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Alain Caillé resitue le paradigme du don que le Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (MAUSS) s’emploie à dégager depuis une trentaine d’années avant de montrer comment les lunettes du don permettent de mieux voir ce qu’il y a dans la boîte noire des organisations et de mieux lire par là même les ravages du néomanagement. À cette contribution répond celle de Norbert Alter dans le cadre du dossier Chorus « Peut-on penser le travail par le don ? » Alain Caillé starts by resituating the gift paradigm that the “Anti-Utilitarian Social Sciences Movement” (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales, MAUSS) has tried to mobilise for nearly 30 years now. He then goes on to show how seeing things through the filter of gift-making makes it easier to see what lies in organisations’ black box, starting with the ravages of neo-management. Norbert Alter has written a response to this contribution under the aegis of his “Conceptualising work as a gift” (Peut-on penser le travail par le don?) Chorus file. Alain Caillé aborda desde una nueva óptica el paradigma del don, que el Movimiento antiutilitarista en ciencias sociales (MAUSS) ha tratado de deslindar desde hace treinta años ; después muestra cómo, desde la perspectiva del don, se puede ver mejor lo que hay en la caja negra de las organizaciones y de esa forma hacer una lectura más clara de los estragos que ha causado el neomanagement. A su contribución responde la de Norbert Alter, dentro del número Chorus : “¿Es posible pensar el trabajo a través del don ?”

Cet article définit les grandes lignes de la sociologie filmique en les appliquant au travail. À la fois outils d’investigation et d’expression, la caméra puis le cinéma requièrent une maîtrise de l’écriture cinématographique pour que le documentaire sociologique advienne. À partir de deux de ses réalisations, l’une sur le travail ouvrier et l’autre sur le travail de manager, l’auteur montre comment le cinéma dit autrement ce qu’exprime l’imprimé. La co-production des savoirs entre réalisateur et personnage des films apparaît comme l’un des enjeux de la sociologie filmique, en particulier à partir des entretiens dont les sociologues ont alors à inventer de nouvelles utilisations. Enfin, les questions de distanciation et de point de vue posés à la sociologie en général traversent cet article puisqu’elles se posent ici avec acuité : la caméra montre indirectement le point de vue duquel le cinéaste regarde le social et le montage vient affiner ses choix. En annexe, quatorze propositions indiquent les orientations que pourraient emprunter la sociologie filmique. This article defines the main contours of the filmic sociology by applying them to the world of work. As tools of investigation and expression, cameras (and cinema as a whole) require a mastery of cinematographic writing in order that sociological documentaries might exist. Based on two of these productions – one involving blue collar work and the other managerial work – the author demonstrates the difference between what cinematographic expression and the printed word communicate. The co-production of knowledge between the director of a film and the characters therein is depicted as one of the main challenges facing the filmic sociology, particularly where this entails interviews with new uses that sociologists have yet to invent. Otherwise, the article deals with the « distanciation » and point of view issues that preoccupy sociology in general but are particularly acute here. Cameras offer an indirect way of showing the perspective with which a filmmaker views society, with the editing process fine-tuning whatever choices have been made. The fourteen proposals featured in the appendix indicate what directions the filmic sociology might take. En este artículo se definen las grandes líneas de la sociología fílmica y se aplican al trabajo. La producción de un documental sociológico ha requerido el dominio de la escritura cinematográfica a través de la cámara y más tarde del cine, herramientas a la vez de investigación y de expresión. A partir de dos producciones en ese campo, una sobre el trabajo obrero y la otra sobre el trabajo gerencial, el autor muestra cómo el cine dice de otra manera lo que expresa el documento impreso. La coproducción de los saberes entre el director y el personaje de las películas aparece como uno de los aspectos esenciales de la sociología fílmica en particular a partir de las entrevistas, que los sociólogos han tenido que aprender a utilizar de nuevas maneras. Por otra parte, los temas de distanciación y punto de vista que se plantean a la sociología en general están presentes en este artículo ; en este caso se plantean con gran claridad puesto que la cámara muestra de manera indirecta el punto de vista a partir del cual el cineasta mira lo social, y el montaje viene a afinar su perspectiva. Como anexo, catorce propuestas indican las orientaciones que la sociología fílmica podría adoptar.

