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Cette thèse étudie le développement de l’agir d’élèves inscrits dans une école pour la jeunesse itinérante, l’école Sherwood. Cette école est envisagée comme un espace et un moment de transition offrant aux jeunes de la rue une occasion d’opérer un travail de transformation de soi exercé successivement par les élèves eux-mêmes et par l’institution. La première partie caractérise la fonction technique de l’école Sherwood, c’est-à-dire, à la suite de Darmon, l’ensemble des moyens mis en œuvre par l’institution scolaire pour initier le travail de transformation de soi. Une démarche ethnographique de quatre mois est menée ainsi que des entretiens auprès du personnel et des élèves. Les résultats révèlent une application variable des règles ainsi que des contradictions entre les enjeux économiques, les enjeux sociaux et les enjeux pédagogiques chez les acteurs de l’école. Ces adaptations constantes placent l’élève dans un contexte d’action offrant un large éventail d’agirs possibles et pouvant créer chez lui de la confusion. La deuxième partie propose une articulation des modèles de l’apprentissage expansif d’Engeström et de l’agir faible de Soulet pour décrire le développement de l’agir en situation de vulnérabilité. Ce double modèle est ensuite utilisé comme grille de lecture du récit d’Éric, élève de l’école Sherwood, pour étudier le travail de transformation de soi. L’analyse met en lumière les contradictions dans l’activité d’Éric, ses tentatives pour les surpasser et pour réorganiser son activité, celles-ci ne lui permettant pas de s’en sortir. La troisième partie présente la conception puis la mise en œuvre d’un dispositif clinique conçu comme une occasion de développement des élèves de l’école Sherwood. Ce dispositif est fondé sur la présentation aux élèves d’une adaptation de leur récit de raccrochage scolaire en bande dessinée. Le concept de genèse instrumentale de Rabardel permet de retracer l’histoire de l’activité de création des bandes dessinées et le développement de l’activité de clinicienne de la chercheure et conceptrice. Les réactions des élèves sont ensuite catégorisées selon les composantes de la bande dessinée mobilisées, l’action menée et l’orientation de leur activité (vers leur propre activité, vers celle de la chercheure). Enfin, l’émergence de nouvelles activités narratives et réflexives chez les élèves signalent sa qualité médiatisante de la bande dessinée. Ces segments sont analysés selon la grille des fonctions du récit et des indicateurs du Self de Bruner. Ils se caractérisent par une vulnérabilité intersubjective d’une partie des élèves et une prise de conscience par ceux-ci des fonctions intersubjectives de leurs pratiques langagières. Dans la conclusion, la conception ricoeurienne des capacités humaines offre une relecture des agirs de la chercheure et des élèves, depuis l’étape ethnographique jusqu’à la conception et la présentation de la bande dessinée. La recherche à l’école Sherwood révèle la vulnérabilité des participants et de la chercheure. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : jeunes de la rue, transformation de soi, récit, bande dessinée, vulnérabilité

En partenariat avec l’organisme communautaire montréalais Dans la rue, cette recherche doctorale s’est intéressée à la parentalisation chez les jeunes adultes vivant des situations de grande précarité. Elle s’inscrit dans une recherche plus extensive du GRIJA – le Groupe de recherche sur l’inscription sociale et identitaire des jeunes adultes – qui vise à comprendre la récurrence de dysfonctionnements familiaux entre les générations, notamment celle de la maltraitance et de la victimisation, chez les jeunes en difficulté. Cette population particulière, régulièrement appelée « jeunes de la rue », cumule plusieurs problèmes psychosociaux dans un contexte de précarité et de désaffiliation (Elliott, 2013 ; Gaetz et al., 2016 ; Levac et Labelle). Leurs difficultés commencent bien souvent dans l’enfance ou au cours de l’adolescence (Lussier et Poirier, 2000 ; Poirier et al., 1999). La maltraitance, la négligence, le désengagement parental ou des conflits majeurs avec leurs parents peuvent être des facteurs les amenant à des fugues répétées ou à une expulsion du foyer familial. Du fait de ces dysfonctionnements familiaux importants, l’intervention de la Protection de la jeunesse est fréquente dans leur parcours. Or, la grossesse est une réalité pour de nombreuses jeunes femmes en situation de précarité à Montréal et dans certaines grandes villes du Canada (Haley et al., 2005, 2006 ; Novac et al., 2002 ; Leclerc et al., 2013). Même non désirée ou imprévue, la grossesse peut être investie par les femmes pour changer de mode de vie : arrêter la consommation, trouver un logement, s’engager dans un emploi, renouer contact avec la famille. Néanmoins, les obstacles et les défis semblent parfois trop nombreux pour parvenir à un changement de trajectoire pérenne. Dans ce contexte tumultueux, la