Toute l’œuvre de Jérôme Bel consiste à mettre au jour les signifiants du dispositif théâtral : l’espace, l’écriture chorégraphique, le texte, le corps, la lumière, la musique, le rôle et, bien entendu, le public. Refusant de produire un contenu spectaculaire ou virtuose et prenant ainsi le risque de frustrer les attentes et désirs déterminés des spectateurs, son travail peut se dire animé par la recherche d’un « degré zéro de l’écriture » théâtrale, comprise elle-même comme une tension vers un « degré zéro » de la représentation. Bien évidemment, cette cible n’est jamais tout à fait atteinte et les spectacles de Jérôme Bel donnent à voir. Ils donnent à voir les signes culturels, sociaux, politiques qui structurent la représentation chorégraphique et théâtrale. Dans une telle entreprise, quelle place occupe la distribution, ce paramètre qui met en jeu les agents de la représentation et non pas seulement ses objets ? Jérôme Bel joue la distribution a minima de deux manières. Tout d’abord, il s’ingénie à dissocier les paramètres de la distribution, à distribuer un chorégraphe dans Xavier Leroy sans délivrer aucune partition ou, inversement, à proposer une partition dans The show must go on sans chercher à la répartir entre les interprètes. Ensuite à partir de Véronique Doisneau, Jérôme Bel se laisse distribuer. Il réduit ainsi le pouvoir du maître de distribution qu’est le metteur en scène, lequel détermine d’ordinaire à la fois ce qui sera visible et qui le sera. Un tel dessaisissement produit un théâtre documentaire et conduit à reconfigurer le partage de la parole entre metteur en scène et interprètes. Mais il produit encore un passage de l’autre côté du miroir de la représentation en en exhibant quelques envers. Jusqu’à Cour d’honneur toutefois, spectacle qui semble poser la question de la démocratie au théâtre en partant de ses spectateurs, mais qui la dévoie pourtant car Jérôme Bel y est réinvesti en maître de la distribution. Jérôme Bel’s work emphasises signifier of the theater (space, choreographic writing, text, bodies, lights, music, parts, and, of course, audience). He refuses to produce a spectacular content. Therefore, he risks to frustrate the expectations of the audience. His work is therefore a kind of research of a degree zero of theatrical writing. More generally his work is link to a research of the degree zero of the performance. Jérôme Bel obviously never achieves completely this goal. In fact, the performances show cultural, political, social signs which define theatre.In such a work, what is the place of the casting? Jérôme Bel tries to move aside from the casting in two different ways. First, he separates which is normally linked together in the casting: in Xavier Leroy he assigns a choreograph, Xavier Leroy, but he gives him no content to produce. On the contrary, in The show must go on, he gives a very precise content to the performance but this content is not shared out between the actors. Second, from Véronique Doisneau, he casts himself as a stage director. In that way, he reduces power of this one. From this moment, he begins to make some documentary performances which represent a sharing of speech between himself and his performers. He then manages to show many back sides of the theater. However it’s not the case of Cour d’honneur. This performance seems to talk about democracy, because it gives a chance to the spectators to speak. In fact, the audience mostly listen to the voice of Jérôme Bel himself. The reason seems to be that he has mastered the whole process of casting.