Dans un échange avec la Nouvelle Revue du Travail, Alain Caillé et Norbert Alter soutiennent leur lecture maussienne des réalités contemporaines du travail en discutant les questions centrales du capitalisme, du salariat, de l’entreprise et du travail sociologique. Cet échange fait suite aux contributions d’Alain Caillé et Norbert Alter dans ce Chorus « Peut-on penser le travail par le don ? De la mise en œuvre du paradigme du don contre-don en sociologie du travail. » In an exchange with the Nouvelle Revue du Travail, Alain Caillé and Norbert Alter pursue their Maussian analysis of the reality of contemporary work by discussing questions that are central to capitalism, wage-earning, enterprise and the sociology of work. This follows their contribution to this issue of Chorus entitled “Conceptualising work as a gift: Implementing the gift/counter-gift paradigm in the sociology of work” (Peut-on penser le travail par le don? De la mise en œuvre du paradigme du don contre-don en sociologie du travail). En el marco de un debate con la Nouvelle Revue du Travail, Alain Caillé y Norbert Alter apoyan su lectura maussiana de las realidades contemporáneas del trabajo en una discusión de los aspectos centrales del capitalismo, del trabajo asalariado, de la empresa y del trabajo sociológico. Ese debate se suscitó a partir de las contribuciones de Alain Caillé y Norbert Alter en este Chorus: “¿Es posible pensar el trabajo a través del don? Acerca de la aplicación del paradigma del don-contradon en sociología del trabajo”.

Depuis la parution du traité de Georges Friedmann et Pierre Naville il y a cinquante ans, la sociologie du travail a toujours cherché à comprendre, sous leurs divers aspects, toutes les communautés humaines qui se constituent à l’occasion du travail. Elle s’y est attachée en introduisant dans son champ une très riche variété de paradigmes et en acceptant par là même les conflits théoriques. C’est dans cet esprit d’ouverture et de débat que le premier dossier Chorus de la Nouvelle Revue du Travail est consacré à la mise en œuvre du paradigme du don en matière de sociologie du travail. Alain Caillé, le principal animateur du Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales (MAUSS) et Norbert Alter, le contributeur essentiel d’inspiration maussienne pour la sociologie du travail et des organisations, reviennent dans deux textes inédits sur les vertus heuristiques de la théorie du don contre-don pour appréhender le monde du travail et ses mutations. La NRT ouvre ensuite le débat avec ces deux auteurs. Since Georges Friedmann and Pierre Naville’s seminal treatise was first published 50 years ago, the sociology of work has always tried to understand the full range of human communities that arise when work occurs, under all of their different aspects. It has tried to achieve this by introducing a very wide variety of paradigms into the field and by addressing any ancillary theoretical conflicts. It is in this spirit of openness and debate that the first Chorus file in the Nouvelle Revue du Travail (NRT) looks at how the gift paradigm has been implemented in the sociology of work. Alain Caillé, one of the main drivers behind the “Anti-Utilitarian Social Sciences Movement” (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales, MAUSS) – along with Norbert Alter, a leading Maussian figurehead in the sociology of work and organisations – use two original texts to review the heuristic virtues of the gift/counter-gift theory in order to apprehend the world of work in all of its changing forms. Following this, the NRT opens a debate with the two authors. Hace ya cincuenta años que se publicó el célebre tratado de Georges Friedmann y Pierre Naville. Desde entonces, la sociología del trabajo no ha cesado de tratar de comprender, en sus distintos aspectos, a todas las comunidades humanas que se constituyen a partir del trabajo ; con tal fin, ha introducido en su campo de estudio una rica variedad de paradigmas, aceptando con ello los conflictos teóricos. En ese contexto de mentalidad abierta y de debate, dedicamos nuestro primer número Chorus de la Nouvelle Revue du Travail al tema de la aplicación del paradigma del don al campo de la sociología del trabajo. Alain Caillé, principal animador del Movimiento antiutilitarista en ciencias sociales (MAUSS por sus siglas en francés) y Norbert Alter, quien se ha inspirado de los trabajos de Marcel Mauss y cuya contribución a la sociología del trabajo y de las organizaciones resulta esencial, abordan en dos trabajos inéditos las virtudes heurísticas de la teoría del don-contradon para aprehender el mundo del trabajo y sus profundas transformaciones. A continuación, la Nouvelle Revue du Travail abre el debate con ambos autores.

