Search

Ce chapitre aborde une question apparemment simple : quelle est la pertinence du découpage « lotissement » comme grille d’analyse des voisinages locaux ? Prendre à la lettre ce découpage, réifiant les pratiques du marché immobilier et les logiques de production en grand, revient en effet à faire l’hypothèse que la forme produite construit le social, sous l’hypothèse d’une homogénéité sociale construite par le système de gouvernance contractuelle (Gordon, 2004a ; McKenzie, 2011). Tout concourt...

Dans les schémas classiques de l’École de Chicago, les mobilités des groupes sociaux, classés par origine nationale, religion ou appartenance ethnoraciale, constituent le moteur des logiques de ségrégation. La mobilité intervenait de différentes manières : dans le modèle de Burgess (1920), les configurations spatiales sont générées par les mobilités quotidiennes et de longue durée (migrations), ces dernières jouant dans une logique de compétition pour l’espace (domination, invasion, successio...

Sur le front des métropoles américaines, une formidable recomposition s’est opérée : les marges métropolitaines sont devenues le lieu privilégié de l’intégration sociale. Le discours dominant sur les suburbs des États-Unis fait néanmoins la part belle aux « lotissements à l’américaine » comme lieux de l’entre-soi, à l’hyper-ségrégation de périphéries opposées au centre, et à la monotonie d’espaces sans qualités. Pourtant, ces territoires sont construits, habités, pratiqués… Cet ouvrage analyse la production de la morphologie spatiale, fonctionnelle et sociale des espaces suburbains en Californie du Sud, sur les marges de la région urbaine de Los Angeles. L’offre, les acteurs de la construction et les dynamiques de ce marché sont analysés au prisme d’une double mutation : celle, d’une part, de la maturation et la diversification du modèle suburbain ; celle, plus brutale, de son modèle économique, révélé par l’ampleur de la crise des subprimes. L’évolution de ces territoires révèle les transformations d’une métropole étalée et fragmentée, où s’entremêlent logiques de la privatisation urbaine (les lotissements en copropriété, les gated communities), rouages de la finance et politiques publiques de maîtrise de la croissance et de la densification. Les logiques du changement métropolitain sont multiples : la production de l’espace bâti et les trajectoires des suburbs se tissent par la combinaison des cycles d’urbanisation (suburbs matures, suburbs récentes, exurbs), des cycles économiques et des évolutions socio-démographiques. L’ouvrage dresse ainsi le portrait d’une suburbia en crise(s), fragmentée, mais aussi mixte, dynamique et en profond renouvellement, tant d’un point de vue socio-économique que des groupes et appartenances communautaires.

Analyser le suburbain et les marges de la métropole, pleine de trous, pose problème ; cela revient à caractériser l’urbain comme un phénomène continu, alors qu’il est discontinu. Par rapport à la suburbanisation en nappe (ou sprawl), la dernière phase de croissance post-suburbaine, discontinue et fragmentée (leapfrog development), pose un problème à la fois théorique et méthodologique. On interroge en effet des processus de construction de l’environnement bâti fragmenté, mais aussi des lotiss...

S’il est acquis que la ville a toujours été construite et financée par le capital privé et les investisseurs, le régime contemporain montre une inflexion : on entend par financiarisation la mise en œuvre d’une rationalité financière par l’ensemble des acteurs qui fabriquent et vivent la ville. L’analyse de ce régime permet d’esquisser une approche du chaînon manquant dans l’explication des contextes de production : promoteurs, collectivités locales et acquéreurs évoluent ensemble dans un pays...

Les modèles théoriques de transition sociale, ethnique et raciale dans les suburbs des métropoles américaines font la part belle aux processus qui relèvent des marchés immobiliers et de la structure des prix. Ceux-ci sont très rapides, et les logiques de dégradation des centres au profit de la valorisation du neuf périphérique sont toujours d’actualité et se lisent aisément dans les paysages (figures 7.1). Ce délaissement est associé à la faiblesse des politiques publiques dans les zones les ...

« Le périurbain contribue-t-il à inventer de nouvelles façons de produire la ville ? » Et, dans une perception souvent très globalisante des lotissements « à l’américaine », peut-on revenir sur une appréciation de cette fabrication d’une ville nécessairement homogène, nécessairement à l’opposé de l’urbain, nécessairement participant des logiques de la fragmentation sociale ? Les trois entrées que j’ai mobilisées révèlent quelques amorces de réponse. Sur l’objet lotissement lui-même, on peut a...

Fig. 1 : Le front sur le terrain (I) : discontinuités, vides et pleins. Palm Springs, CA, South Palm Canyon Dr, mai 2013. Et si les marges métropolitaines étaient le lieu d’une construction contemporaine de l’urbanité, en étant devenues un lieu privilégié de l’intégration sociale en métropole ? La question prend le ton d’une provocation, alors que le paradigme de lecture dominant des espaces périphériques, suburbains ou périurbains fait la part belle à un discours parfois convenu des sciences...

Si les prix immobiliers et leurs dynamiques classent et déclassent les quartiers, ces évolutions jouent également un rôle de filtre social à l’acquisition, notamment sur des marchés où être propriétaire est la norme. Dans ce contexte, les modèles théoriques de la transition sociale (chapitre 6) articulent les questions immobilières et le changement social, en éclairant en particulier le rôle de la suburb, où se joue au fond un double jeu d’intégration sociale (assimilation) et de filtrage bru...

Un lotissement, au fond, tout le monde « voit bien » ce dont il s’agit, et les séries de photographies aériennes qui accompagnent le volume confirment cette appréhension apparemment immédiate de la brique élémentaire de construction des marges suburbaines. Les liens entre formes produites (copropriétés et master planned communities) et les acteurs ont pu être établis dans le chapitre précédent, entre la dynamique dominante de la promotion immobilière et l’articulation fine des négociations av...

Parmi les caractéristiques considérées des métropoles américaines, l’étalement (urban sprawl) est l’une des plus remarquables et désigne la diffusion de développements urbains sur les terrains non bâtis. S’il peut prendre plusieurs formes (en doigts de gant le long des lignes de transport ; en tache d’huile, aréolaire ; ou par taches, leapfrog development), il constitue l’entrée permettant d’analyser conjointement les transformations sociales et politiques liées à la croissance urbaine. Le te...