répétition des difficultés familiales est au cœur des préoccupations des jeunes parents (Gilbert et Lussier, 2013), mais aussi des intervenants soucieux de la protection de l’enfant et de la souffrance des parents (Chamberland et al., 2007 ; Pagé et Moreau, 2007). Afin de mieux comprendre la parentalisation sociale et psychique des jeunes en situation de précarité, nous avons rencontré en entretiens 12 jeunes parents (6 hommes et 6 femmes) fréquentant ou ayant fréquenté un organisme d’aide aux jeunes en difficulté (Dans la Rue). Les participants étaient invités à parler de leur famille, en répondant à une consigne principale uniforme permettant liberté et spontanéité du récit. L’analyse en profondeur des verbatim a suivi une méthodologie qualitative à deux niveaux inductifs (Gilbert, 2007, 2009 ; Paillé et Mucchielli, 2012). Dans un premier temps, l’analyse thématique a nourri une description riche de l’expérience de la parentalité, soit le vécu subjectif des parents à travers leur récit. Dans un deuxième temps, l’analyse par catégories conceptualisantes a permis la théorisation du travail de mémoire familiale à partir de la métaphore de la photographie de la famille (méthode spécialement conçue pour cette thèse). Ainsi, ces deux volets d’analyse ont soutenu la rédaction de deux articles de résultats abordant : l’auto-exclusion parentale prenant le sens de solution paradoxale pour éviter les défaillances parentales à l’égard de l’enfant (Baret et Gilbert, 2015) et les mécanismes de mémoire familiale entravant l’élaboration des traumatismes et des deuils intrafamiliaux (Baret et Gilbert, 2017). La parentalisation des jeunes en ifficultés semble compliquée par la persistance des attentes de réparation à l’égard des figures parentales,l’échec du processus d’autodétermination parentale et d’autonomisation psychique, ainsi que par le sentiment d’injustice profond à l’égard de la famille et de la société. La distance entre la figure parentale idéale qu’ils souhaitent incarner et la réalité de leur fonction parentale est source de conflits intrapsychiques importants. Du point de vue clinique, il s’agirait d’accompagner la prise de conscience de cet écartèlement psychique entre le désir d’être un « parent merveilleux » et l’identification au « parent maltraitant ». Le travail de mémoire pourrait les aider à accepter que l’histoire qui s’écrit pour leur enfant ne soit pas une réécriture de leur propre histoire, ni uniquement de l’ordre de la réparation. C’est pourquoi nous avons développé l’idée du travail de deuil nécessaire à la parentalisation : le deuil de l’enfance et des parents idéalisés de l’enfance. L’objectif final de cette recherche doctorale est de proposer de nouveaux savoirs sur le plan théorique et sur le plan des pratiques. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Parentalisation ; Jeunes ; Précarité ; Désaffiliation ; Travail de deuil ; Auto exclusion ; Mémoire familiale ; Sociopsychique ; Approche qualitative ; Psychanalyse

Cette thèse est issue d'une étude du Groupe de Recherche sur l'Inscription sociale et identitaire des Jeunes Adultes (GRIJA), intitulée : La parentalité chez les jeunes de la rue et les jeunes adultes itinérants : transmission, répétition, enjeux de l'intervention. Dans le cadre de cette étude principale, nous avons rencontré, à deux reprises, cinq mères et cinq pères âgés entre 18 et 30 ans et fréquentant la ressource Dans la rue. Notre thèse porte plus spécifiquement sur l'analyse qualitative des dix entretiens effectués auprès des cinq jeunes pères. Notre démarche est inductive. Chaque étape du processus découle d'une étape précédente et vient l'enrichir. Les questionnements de départ résultent donc à la fois des résultats préliminaires de la recherche principale et de lectures autour de ses thèmes centraux (« jeunes de la rue », parentalité, transmission psychique, répétition). La question de la parentalisation dans ce contexte particulier demeurant fort peu étudiée à ce jour – et encore moins chez les jeunes pères –, nous avons choisi de nous intéresser spécifiquement aux enjeux identitaires paradoxaux relevant d'une telle situation. En effet, comment interpréter la revendication de cette double identité – « jeune de la rue » et parent – porteuse en elle-même d'un paradoxe : s'inscrire à la fois dans une rupture avec le social, et dans un désir de continuité de celui-ci? Afin d'analyser en profondeur le matériel d'entretiens et d'obtenir ainsi une compréhension plus fine et directement tirée du processus d'analyse, nous avons décidé d'opter pour la recherche de convergence d'éléments suivant différents niveaux d'analyse. Le premier niveau fut le découpage du verbatim en thèmes et catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli), effectué pour la mise en forme des résultats de l'étude principale du GRIJA. Le second fut une analyse permettant de faire ressortir les liens entre le contenu des entretiens et la manière dont ils se sont déroulés. De nouvelles rubriques ont