Cet article s’attache à comprendre et à analyser l’importance prise par le temps dans le travail scientifique. Le plus souvent, étant considérée comme une activité au rythme intrinsèque, la science semble échapper au temps. Pourtant, généré par le phénomène de contextualisation, on montrera que le temps s’installe comme mesure de son procès de travail. À partir de données extraites d’une étude d’un laboratoire développant des recherches en biomédecine, l’analyse permet d’identifier trois temporalités différentes : une temporalité professionnelle intrinsèque, une temporalité sociétale extrinsèque et une temporalité gestionnaire hybride. C’est à l’articulation de ces trois temporalités que des tensions s’exercent sur le procès de travail du laboratoire. Elles ont pour enjeu l’autonomie professionnelle des scientifiques. Dans le cas analysé, la temporalité gestionnaire apparaît alors comme une mesure du temps dans la science, protectrice de cette autonomie. The article seeks to understand and analyse the growing importance of time in scientific work. Science is usually seen as an activity with an intrinsic rhythm that seems to escape time. Based on the phenomenon of contextualisation, however, we will show that time has become a way of measuring work processes. Using data from a biomedical research laboratory study, the analysis identifies three time scales: an intrinsic professional temporality; an extrinsic social temporality; and a hybrid managerial temporality. It is at the interface between these three temporalities that tensions affect laboratory work processes. The main issue at stake is scientists’ professional autonomy. In the case being analysed here, managerial temporality appears as something that measures time in science and protects the autonomy thereof. En este artículo buscamos comprender y analizar la importancia que ha adquirido el tiempo en el trabajo científico. La mayoría de las veces, como se le considera una actividad que tiene un ritmo intrínseco, la ciencia parece escapar al tiempo. Sin embargo, generado por el fenómeno de la contextualización, veremos cómo el tiempo se instala como medida de su proceso de trabajo. A partir de datos extraídos del estudio de un laboratorio que desarrolla investigaciones en biomedicina, el análisis permite identificar tres temporalidades diferentes: una temporalidad profesional intrínseca, una temporalidad societal extrínseca y una temporalidad de gestión híbrida. En la articulación de esas tres temporalidades es donde se ejercen tensiones sobre el proceso de trabajo del laboratorio, que tienen por objeto la autonomía profesional de los científicos. En el caso estudiado, la temporalidad de gestión aparece entonces como una medida del tiempo en la ciencia, protectora de esa autonomía.

En s’appuyant sur l’analyse d’un projet d’informatique industrielle, l’article s’attache à montrer la forme paradoxale du fonctionnement par projet convoquant régulièrement la confiance tout en contrariant son établissement durable. Les relations de confiance prennent une forme obligée et précaire au sens où elles sont soumises aux tensions contradictoires de la temporalité du projet et à l’ambivalence d’acteurs contribuant à des groupes composites. De manière significative, la confiance porte en elle l’enjeu de la construction d’un échange réciproque et, au-delà, la permanence d’alliances entre directions dépassant le cadre même du projet. De manière complémentaire, il se joue dans l’établissement de relations de confiance stables la reconnaissance des individus et leur intégration professionnelle. L’analyse du projet montre que les développeurs vivent une insécurité dans leur relation à l’utilisateur final et à leur environnement de travail, suscitant la méfiance (voire la défiance) et affectant la subjectivité des individus. The article uses analysis of an industrial information processing project to scrutinise project-based operations, a paradoxical form of management that consistently relies upon the presence of trust yet makes it difficult for this to take root. Trust relationships tend to assume imposed and precarious forms due to the fact that they are subject to contradictory tensions associated with a project’s temporality, but also because of the ambivalence felt by actors contributing to composite groups. The chief issue associated with trust pertains to the construction of mutual exchanges, and, beyond this, the permanence of inter-departmental alliances superseding a particular project framework. Alongside of this, individuals’ need for recognition and professional inclusion also requires the establishment of stable relationships of trust. Project analysis reveals that developers feel a sense of insecurity in terms of how they relate to both the final user and their working environment. This causes mistrust (and even defiance) and impacts upon individual subjectivities. A partir del análisis de un proyecto de informática industrial, el autor de este artículo trata de describir lo paradójico del funcionamiento por proyecto, donde regularmente se apela a la confianza y al mismo tiempo existe una oposición a su establecimiento a largo plazo. Las relaciones de confianza adoptan una forma obligada y precaria porque se someten a las tensiones contradictorias de la temporalidad del proyecto y a la ambivalencia de actores que aportan su contribución organizados en grupos heterogéneos. Resulta significativo que en la confianza se juegue la construcción de un intercambio donde existe reciprocidad y, yendo más lejos, la permanencia de alianzas entre direcciones, que rebasan el marco mismo del proyecto ; además, del establecimiento de relaciones de confianza estables depende el reconocimiento de los individuos y su integración profesional. El análisis del proyecto muestra que las personas que lo desarrollan experimentan una inseguridad en su relación con el usuario final y con su ambiente de trabajo y que ello suscita recelo e incluso desconfianza y afecta la subjetividad de los individuos.

