréhension de cette spécificité des FPU, (2) approfondir notre compréhension de l’évolution récente de la FPU destinée aux DES québécoises, et (3) confirmer la puissance d’analyse de plusieurs concepts tirés de l’approche institutionnelle., The multiplication of university professional training programs (UPTP) has generated some interest in the description of such programs. Their permeability to pressures is often cited as a characteristic of UPTP. Departments that offer UPTP deal with pressures that are both diverse and often contradictory. This phenomenon is well documented in the scientific literature, though said literature does not well inform researchers on how departments respond to these pressures. This doctoral research used various concepts taken from institutional theory (itself a branch of organizational sociology) to analyze the recent evolution of UPTP for educational leadership in the province of Quebec (Canada). This field of training has gone through major changes in the past 25 years. Using an embedded interpretative case study (Yin, 2003), this research studied the evolution of educational leadership training programs in two university departments: the Département d’administration et fondements de l’éducation at Université de Montréal and the Département de gestion de l’éducation et de la formation at Université de Sherbrooke. We analyzed the discourse from the two departments (from 1988-1989 to 2008-2009) and from other organizations involved in educational leadership training in Quebec. We compiled data from three distinct document sources and from a series of interviews (ten per department) conducted with key agents (deans, department chairs, program coordinators). Results show that the two units tend to become isomorphic to their environment. They behave as such as a response to institutional pressures and organizational competition in a changing environment. These changes, often driven by a deeper transformation in the field of school administration, actually help create a more structured organizational field in which demands regarding UPTP for educational leadership were made more explicit. This had observable impacts on the evolution of training programs in both departments, where they went through several changes and were lead to share a ‘logic’ of professionalization, a training ‘archetype’ (a graduate continuing education program with, at its core, a graduate diploma) and some relevant institutional ‘tools’ (widened admissions policies and target student population, enhanced program flexibility, professionalized training activities, and teaching teams with diversified backgrounds). Nevertheless, none of the departments appeared powerless when facing these pressures. Results show that these two units uphold their agency, through a variety of strategies in response to the pressures from the environment. These strategies evolved during the period under scrutiny and seem aimed at managing the ‘institutional pluralism’ that arises from the clash of external pressures (that push towards professionalizing educational leadership development programs) and internal pressures (that push towards a more “academic” model of development). Many of the strategies and tactics described by Oliver (1991) were used, including compromise and manipulation, both of which took more and more place as time went by. The quest for legitimacy seems to have driven the implementation of these strategies, with regards to the multitude of sometimes contradictory pressures. The nature of the institutional entrepreneurship also determines the choice of strategy used by each department. This entrepreneurship is the main driver of the evolution of the UPTP. Results show, however, that this entrepreneurship is both constrained and stimulated by historical institutional choices and, furthermore, by the ‘imprint’ and ‘path dependencies’ created by these choices. These results shed an institutionalist spotlight on the way these two departments reacted to environmental pressures during the period under study. The complex portrait sketched by these results 1) enhances our understanding of this important characteristic of university professional training programs, 2) enhances our understanding of the recent evolution of educational leadership training in Quebec, and 3) confirms the analytical strength of many concepts that stem from institutional theory.