La gazéification est aujourd'hui l'une des stratégies les plus prometteuses pour valoriser les déchets en énergie. Cette technologie thermo-chimique permet une réduction de 95 % de la masse des intrants et génère des cendres inertes ainsi que du gaz de synthèse (syngaz). Le syngaz est un combustible gazeux composé principalement de monoxyde de carbone (CO), d'hydrogène (H2) et de dioxyde de carbone (CO2). Le syngaz peut être utilisé pour produire de la chaleur et de l'électricité. Il est également la pierre angulaire d'un grand nombre de produits à haute valeur ajoutée, allant de l'éthanol à l'ammoniac et l'hydrogène pur. Les applications en aval de la production de syngaz sont dictées par son pouvoir calorifique, lui-même dépendant de la teneur du gaz en H2. L’augmentation du contenu du syngaz en H2 est rendu possible par la conversion catalytique à la vapeur d’eau, largement répandu dans le cadre du reformage du méthane pour la production d'hydrogène. Au cours de cette réaction, le CO est converti en H2 et CO2 selon : CO + H2O → CO2 + H2. Ce processus est possible grâce à des catalyseurs métalliques mis en contact avec le CO et de la vapeur. La conversion catalytique à la vapeur d’eau a jusqu'ici été réservé pour de grandes installations industrielles car elle nécessite un capital et des charges d’exploitations très importantes. Par conséquent, les installations de plus petite échelle et traitant des intrants de faible qualité (biomasse, déchets, boues ...), n'ont pas accès à cette technologie. Ainsi, la seule utilisation de leur syngaz à faible pouvoir calorifique, est limitée à la génération de chaleur ou, tout au plus, d'électricité. Afin de permettre à ces installations une gamme d’application plus vaste de leurs syngaz, une alternative économique à base de catalyseur biologique est proposée par l’utilisation de bactéries hyperthermophiles hydrogénogènes. L'objectif de cette thèse est d'utiliser Carboxydothermus hydrogenoformans, une bactérie thermophile carboxydotrophe hydrogénogène comme catalyseur biologique pour la conversion du monoxyde de carbone en hydrogène. Pour cela, l’impact d'un phénomène de biominéralisation sur la production d’H2 a été étudié. Ensuite, la faisabilité et les limites de l’utilisation de la souche dans un bioréacteur ont été évaluées. Tout d'abord, la caractérisation de la phase inorganique prédominante lorsque C. hydrogenoformans est inoculé dans le milieu DSMZ, a révélé une biominéralisation de phosphate de calcium (CaP) cristallin en deux phases. L’analyse par diffraction des rayons X et spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier de ce matériau biphasique indique une signature caractéristique de la Mg-whitlockite, alors que les images obtenues par microscopie électronique à transmission ont montré l'existence de nanotiges cristallines s’apparentant à de l’hydroxyapatite. Dans les deux cas, le mode de biominéralisation semble être biologiquement induit plutôt que contrôlé. L'impact du précipité de CaP endogène sur le transfert de masse du CO et la production d’H2 a ensuite été étudié. Les résultats ont été comparés aux valeurs obtenues dans un milieu où aucune précipitation n'est observée. Dans le milieu DSMZ, le KLa apparent (0.22 ± 0.005 min-1) et le rendement de production d’H2 (89.11 ± 6.69 %) étaient plus élevés que ceux obtenus avec le milieu modifié (0.19 ± 0.015 min-1 et 82.60 ± 3.62% respectivement). La présence du précipité n'a eu aucune incidence sur l'activité microbienne. En somme, le précipité de CaP offre une nouvelle stratégie pour améliorer les performances de transfert de masse du CO en utilisant les propriétés hydrophobes de gaz. En second lieu, la conversion du CO en H2 par la souche Carboxydothermus hydrogenoformans fut étudiée et optimisée dans un réacteur gazosiphon de 35 L. Parmi toutes les conditions opérationnelles, le paramètre majeur fut le ratio du débit de recirculation du gaz sur le débit d'alimentation en CO (QR:Qin). Ce ratio impacte à la fois l'activité biologique et le taux de transfert de masse gaz-liquide. En effet, au dessus d’un ratio de 40, les performances de conversion du CO en H2 sont limitées par l’activité biologique alors qu’en dessous, elles sont limitées par le transfert de masse. Cela se concrétise par une efficacité de conversion maximale de 90.4 ± 0.3 % et une activité spécifique de 2.7 ± 0.4 molCO·g–1VSS·d–1. Malgré des résultats prometteurs, les performances du bioréacteur ont été limitées par une faible densité cellulaire, typique de la croissance planctonique de C. hydrogenoformans. Cette limite est le facteur le plus contraignant pour des taux de charge de CO plus élevés. Ces performances ont été comparées à celles obtenues dans un réacteur à fibres creuses (BRFC) inoculé par la souche. En dépit d’une densité cellulaire et d’une activité volumétrique plus élevées, les performances du BRFC à tout le moins cinétiquement limitées quand elles n’étaient pas impactées par le transfert de masse, l'encrassement et le vieillissement de la membrane. Afin de parer à la dégénérescence de C. hydrogenoformans en cas de pénurie de CO, la croissance de la