L'objectif de cette étude est de contribuer, dans une perspective de dialogue entre les acteurs en présence, à la compréhension des facteurs qui influencent le respect des régulations environnementales par les entreprises, à partir de l'étude d'un projet mené par une entreprise pétrolière publique chinoise opérant dans un pays moins avancé (PMA) d'Afrique, le Tchad. Cadre théorique. Nous avons situé notre recherche à la croisée de trois questionnements. Le premier concerne les débats autour de la présence croissante de la Chine en Afrique durant les 10 dernières années. Le deuxième concerne les implications de l'émergence de la régulation environnementale en Chine et ses effets sur l'évolution des pratiques managériales des entreprises. Le troisième concerne le débat plus large sur la " malédiction des ressources naturelles " et ses effets supposés, en particulier dans les pays moins avancés (Rosser, 2006). La question de l'impact réel des politiques et standards environnementaux sur les opérations des firmes chinoises à l'étranger reste peu traitée dans la littérature. Dans certains cas, on applique aux firmes non-OCDE les mêmes grilles de lecture que celles qui servent à analyser le comportement des firmes en provenance de l'OCDE. De notre point de vue, le management environnemental trans-frontière, en particulier dans le contexte Chine-Afrique, mérite certes d'être analysé à la lumière des réflexions sur la pratique du " double standard ", déjà dénoncée dans le Rapport de la commission Brandt (1980). Mais si la notion de " double standard " se révèle utile lorsqu'on analyse le comportement d'une firme " du Nord " lorsqu'elle opère dans un pays " du Sud " moins avancé, l'efficacité de cette notion appliquée à une firme d'un pays émergent mais " du Sud " opérant dans un autre pays " du Sud " moins avancé mérite d'être questionnée. D'une part, parce que l'histoire des normes et standards environnementaux en Chine est relativement courte et que sa mise en oeuvre soulève des défis. D'autre part, parce que le pays " moins avancé " en question possède une histoire 3 Nous nous sommes engagés dans cette étude parce que, lors d'une première tentative de dialogue avec la CNPC, lors des travaux d'un panel scientifique sur les activités pétrolières organisé par l'IUCN en Mauritanie en 2008, nous nous sommes rendus compte que nous ne savions presque rien de la manière dont les firmes pétrolières publiques chinoises conçoivent et gèrent la dimension environnementale de leurs activités, surtout lorsque celles-ci se déploient en dehors de la Chine, en particulier en Afrique. 4 Par régulation environnementale nous comprenons l'ensemble des règles, volontaires ou imposées, qu'elles soient formelles (lois, décrets, politiques, stratégies, codes) ou informelles (coutumes, pressions sociales), dans la sphère privée ou publique, qui ont pour objet de limiter l'accès aux ressources naturelles ou de modifier leur utilisation. 5 Cette notion de " double standard " renvoie à l'application par des entreprises du Nord de standards moins exigeants quand elles opèrent dans des pays du Sud à la législation moins contraignante que celle de leur pays d'origine, les entreprises profitant de ce différentiel tout en arguant de leur respect des législations nationales des pays hôtes. 22 courte mais riche en matière de régulation environnementale pétrolière, héritée d'une expérience avec des firmes de pays de l'OCDE. L'asymétrie à laquelle semble associée la notion de double standard pourrait ne pas prendre la forme que l'on anticipe. L'intérêt du cas retenu. Cette étude analyse la mise en oeuvre de la régulation environnementale de la CNPC au milieu de la phase de construction du projet Rônier (2009- 2011). Mené conjointement avec le gouvernement du Tchad, ce projet vise la construction puis l'exploitation de champs pétroliers situés à 20 km au sud de Bousso reliés par un oléoduc de 311km à une raffinerie de pétrole