L'analyse du discours française, portant à l'origine sur des discours politiques, s'est construite dans les années 1970-1980 en dehors du paradigme cognitiviste. Les mots cognition ou cognitif semblent cependant avoir été inscrits « en creux », dès qu'il s'est agi de théoriser le fonctionnement du discours, en particulier derrière les notions de mémoire et d'oubli et dans leurs liaisons implicites avec les notions de contexte, de pensée et d'expérience humaine : l'existence du préconstruit, de l'interdiscours et de la théorie des deux oublis (Pêcheux), les notions de discours transverses et de mémoire interdiscursive (Courtine et Lecomte), le mot « qui n'oublie jamais son trajet », et donc les discours qu'il a déjà rencontrés (Bakhtine) ainsi que la notion de mémoire collective (Halbwachs) renvoient sans le dire explicitement à du cognitif. On essaie ici de démêler d'abord ce qu'on entend par mémoire en analyse du discours, depuis Courtine et Lecomte, et dans le cadre actuel d'une sémantique discursive renouvelée par la prise en compte des relations entre le sujet (social) et la réalité (sociale) telle qu'il la perçoit, qu'il l'interprète et qu'il la catégorise avant de la représenter pour d'autres. On s'interroge ensuite, à la lumière des analyses effectuées sur des corpus de la presse quotidienne française, sur ce que les mots et les dires transportent avec eux (fils verticaux du discours) lorsqu'ils s'inscrivent dans la matérialité discursive (fil horizontal du discours). Ce qui permettra de discuter des formes de mémoire (mémoires épisodique, perceptive, procédurale, sémantique et mémoire de travail) qui sont alors convoquées et du rôle de l'allusion dans la mémorisation et le rappel, voire la construction, des savoirs. On montre enfin comment l'appel à la mémoire des mots et des dires intervient dans l'éclairage proposé par l'énonciateur au fil du déroulement du texte, en particulier dans des configurations discursives comme l'explication médiatique ou l'argumentation, c'est-à-dire dans le cadre de la schématisation élaborée par J.-B. Grize : une organisation raisonnée de contenus de pensée visant à modifier les représentations cognitives des destinataires.MOTS-CLÉS: Analyse du discours. Sémantique discursive. Matérialité discursive. Mémoire (discursive, collective, individuelle, épisodique, perceptive, procédurale, sémantique et de travail). Oubli. Média.RESUMO A análise do discurso francesa, que se lançou originalmente aos discursos políticos, construiu-se nos anos 1970-1980 fora do paradigma cognitivista. As palavras cognição ou cognitivo parecem, entretanto, ter sido inscritas em um “vazio”, uma vez que se trata de teorizar o funcionamento do discurso, em particular depois das noções de memória e de esquecimento e em suas ligações implícitas com as noções de contexto, de pensamento e de experiência humana: a existência do pré-construído, do interdiscurso e da teoria dos dois esquecimentos (Pêcheux), as noções de discursos transversos e de memória interdiscursiva (Courtine e Lecomte), a palavra “que não esquece jamais seu trajeto” e, portanto, os discursos que ela já encontrou (Bakhtin), assim como a noção de memória coletiva (Halbwachs) reenviam sem dizê-lo explicitamente ao cognitivo. Tenta-se, aqui, desenredar, primeiro, o que se entende por memória em análise do discurso, desde Courtine e Lecomte, no quadro atual de uma semântica discursiva renovada pela consideração das relações entre o sujeito (social) e a realidade (social) tal como nela se pode perceber, interpretar e categorizar antes de representá-la por outros. Interroga-se, em seguida, à luz das análises efetuadas sobre corpus da imprensa cotidiana francesa, sobre o que as palavras e os dizeres transportam com eles (fios verticais do discurso) quando se inscrevem na materialidade discursiva (fio horizontal do discurso). Isso permitirá discutir formas de memória (memórias episódica, perceptiva, procedural, semântica e memória de trabalho) que são, então, convocadas e o papel de alusão da memorização e da lembrança, isto é, dos saberes. Mostra-se, enfim, como o apelo à memória das palavras e dos dizeres intervém para o esclarecimento proposto para o enunciador no fio do desenvolvimento do texto, em particular nas configurações discursivas como a explicação midiática ou a argumentação, ou seja, no quadro da esquematização elaborada por J.-B. Grize: uma organização firmada sobre conteúdos do pensamento, visando à modificação das representações cognitivas dos destinatários. PALAVRAS-CHAVE: Análise de Discurso. Semântica discursiva. Materialidade discursiva. Memória (discursiva, coletiva, individual, episódica, perceptiva, procedural, semântica e de trabalho). Esquecimento. Mídia., L'analyse du discours française, portant à l'origine sur des discours politiques, s'est construite dans les années 1970-1980 en dehors du paradigme cognitiviste. Les mots cognition ou cognitif semblent cependant avoir été inscrits « en creux », dès qu'il s'est agi de théoriser le fonctionnement du discours, en particulier derrière les notions de mémoire et d'oubli et dans leurs liaisons implicites avec les notions de contexte, de pensée et d'expérience humaine : l'existence du préconstruit, de l'interdiscours et de la théorie des deux oublis (Pêcheux), les notions de discours transverses et de mémoire interdiscursive (Courtine et Lecomte), le mot « qui n'oublie jamais son trajet », et donc les discours qu'il a déjà rencontrés (Bakhtine) ainsi que la notion de mémoire collective (Halbwachs) renvoient sans le dire explicitement à du cognitif. On essaie ici de démêler d'abord ce qu'on entend par mémoire en analyse du discours, depuis Courtine et Lecomte, et dans le cadre actuel d'une sémantique discursive renouvelée par la prise en compte des relations entre le sujet (social) et la réalité (sociale) telle qu'il la perçoit, qu'il l'interprète et qu'il la catégorise avant de la représenter pour d'autres. On s'interroge ensuite, à la lumière des analyses effectuées sur des corpus de la presse quotidienne française, sur ce que les mots et les dires transportent avec eux (fils verticaux du discours) lorsqu'ils s'inscrivent dans la matérialité discursive (fil horizontal du discours). Ce qui permettra de discuter des formes de mémoire (mémoires épisodique, perceptive, procédurale, sémantique et mémoire de travail) qui sont alors convoquées et du rôle de l'allusion dans la mémorisation et le rappel, voire la construction, des savoirs. On montre enfin comment l'appel à la mémoire des mots et des dires intervient dans l'éclairage proposé par l'énonciateur au fil du déroulement du texte, en particulier dans des configurations discursives comme l'explication médiatique ou l'argumentation, c'est-à-dire dans le cadre de la schématisation élaborée par J.-B. Grize : une organisation raisonnée de contenus de pensée visant à modifier les représentations cognitives des destinataires.MOTS-CLÉS: Analyse du discours. Sémantique discursive. Matérialité discursive. Mémoire (discursive, collective, individuelle, épisodique, perceptive, procédurale, sémantique et de travail). Oubli. Média.