Search

L’année 1820 marque pour l’Espagne, l’empire espagnol et l’Europe un moment de bascule aux échelles européenne, atlantique et américaine. Le succès d’un soulèvement libéral dans la péninsule marque en effet le premier succès du constitutionnalisme après le Congrès de Vienne. En Amérique, ce triennat libéral (1820-1823) intervient après une décennie d’insurrection et de réactions contrastées à l’occupation française et aux innovations politiques des années 1812-1814. Au Mexique, l’indépendance est à la fois le résultat de l’application de la constitution et une réaction contre certains de ses aspects. La lointaine Haute-Californie, au nord du pays, est un observatoire de cette dynamique conservatrice de l’indépendance. Suite à ces indépendances, l’Amérique peut se présenter, par la voix du président Monroe en 1823, comme le continent de la modernité et de la liberté politique, face à une Europe non seulement monarchique mais réactionnaire, malgré les tensions liées à l’expansion de l’esclavage qui se sont exprimées lors du compromis du Missouri en 1820. The year 1820 marked a turning point for Spain, the Spanish Empire and Europe on the European, Atlantic and American scales. The success of a liberal uprising in the peninsula marked the first success of constitutionalism after the Congress of Vienna. In America, this liberal triennium (1820-1823) happened after a decade of insurrection and contrasting reactions to the French occupation and the political innovations of 1812-1814. The independence of Mexico in 1821 was both the result of the implementation of the constitution and a reaction against some of its aspects. Far away Upper California, in the north, is a good case study to observe the conservative dynamics of Mexican independence. Following such achievements of independence, America could present itself, through the voice of President Monroe in 1823, as the continent of modernity and political freedom, in the face of a reactionary, monarchical Europe, in spite of the tensions related to the expansion of slavery which manifested themselves during the Missouri compromise crisis of 1820.

Entretien avec l’artiste californien Hal Fischer sur son corpus photographique Gay Semiotics. Interview with the Californian artist Hal Fischer on his photographic corpus Gay Semiotics.

Los Angeles and San Francisco, with nearly 20 million residents in their combined metropolitan areas, are California’s two most famous cities. Yet neither city has anything close to an adequate water supply within hundreds of miles. Tremendous feats of hydraulic engineering are necessary to store and transport water from California’s inland mountain rivers to big cities on the state’s semi-arid coast. In the early twentieth century, a pair of Irish immigrant engineers named Bill and Mike took charge of building these water systems for Los Angeles and San Francisco. William Mulholland (“Bill”) was a self-taught school dropout whose projects bringing water to Los Angeles were grand in scale, yet simple in design, and in one case, fatally flawed. Michael M. O’Shaughnessy (“Mike”) was an academically trained, properly credentialed, and highly experienced engineer before he took over the design and construction of San Francisco’s water system. The work of these two Irishmen made it possible for their adopted cities to keep growing, but at the expense of two scenic valleys that were despoiled in the name of urban progress. The careers of Bill and Mike demonstrated the value of professional training and expertise over amateur autodidacticism, but also the irony of the sort of water imperialism they practiced. The more water they appropriated for their cities, the more people moved into those cities, raising demand faster than supply. Today, even as their populations decline, Los Angeles and San Francisco face greater water challenges than ever due to drought, climate change, and the sort of environmental concerns that Bill and Mike could never have imagined. Los Angeles et San Francisco, avec près de 20 millions d’habitants dans les deux zones métropolitaines, sont les villes les plus célèbres de Californie. Pourtant, sur plusieurs centaines de kilomètres, les volumes d’eau sont très insuffisants pour combler leurs besoins. D’énormes prouesses d’ingénierie hydraulique sont nécessaires pour stocker l’eau des rivières et pour la transporter depuis les montagnes de Californie jusqu’aux grandes villes de la côte semi-aride de l’État en traversant d’immenses étendues de territoire. Au début du XXe siècle, deux ingénieurs issus de l’immigration irlandaise nommés Bill et Mike ont pris en charge la construction des systèmes d’approvisionnement en eau de Los Angeles et San Francisco. William Mulholland (« Bill ») était un autodidacte dont les projets pour Los Angeles étaient de grande envergure, mais simples dans leur conception ; dans un cas, le projet était extrêmement défectueux. Michael M. O’Shaughnessy (« Mike ») était un ingénieur de formation académique, dûment qualifié et très expérimenté avant de prendre en charge la conception et la construction du système hydraulique de San Francisco. Le travail de ces deux Irlandais a permis à leurs villes d’adoption de continuer à croître, mais au détriment de deux vallées pittoresques qui ont été desséchées et sacrifiées au nom du progrès urbain. Les carrières de Bill et Mike ont démontré la valeur de la formation professionnelle et de l’expertise par rapport à la pratique autodidacte, mais aussi le paradoxe qu’impliquait le type d’impérialisme hydraulique qu’ils pratiquaient. Plus ils fournissaient d’eau pour leurs villes, plus les gens s’installaient dans ces villes, accroissant la demande plus rapidement que l’offre. Aujourd’hui, alors même que leurs populations déclinent, les villes de Los Angeles et San Francisco sont confrontées à des défis hydrauliques plus importants que jamais en raison de la sécheresse, du changement climatique et d’enjeux environnementaux qui n’ont jamais préoccupé Bill ou Mike.

