Caillot, D., Bernard, A., Couaillier, J.-F., Casasnovas, O., Cuisenier, B., Mannone, L., Lopez, J., Durand, C., Bonnin, A., Petrella, T., Piard, F., Dumas, M., and Guy, H.
L’aspergillose pulmonaire invasive (API) nosocomiale reste une complication redoutable des patients immunodéprimés. Nous rapportons notre expérience (depuis 1988) dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique de 45 cas d’API (dont 25 cas histologiquement prouvés) survenues chez des patients atteints d’hémopathies malignes. Au moment du diagnostic d’API, 98% des patients étaient neutropéniques (PN < 0,5 G/1; durée médiane : 19 jours), 73% avaient des douleurs thoraciques et 53% des hémoptysies. L’antigénémie aspergillaire a été positive chez 15 des 42 patients où elle a été recherchée. La culture du lavage broncho-alvéolaire (LBA) fut positive dans 23/39 cas. La recherche de l’antigène aspergillaire dans le liquide du LBA a été positive dans 19/24 cas (incluant 10/12 recherches positives chez des patients avec une API certaine). Depuis octobre 1991, l’utilisation systématique du scanner thoracique chez les patients neutropéniques présentant un infiltrat radiographique au cours d’un épisode fébrile nous a permis de mettre en évidence un signe précoce du halo (hautement évocateur d’aspergillose) dans 94% des cas et ainsi nous avons pu réduire significativement le délai médian diagnostique de l’ API qui est passé de 7 jours (avant cette période) à moins de 2 jours (depuis cette date). Dix-huit patients ont bénéficié d’une résection chirurgicale pulmonaire de leur foyer aspergillaire. Dix patients ont eu des résections chirurgicales réglées (à titre curatif ou diagnostique) tandis que 8 patients ont été opérés en urgence (et ce en dépit de la persistance de la neutropénie dans 6 cas) afin de diminuer le risque d’hémoptysies massives lorsqu’il y avait un envahissement d’un gros vaisseaux pulmonaire par le processus aspergillaire. Il est intéressant de noter que pour ces patients opérés, dans 14 cas (78%) le diagnostic préopératoire de l’API ne reposait que sur des constatations scanographiques alors qu’il a toujours été histologiquement confirmé par la suite. Au total, 71% des patients ont été traités avec succès par les antifongiques (itraconazole et/ou amphotéricine B ou voriconazole) combinés ou non à la chirurgie. L’obtention de la réponse hématologique, l’atteinte pulmonaire unilatérale par l’aspergillose, la précocité du diagnostic (depuis l’utilisation systématique du scanner dans la stratégie diagnostique) et un taux maximum de fîbrinogène < 9 g/l dans les 10 jours qui suivaient le diagnostic ont été des facteurs significatifs de pronostic favorable pour la survie des patients. En conclusion, l’utilisation systématique du scanner thoracique chez des neutropéniques atteints d’API permet un diagnostic rapide de cette affection. Un traitement antifongique précoce, éventuellement’combiné à une chirurgie pulmonaire, permet d’améliorer sensiblement le pronostic de ces patients.