bactérie sur pyruvate en tant que seule source de carbone a été également caractérisée. Fait intéressant, en présence simultanée de pyruvate et de CO, C. hydrogenoformans n’a amorcé la consommation de pyruvate qu’une fois le CO épuisé. Cela a été attribué à un mécanisme d'inhibition du métabolisme du pyruvate par le CO, faisant ainsi du pyruvate le candidat idéal pour un système in situ de secours., Gasification is today one of the most promising strategies to recover energy from waste. This thermo-chemical technology allows a 95% weight reduction of the input and generates inorganic inert ashes as well as a synthesis gas (syngas). Syngas is a gaseous fuel mainly composed of carbon monoxide (CO), hydrogen (H2) and carbon dioxide (CO2). Syngas can be burned to produce heat and electricity. It is also the building block of many high added- value products ranging from ethanol to ammonia and pure hydrogen. Downstream applications of syngas production will depend on its heating value, which is determined by its content in H2. Upgrading the H2 content in syngas is performed by the water-gas shift (WGS) reaction, widely utilized during methane reforming for hydrogen production. During the WGS reaction CO is converted to H2 and CO2 according to: CO + H2O → CO2 + H2. This process is achieved using a metallic catalyst in a heterogeneous gas-phase reaction with CO and steam. The WGS reaction has so far been reserved for large-scale gasification plants and requires high capital and operational expenditures. Hence, smaller scale plants that process low-grade materials (biomass, waste, sludge...), would not have access to such technology. The only possible outcome with the synthesis gas (syngas) produced and which generally has a poor heating value, is to generate heat or at best, electricity. In order to offer small plants access to the WGS reaction and to a higher range of products from their syngas, an alternative to the expensive and energy-intensive established catalyst-based WGS is here considered, such as extreme-thermophilic microbial processes carried out by hydrogenogens. The goal of this thesis was to use Carboxydothermus hydrogenoformans, a thermophilic carboxydotrophic hydrogenogenic bacterium as a biological catalyst for the WGS reaction. This was done by characterizing the impact of a growth-associated biomineralization phenomenon on H2 production and assessing the feasibility and limitations of using the strain in a bioreactor. First, characterization of the predominant inorganic phase when Carboxydothermus hydrogenoformans was inoculated in the DSMZ medium revealed the biomineralization of two crystalline CaP phases. The X-ray diffractometry peaks and Fourier transform infrared spectroscopy spectrum of this biphasic material consistently showed features characteristic of Mg-whitlockite, whereas transmission electron microscopy analysis showed the existence of hydroxyapatite-like nanorods crystals. In both cases, the mode of biomineralization appears to be biologically induced rather than biologically controlled. The impact of the endogenous CaP precipitate on CO mass transfer and H2 production was thus assessed and compared to a medium where no precipitation was observed. In the DSMZ medium, the apparent KLa (0.22 ±0.005 min-1) and H2 production yield (89.11 ±6.69%) were higher than the ones obtained in the modified medium (0.19 ±0.015 min-1 and 82.60 ±3.62% respectively). The presence of the precipitate had no impact on C. hydrogenoformans CO uptake. Overall, the CaP precipitate offers a novel strategy for gas-liquid mass transfer enhancement using CO hydrophobic properties. Second, the conversion of CO into H2 by C. hydrogenoformans was investigated and optimized in a 35 L gas-lift reactor. Upon all operational conditions, the ratio of gas recirculation over CO feed flow rates (QR:Qin) was the major parameter that impacted both biological activity and volumetric gas-liquid mass transfer. The CO conversion performance of the gas lift reactor was kinetically limited over a QR:Qin ratio of 40, and mass transfer limited below that ratio, resulting in a maximum conversion efficiency of 90.4±0.3% and a biological activity of 2.7±0.4 molCO· g–1VSS· day–1. Despite very promising results, CO conversion performance was limited by a low cell density, typical of C. hydrogenoformans planktonic growth. This limitation was found to be the most restrictive factor for higher CO loading rates. Results were compared to the performance of the strain inoculated in a hollow fiber membrane bioreactor where performance, despite the higher cell density and volumetric activity, was biokinetically limited, when not limited by gas–liquid mass transfer, membrane fouling and aging. To avoid any C. hydrogenoformans decay during potential CO shortages, growth of the bacterium on pyruvate as a sole carbon source was characterized. Interestingly, when grown simultaneously on pyruvate and CO, pyruvate consumption was initiated upon CO depletion. This was attributed to the inhibition of pyruvate oxidation by CO, making pyruvate the ideal candidate for an in-situ back-up system.