This essay suggests a dually dimensioned conceptual model as a useful framework in which to situate the articles devoted to the dynamics of water resource management presented in this collection: rapid, generally monopolistic, capitalist exploitation of natural resources leading to a region’s integration into a larger regional, national, or global market, accompanied by the growth of a “hydraulic trap.”Both elements have been central to the development of environmental history as a field of inquiry in the United States, particularly well illustrated in the history of California, and both can be applied to the articles in this volume. Drawn from the foundational work of environmental historians in the 1980s and 1990, they have proved to have lasting value in framing discussions of environment and hydrology in the American west and elsewhere. Résumé : Cet essai propose un modèle conceptuel à deux dimensions comme cadre permettant de situer les articles consacrés à la dynamique de gestion des ressources en eau présentés dans ce numéro : exploitation capitaliste rapide et généralement monopolistique des ressources naturelles conduisant à l'intégration d'un territoire dans un marché régional, national ou mondial, accompagné par le développement d'un « piège hydraulique ». Ces deux éléments ont joué un rôle central dans le développement de l'histoire environnementale en tant que domaine d'enquête aux États-Unis, ce qu’illustre particulièrement bien l'histoire de la Californie, et ils peuvent être appliqués aux articles de ce dossier. Nés avec les fondements du travail des historiens de l'environnement dans les années 1980 et 1990, ils ont acquis un intérêt durable dans l'encadrement des discussions sur l'environnement et l'hydrologie dans l'Ouest américain et ailleurs.

Ce chapitre aborde une question apparemment simple : quelle est la pertinence du découpage « lotissement » comme grille d’analyse des voisinages locaux ? Prendre à la lettre ce découpage, réifiant les pratiques du marché immobilier et les logiques de production en grand, revient en effet à faire l’hypothèse que la forme produite construit le social, sous l’hypothèse d’une homogénéité sociale construite par le système de gouvernance contractuelle (Gordon, 2004a ; McKenzie, 2011). Tout concourt...

Dans les schémas classiques de l’École de Chicago, les mobilités des groupes sociaux, classés par origine nationale, religion ou appartenance ethnoraciale, constituent le moteur des logiques de ségrégation. La mobilité intervenait de différentes manières : dans le modèle de Burgess (1920), les configurations spatiales sont générées par les mobilités quotidiennes et de longue durée (migrations), ces dernières jouant dans une logique de compétition pour l’espace (domination, invasion, successio...

Sur le front des métropoles américaines, une formidable recomposition s’est opérée : les marges métropolitaines sont devenues le lieu privilégié de l’intégration sociale. Le discours dominant sur les suburbs des États-Unis fait néanmoins la part belle aux « lotissements à l’américaine » comme lieux de l’entre-soi, à l’hyper-ségrégation de périphéries opposées au centre, et à la monotonie d’espaces sans qualités. Pourtant, ces territoires sont construits, habités, pratiqués… Cet ouvrage analyse la production de la morphologie spatiale, fonctionnelle et sociale des espaces suburbains en Californie du Sud, sur les marges de la région urbaine de Los Angeles. L’offre, les acteurs de la construction et les dynamiques de ce marché sont analysés au prisme d’une double mutation : celle, d’une part, de la maturation et la diversification du modèle suburbain ; celle, plus brutale, de son modèle économique, révélé par l’ampleur de la crise des subprimes. L’évolution de ces territoires révèle les transformations d’une métropole étalée et fragmentée, où s’entremêlent logiques de la privatisation urbaine (les lotissements en copropriété, les gated communities), rouages de la finance et politiques publiques de maîtrise de la croissance et de la densification. Les logiques du changement métropolitain sont multiples : la production de l’espace bâti et les trajectoires des suburbs se tissent par la combinaison des cycles d’urbanisation (suburbs matures, suburbs récentes, exurbs), des cycles économiques et des évolutions socio-démographiques. L’ouvrage dresse ainsi le portrait d’une suburbia en crise(s), fragmentée, mais aussi mixte, dynamique et en profond renouvellement, tant d’un point de vue socio-économique que des groupes et appartenances communautaires.