été créées à partir de ce matériel, ainsi que de nombreuses notes concernant le repérage des mouvements transféro-contre-transférentiels des rencontres. Ces analyses nous ont progressivement menée à la présentation de cinq portraits (pour les cinq jeunes pères) que nous avons respectivement appelés: l'Illusionniste, le Boxeur, le Funambule, le Professeur et le Mime. Ces portraits tentent d'illustrer l'essentiel de ces rencontres avec les jeunes pères et laissent entrevoir de nombreux éléments sur lesquels ils s'interrogent et d'autres qui semblent leur échapper. À travers ce qui ressort en termes de transmission et de répétition, la question identitaire et les paradoxes qu'elle recèle commencent à poindre dès la présentation de ces portraits. Nous avons ensuite souhaité rendre compte de convergence entre les participants permettant de penser la problématique de façon plus globale. Une mise en commun a donc donné lieu à un nouveau travail d'analyse et de repérage se déployant selon trois dimensions à discuter : celui des « personnages » familiaux présentés par les jeunes pères (basés sur les rubriques déjà créées), celui des mécanismes interrelationnels et intrapsychiques paradoxaux, et celui de la filiation « tronquée » qu'ils évoquent. Notre point de vue, résolument ancré dans une perspective théorique psychanalytique, se déploie suivant ces dimensions complémentaires et inter-reliées qui concernent à la fois le relationnel, l'intrapsychique et le générationnel, avec leurs mouvements de répétitions « à l'identique » (De M'Uzan). Notre conceptualisation finale permet, d'une part, de penser différemment la symptomatologie, en tant qu'elle s'érige au cœur du développement du sujet (Roussillon) et qu'elle contient, par là même, ses propres possibilités créatives de changement (Winnicott). D'autre part, elle mène à une réflexion sur la question de l'intimité, ce « lieu » potentiellement habitable ou non, tel qu'il se présente chez les cinq jeunes pères rencontrés. Le paradoxe identitaire – « jeune de la rue » et parent – peut dès lors s'appréhender autrement. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : jeunes de la rue, parentalité, transmission, répétition, psychanalyse.

Des études antérieures sur les jeunes de la rue ont souligné combien l’absence de compréhension de plusieurs pans de sa propre existence rend difficile la prise de pouvoir sur sa vie (Poirier et coll, 1999). Pour cette population, les situations de survie sont fréquentes – la prostitution, le crime, la quête d’argent ou la toxicomanie par exemple – accompagnées du désir de s’en sortir, d’atteindre son plein potentiel, de « vivre ». Cependant, peu d’études en psychologie se sont intéressées à cette notion de « vivre », de sens de la vie, au-delà des besoins matériels et de survie chez les jeunes adultes en difficulté. La psychanalyse aborde la question du sens comme un phénomène à travers lequel des mécanismes psychiques de liaison, tels que la symbolisation et la subjectivation, ainsi que certaines fonctions des relations d’objet, telle que la contenance, deviennent des éléments essentiels au phénomène psychique de la mise en sens. L’objectif principal de cette étude au devis qualitatif est d’explorer la question du sens de la vie chez des jeunes adultes fréquentant l’atelier d’art à Dans la Rue. Des entrevues qualitatives ont été réalisées auprès de trois jeunes adultes fréquentant volontairement l’atelier d’art de Dans la Rue. Les Verbatim des entretiens de recherche ont d’abord été analysés à l’aide d’une analyse thématique. Ensuite, un examen discursif des thèmes (Paillé et Mucchielli, 2005) a permis d’interroger les thèmes afin d’en relever les nuances et les implications théoriques ou cliniques. Afin de répondre à notre objectif, qui visait une exploration des aléas individuels de la question du sens de la vie, nous avons dégagé un portrait distinct pour chacun de nos participants. Deux constats principaux émergent de notre analyse des résultats. Premièrement, les jeunes que nous avons rencontrés, malgré des parcours de vie difficiles qui incitent à définir la vie comme un non-sens, veulent vivre et sont prêts à mettre des efforts pour y arriver. Ce sont également des jeunes en mouvement, qui se sentent responsables de leur propre question du sens. Deuxièmement, sous l’éclairage psychodynamique, l’atelier d’art apparaît comme une ressource tout à fait pertinente pour favoriser la remise en marche de processus psychiques permettant la mise en sens. Les propriétés d’une aire intermédiaire d’expérience (Winnicott, 1975), la présence du regard de l’autre ainsi que les propriétés médium malléable (Roussillon, 2007) se rapportant à l’atelier d’art émergent comme des caractéristiques intéressantes dans le domaine de l’intervention auprès des jeunes de la rue. _____________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : sens de la vie, sens, jeunes de la rue, jeunes adultes en difficulté, symbolisation, subjectivation, atelier d’art, médium malléable