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Naville considérait le temps de travail comme « l’enjeu le plus serré de la vie sociale » (Naville, 1969) en permettant par sa réduction non seulement le partage de l’emploi mais aussi la réorganisation des temps sociaux. Dans notre nouvelle société salariale, le profil des actifs s’est transformé en même temps que les conditions d’accès aux activités productives et le temps de travail. Alors qu’un long apprentissage sur le tas caractérisait la formation de la main-d’œuvre dans l’univers corp...

Les problèmes du temps, qui nous ont occupés tout au long de nos séances, ont peu mobilisé les sociologues. De ce fait, beaucoup d’entre eux se sont au cours de leurs développements trouvés embarrassés, ou même acculés à des paradoxes, en conséquence de choix qu’ils avaient effectués sans en mesurer toute l’importance, choix qui définissaient plus ou moins directement le cadrage temporel de leur recherche. En effet, le chercheur qui se donne un objet, un problème, un terrain d’enquête, se can...

Le temps est inhérent à l’approche du travail. Mais lorsque l’on se centre de manière plus spécifique sur l’activité professionnelle, cette assertion prend un sens singulier. Nous considérons l’activité professionnelle comme le lieu de la recomposition des savoirs et des compétences face à l’évolution de situations ou de segments professionnels impactant les actions et les valeurs engagées par chacun (Leclercq, 2012). Notre analyse portera plus particulièrement sur l’activité professionnelle ...

Le processus de rationalisation a investi la plupart des sous-systèmes de la vie sociale à mesure de la différenciation fonctionnelle des divers régimes d’activité. L’autonomisation et la spécialisation des sphères sociales que l’on ne distinguait pas par le passé concourent de fait à cette rationalisation. Comme individus, nous sommes inscrits dans tout un ensemble de systèmes et sous-systèmes inhérents à la complexité sociale contemporaine : comme consommateur de biens, comme étudiant ou co...

Le temps se joue des sciences sociales comme il se joue de nos existences. Il file et défile si vite et si irrémédiablement que nous ne cessons de vouloir l’arrêter. Nos modes d’observation ne nous protègent guère de cette tentation. Pierre Rolle – dans cet ouvrage – nous met en garde. Méfions-nous du cadrage temporel que nous utilisons pour nos observations, il risque de nous enfermer dans l’instantanéité, dans l’image fixe, dans une photographie qui ne saurait rendre compte du temps long do...

« Je cousais à gros points en faisant de mon mieux. L’aiguille ne me demandait qu’un effort léger des doigts. Confondu avec cette occupation calme, je m’étais réveillé en train de vivre le temps comme le vivent les femmes dans leur monde intérieur quand elles sont seules et qu’elles cousent. J’avais songé à leur amour du beau, leur paix profonde et sans questions. Je songeais à celles qui fleurissent les églises, ornent leurs maisons, font de la dentelle, habillent au mieux leurs enfants, à l...

Dans les deux dernières décennies, la formation professionnelle continue tend à disparaître du vocabulaire des acteurs sociaux et des décideurs au profit de la formation professionnelle tout au long de la vie. Cette dernière est devenue l’élément incontournable de la sécurisation des parcours ou des trajectoires professionnels et des politiques dites de flexicurité. De nombreux travaux ont analysé l’émergence de ces notions comme revendications dans le langage syndical (Grimaud, 2008), comme ...

L’époque serait à un décloisonnement du temps de la formation : celle-ci ne serait plus cantonnée à un moment particulier de la vie des individus mais, dans le cadre d’une promotion de « la société de la connaissance », vouée à s’étendre « tout au long de la vie ». Il serait désormais requis de chacun qu’il complète ou, pour le moins, actualise sa vie durant les connaissances acquises avant son entrée dans la vie active, en tirant parti de divers programmes de formation continue et/ou des tem...

Qu’est-ce que le temps fait aux qualifications ? Cette interrogation – amorcée par Sylvie Monchatre – se conjugue à tous les temps, d’autant qu’il s’agit de la traiter en faisant la part des qualités « requises » et acquises, avec une attention renouvelée à l’égard des « compétences » qui en seraient des avatars. On en reprendra, ici, des mouvements décisifs en distinguant plusieurs temps : le futur antérieur (le temps dans la qualification), le passé composé (le règne des conventions de qual...

Dans la préface du livre qu’ils dirigent en 2004, Patrick Fridenson et Bénédicte Reynaud écrivent : « Il n’existe aucune histoire du temps de travail en France depuis deux siècles » (Fridenson, Reynaud, 2004, p. 7). Ce que visent ici les auteurs, c’est avant tout une histoire sociale, celle des limitations juridiques et sociales du temps. La succession contradictoire des lois, la mise en place d’institutions publiques de régulations, le rôle des revendications ouvrières, bref un processus his...

Travailler plus pour gagner plus ou travailler moins pour travailler plus nombreux ? En 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République, a fait campagne sur un slogan qui a marqué les esprits et n’a pas peu contribué à son succès : « Travailler plus pour gagner plus ». Cette formule était efficace, parce qu’elle était conforme au bon sens et à l’expérience commune. À l’évidence, dans un régime où, pour une activité donnée, le travail est payé au temps, la rémunération d...

Le travail du temps – d’Ovide à Lamartine Je voudrais partir de l’expression « travail du temps » qui constitue le titre de cet ouvrage. Cette expression peut être comprise de deux manières, selon qu’on y entend un génitif objectif ou un génitif subjectif. Pour ceux qui ne seraient pas familiers de ces catégories de la grammaire latine, cela signifie qu’on peut comprendre, à sa convenance, soit que le temps travaille, soit, au contraire, qu’il est travaillé. L’idée que le temps « travaille » ...

L’activité et le travail domestique sont multiformes et il faut mobiliser une grande variété d’indicateurs pour tenter d’en saisir les dynamiques. À la fois informel lorsque réalisé par les ménages pour leur compte, et formalisé sur et par le marché, le périmètre de ces activités est fluctuant. Dans cette contribution, on qualifie de travail domestique et de care les activités réalisées tantôt dans la sphère du ménage, tantôt dans la sphère salariale, consistant à s’occuper de l’entretien du ...

Cet article cherche à montrer l’importance des manières de voir les relations entre temps et marchés pour en dégager les possibilités de changement social. Dans une première partie, nous montrons comment le temps de travail s’est érigé en norme sociale, mettant au centre la santé des travailleurs. Ensuite, nous soulignons la fragilisation de cette norme sociale, donnant lieu à une nouvelle règle d’organisation qui met au centre les marchés. Dans une seconde partie, nous présentons trois types...

Dans son livre, De l’aliénation à la jouissance qui inaugure son Nouveau Léviathan, Pierre Naville fait sienne une démarche pour l’analyse du travail qui ne part pas du travail mais qui y aboutit (Naville, 1967). Il s’agit en conséquence de traiter des rapports de travail qui définissent le travailleur plutôt que des qualités intrinsèques du travail supposées définir sa nature. Il propose donc une science de la relation qui ne réduit pas les rapports sociaux aux seuls termes qui en sont les p...