Cet article met en perspective la façon dont la messagerie concourt à structurer un nouveau rapport au travail chez les cadres. En s’appuyant sur les travaux d’Elias, il s’agit d’étudier la façon dont la messagerie électronique imprime une unité de temps qui structure l’ensemble des activités des cadres et les transforme. L’analyse proposée s’appuie sur une étude de cas qui interroge les transformations des rôles dédiés aux cadres et plus spécifiquement aux cadres de la fonction publique territoriale à travers l’usage du mail. Les résultats mettent en lumière dans un premier temps la façon dont la messagerie structure d’un point de vue temporel les pratiques professionnelles. Celles-ci s’articulent autour de la gestion et de la hiérarchisation continue d’informations reçues sur le mode du flux continu. Ainsi, ce sont des activités de temporation et de synchronisation de l’information qui constituent les nouvelles formes d’exercice de l’activité. En effet, la particularité du travail des cadres au travers de la messagerie est d’intégrer dans une même unité de temps des données au caractère contradictoire. Si l’outil facilite l’intégration en temps réel des multiples niveaux d’activités, il crée paradoxalement une nouvelle forme de dépendance temporelle qui questionne l’autonomie traditionnellement déléguée au cadre. The paper seeks to determine how e-mail helps to restructure supervisory activities. In France, socio-professional categories such as professionals, managers and executives are all classified as supervisors. Based on Elias’ conception of time, the study analyses how e-mail creates time units that structure and transform supervisory activities. A case study involving a local authority is then mobilized to ask questions about how email use has transformed dedicated supervisory roles. Findings reveal that e-mail tends to structure professional practices along temporal lines. Work starts to revolve around the continuous management and prioritization of information received as a continuous flow. Thus, information temporization and synchronization become the new temporal frameworks within which activities are realized. Indeed, the particularity of working via e-mail is the way that it forces supervisors to integrate contradictory data within a single time unit. The tool facilitates the real-time integration of information derived from multiple activity levels - but paradoxically, it also creates a new form of time dependency. In turn, this raises questions about the kind of autonomy that has traditionally been delegated to supervisors. En este artículo, el autor pone en perspectiva la forma en que la mensajería electrónica contribuye a estructurar una nueva relación de los ejecutivos con su trabajo. Apoyándose en los trabajos de Elias, la intención es estudiar la manera en que la mensajería electrónica introduce una unidad de tiempo que estructura el conjunto de actividades de los ejecutivos y las transforma. El análisis que se propone se apoya en un estudio de caso que interroga las transformaciones de los papeles atribuidos a los ejecutivos y más en particular a los ejecutivos de la función pública territorial a través del uso del correo electrónico. Los resultados arrojan claridad, primero, sobre la manera en que la mensajería estructura las prácticas profesionales desde un punto de vista temporal ; dichas prácticas se articulan en torno a la gestión y la jerarquización continua de información recibida en forma de flujo continuo ; de modo tal que lo que constituye las nuevas formas de ejercicio de la actividad son actividades de temporización y sincronización de la información. Y es que la particularidad del trabajo de los ejecutivos a través de la mensajería electrónica consiste en integrar en una misma unidad de tiempo datos de carácter contradictorio. Si bien la herramienta facilita la integración en tiempo real de los múltiples niveles de actividad, de manera paradójica crea una nueva forma de dependencia temporal que cuestiona la autonomía de la que el ejecutivo gozaba tradicionalmente.