L’œuvre de Didier Daeninckx s’étend sur plus de trois décennies, avec une multitude de romans, d’adaptations, de nouvelles, etc. Nous allons focaliser sa production au tournant des années 1990, qui est marquée par la fin du cycle de roman policiers consacrés à l’inspecteur Cadin et par l’ouverture sur de nouveaux genres (la nouvelle par exemple) et de nouveaux thèmes (la culture coloniale par exemple). Même si Daeninckx n’est pas un représentant iconique de la culture pop à cette époque, il joue néanmoins un rôle important dans l’émergence de la culture populaire dans le paysage littéraire et plus largement culturel français et ce de trois façons différentes. Du point de vue générique, Daeninckx contribue à donner au genre du roman policier, souvent qualifié de paralittérature, de littérature populaire ou de littérature de masse, une nouvelle impulsion. En s’éloignant du roman à énigme qui caractérise les œuvres d’Agatha Christie ou de Gaston Leroux et en reprenant et élaborant la veine plus sombre du roman noir élaborée par les romanciers américains (Hammet, Chandler) et, dans le domaine francophone, par Georges Simenon, Daeninckx écrit ses romans policiers dans une tonalité plus réaliste. A travers cette approche réaliste contemporaine du roman policier, Daeninckx opère souvent un travail de mémoire, puisque l’enquête policière ne découvre pas seulement les raisons et les responsabilités d’un crime individuel. Si Daeninckx peut de la sorte viser et dénoncer les silences politiques persistants au sujet de la collaboration ou de la colonisation, il veut aussi écrire une culture (de front) populaire, ouvrière, socialiste ou communiste, en voie de disparition. Pour finir, la contribution de Daeninckx à la culture pop consiste à ouvrir son œuvre à des adaptations dans des supports caractéristiques de cette culture. Il n’a pas pour but d’enfermer le roman policier dans une logique de recherche de capital symbolique au sein du champ de la production restreinte et soutient volontiers des adaptations de son œuvre au cinéma, à la radio ou dans des bandes dessinées.