Analyser le suburbain et les marges de la métropole, pleine de trous, pose problème ; cela revient à caractériser l’urbain comme un phénomène continu, alors qu’il est discontinu. Par rapport à la suburbanisation en nappe (ou sprawl), la dernière phase de croissance post-suburbaine, discontinue et fragmentée (leapfrog development), pose un problème à la fois théorique et méthodologique. On interroge en effet des processus de construction de l’environnement bâti fragmenté, mais aussi des lotiss...

S’il est acquis que la ville a toujours été construite et financée par le capital privé et les investisseurs, le régime contemporain montre une inflexion : on entend par financiarisation la mise en œuvre d’une rationalité financière par l’ensemble des acteurs qui fabriquent et vivent la ville. L’analyse de ce régime permet d’esquisser une approche du chaînon manquant dans l’explication des contextes de production : promoteurs, collectivités locales et acquéreurs évoluent ensemble dans un pays...

Les modèles théoriques de transition sociale, ethnique et raciale dans les suburbs des métropoles américaines font la part belle aux processus qui relèvent des marchés immobiliers et de la structure des prix. Ceux-ci sont très rapides, et les logiques de dégradation des centres au profit de la valorisation du neuf périphérique sont toujours d’actualité et se lisent aisément dans les paysages (figures 7.1). Ce délaissement est associé à la faiblesse des politiques publiques dans les zones les ...

« Le périurbain contribue-t-il à inventer de nouvelles façons de produire la ville ? » Et, dans une perception souvent très globalisante des lotissements « à l’américaine », peut-on revenir sur une appréciation de cette fabrication d’une ville nécessairement homogène, nécessairement à l’opposé de l’urbain, nécessairement participant des logiques de la fragmentation sociale ? Les trois entrées que j’ai mobilisées révèlent quelques amorces de réponse. Sur l’objet lotissement lui-même, on peut a...

Fig. 1 : Le front sur le terrain (I) : discontinuités, vides et pleins. Palm Springs, CA, South Palm Canyon Dr, mai 2013. Et si les marges métropolitaines étaient le lieu d’une construction contemporaine de l’urbanité, en étant devenues un lieu privilégié de l’intégration sociale en métropole ? La question prend le ton d’une provocation, alors que le paradigme de lecture dominant des espaces périphériques, suburbains ou périurbains fait la part belle à un discours parfois convenu des sciences...

Si les prix immobiliers et leurs dynamiques classent et déclassent les quartiers, ces évolutions jouent également un rôle de filtre social à l’acquisition, notamment sur des marchés où être propriétaire est la norme. Dans ce contexte, les modèles théoriques de la transition sociale (chapitre 6) articulent les questions immobilières et le changement social, en éclairant en particulier le rôle de la suburb, où se joue au fond un double jeu d’intégration sociale (assimilation) et de filtrage bru...

Un lotissement, au fond, tout le monde « voit bien » ce dont il s’agit, et les séries de photographies aériennes qui accompagnent le volume confirment cette appréhension apparemment immédiate de la brique élémentaire de construction des marges suburbaines. Les liens entre formes produites (copropriétés et master planned communities) et les acteurs ont pu être établis dans le chapitre précédent, entre la dynamique dominante de la promotion immobilière et l’articulation fine des négociations av...

Parmi les caractéristiques considérées des métropoles américaines, l’étalement (urban sprawl) est l’une des plus remarquables et désigne la diffusion de développements urbains sur les terrains non bâtis. S’il peut prendre plusieurs formes (en doigts de gant le long des lignes de transport ; en tache d’huile, aréolaire ; ou par taches, leapfrog development), il constitue l’entrée permettant d’analyser conjointement les transformations sociales et politiques liées à la croissance urbaine. Le te...

Présentation des 227 lettres envoyées d'Okland, Californie par Eugène Chapin à son frère Félix, établi à Paris, France, entre 1922 et 1933. Cette correspondance raconte l'histoire de la vie et des aventures d'Eugène Chapin (1868-1937) autour du monde., The article presents the life and adventures around the world of Eugene Chapin (1868-1937) from 227 letters he wrote between 1922 and 1933 to his brother Felix, who lived in Paris, France