En Afrique, le secteur de la transformation des produits agro-alimentaires est quasi exclusivement investi par les femmes puisque celles-ci produisent 80 % des denrées alimentaires, ce qui représente 15 à 20 heures de travail par jour. Les produits transformés sont fonction des potentialités locales. Dans la région de Basse Casamance située au sud du Sénégal, et notamment dans le département de Bignona, les conditions agro-écologiques offrent une large gamme de produits issus de l'agriculture, de la cueillette et de la pêche que les femmes transforment dans un but d'autoconsommation familiale. En effet, les femmes sont responsables de la transformation des céréales : elles pilent le riz, qui constitue la base du repas consommé par les diola ; elles pilent aussi le mil qui est consommé· avec une sauce ou bien sous forme de bouillie. La préparation de la sauce à base de légumes feuilles, de poisson et, dans certains plats, d'huile de palme demeure l'occupation bi-quotidienne des femmes. Elles décortiquent aussi l'arachide récoltée sur les champs familiaux afin de constituer un stock de semences pour la campagne suivante. Outre l'objectif de consommation familiale, les femmes mènent leurs activités de transformation dans un but lucratif. Il leur arrive de vendre des arachides décortiquées pour se procurer un revenu. Elles extraient l'huile de palme, fabriquent le nététou, font sécher ou fumer le poisson frais, les huîtres ; elles confectionnent encore des mets salés (beignets de poisson, sandwich) ou sucrés (beignets), des jus de fruits jus de citron, sirop de bissap). Plus récemment, certaines se sont lancées dans la préparation de confitures à base de mangues, ditakh, bissap.... Les produits transformés ne sont pas tous conditionnés par petites quantités (sachet, bidon, bouteille) pour être vendus au détail aux consommateurs ; certains sont vendus en vrac par sac ou par panier à des revendeurs. Que cela concerne le travail de transformation lui-même ou la commercialisation des produits, les femmes ont su inventer des formes d'organisation adaptées à leurs contraintes et à leurs objectifs. Pour mener leurs diverses activités, elles s'organisent en unités de travail plus ou moins petites aux divers échelons d'organisation socio-économique existant au sein de leur village. Tantôt elles travaillent seules, dans la concession familiale ; tantôt, elles travaillent en petit groupe formé par affinités ou selon des liens familiaux (co-épouses ou femmes d'une même concession). Elles se retrouvent fréquemment dans leurs associations de travail (ekafay) au niveau de la concession, du quartier, du village et qui parfois regroupent les femmes de la même classe à l'intérieur de chaque niveau d'organisation socio-spatiale. Ces formes de regroupement leur permettent de s'entraider et par ce biais d'alléger la charge de travail de chaque membre de l'association. Depuis les années 70, des organisations nouvelles sont apparues - les groupements - par le biais desquelles les femmes, majoritaires en nombre, valorisent un certain nombre d'activités de transformation anciennes et mènent des activités nouvelles (fabrication de confitures à base de fruits ou de légumes). L'étude des modes d'organisation des activités féminines de transformation (comme de leurs autres activités) laisse apparaître une forte imbrication entre leurs différentes unités de travail. Notamment pour les activités exigeantes en travail, l'organisation collective permet aux femmes de réduire la durée de l'opération de transformation, d'alléger leur charge de travail et plus globalement de diminuer la prise de risque. En outre, en participant à plusieurs unités de transformation, elles peuvent mener de front plusieurs activités, tout en se dégageant de leurs obligations familiales et en diversifiant leurs sources de revenus monétaires. Enfin, elles sont en mesure de maîtriser ces revenus, que ce soit dans le but de satisfaire des besoins personnels (habillement, financement de nouvelles activités) ou des besoins d'ordre collectif (équipements sociaux et sanitaires). Cette diversité de petites entreprises agro-alimentaires démontre la capacité d'innovation des femmes pour faire face aux contraintes de leur environnement. Les résultats obtenus par les divers entreprises individuelles ou collectives de transformation des produits agro-alimentaires ne sont pas uniformes. Ils varient fortement d'un produit à l'autre, mais aussi d'un type d'organisation du travail à l'autre. Cela tient autant aux conditions d'approvisionnement en matières premières, au mode de rémunération du travail qu'au mode de mise en marché des produits. Toutefois, il semble s'avérer que le groupement valorise plus efficacement en termes d'équipement, de commercialisation, de revenu unitaire - les activités de transformation et les produits qui en sont issus que les modes anciens d'organisation collective. Si dans l'ensemble, les revenus de ces activités servent à financer des besoins familiaux, il faut distinguer entre les revenus issus du travail en ekafay (habillement), ceux obtenus en petit groupe (revenu individuel le plus souvent) et ceux obtenus dans le cadre du groupement (revenu individuel ou utilisé pour financer le fonctionnement du groupement et des équipements sociaux). Pour conclure, les contraintes et atouts de ces entreprises féminines de transformation ainsi que leurs potentialités futures seront envisagées.