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En août 1914, le Japon affirmait représenter et défendre l’Asie orientale. Le pays se voyait au même niveau de civilisation que les puissances de l’Entente, ce qui a été symbolisé par l’envoi de la Croix-Rouge japonaise en Europe. Les rares fois où les médias japonais ont évoqué les travailleurs chinois présents en Europe, ils l’ont fait à travers un « regard impérialiste ». On supposait alors que le contact avec la société européenne avait sur eux un effet civilisateur. La crainte de voir les compatriotes est-asiatiques être victimes de racisme ne se faisait ressentir que très rarement. En tant qu’administratrices de fait de la péninsule du Shandong, les autorités japonaises ont apporté leur concours au recrutement des « coolies », qu’elles considéraient comme de vulgaires produits. Leur transport vers l’Europe n’était pour elles qu’une simple question administrative. Après 1919, les travailleurs revenus d’Europe étaient considérés comme une menace pour l’empire officieux japonais en Chine. Ils étaient suspectés d’être manipulés par les États-Unis, d’où le refus de leur accorder un rôle actif.

Cent quarante mille Chinois ont travaillé en France pendant la Première Guerre mondiale. Cette histoire est restée longtemps méconnue du public. Que faisaient-ils dans cette « guerre européenne » ? Comment ont-ils été recrutés et transportés ? Où se trouvaient-ils, et pour quoi faire ? Que sont-ils devenus ? Quel est héritage de cette expérience ? L'ensemble de ces questions, par leurs multiples ramifications, touche non seulement à l'histoire de la Grande Guerre, mais aussi à l'histoire de la Chine. Cet épisode s'inscrit dans une période décisive de l'histoire mondiale : la Conférence de paix de Paris a déclenché le « Mouvement du 4 mai » (1919), soulèvement patriotique, considéré comme l'acte de naissance de la modernité chinoise. Cet ouvrage, le premier en langue française qui fait œuvre de synthèse, réunit les recherches les plus récentes sur le sujet, en s'appuyant sur des documents originaux, archives et sources primaires chinoises, et en présentant des témoignages inédits.