Il s'agit de réinterroger le concept de clivage au moi proposé par R. Roussillon dans les champs psychopathologiques et psychanalytiques à partir d'une situation clinique d'adolescent hikikomori. Adoptant une approche conceptuelle, notre propos se centre sur une forme particulière du clivage qui, au-delà d'une visée purement déficitaire et défensive, peut également se comprendre comme une première forme d'appropriation de soi. Il s'inscrit alors dans un processus de construction identitaire. À partir d'une analyse qualitative d'entretiens cliniques auprès d'un adolescent, il s'agit de montrer en quoi le dispositif de la rencontre thérapeutique dans un centre de soins, et en appui sur une médiation virtuelle, permet la réappropriation de parts de soi initialement clivées. Également, une exploration conceptuelle du clivage, notamment par la notion de verwerfung ainsi que la lecture d'un clivage profond proposée par S. Ferenczi, permet de mieux comprendre ses manifestations, entre besoin développemental et troubles psychopathologiques. Les enjeux développementaux liés à un clivage au moi chez l'adolescent sont multiples. Parfois proche, voire synonyme de la dissociation péritraumatique , le clivage au moi illustre les défenses du sujet contre un événement inélaborable et l'ampute de tout un pan de sa subjectivité. Il concerne aussi l'expérience du corps pubère et son rejet par l'adolescent, ce que le developmental breakdown a fortement mis en évidence. Enfin, il peut favoriser une forme de repli ou de retrait social tel que l' hikikomori et certainement d'autres destins liés à l'évolution du sujet. Dans tous les cas, cette évolution reste incertaine. Si différentes formes de psychopathologies peuvent se manifester, en revanche, le clivage au moi peut signifier une forme de mise en abîme de soi pour tenter de se réapproprier certains éléments douloureux ou non symbolisés de son histoire. Il existe une forme de clivage qui n'est pas seulement une défense pouvant aboutir dans les situations les plus graves à des vécus de morcellement et de déréalisation. Il peut aussi s'inscrire dans un processus « limite » de construction identitaire, une forme de dissociation momentanée du sujet ou schize permettant un retour des parts de soi dans une boucle rétroactive, informant en quelque sorte l'état actuel du Moi. À l'adolescence, ce processus est particulièrement sollicité de par l'intégration du nouveau corps pubère. Soit le sujet, en fonction de sa maturation psychoaffective, s'auto-informe des processus en cours de son monde interne : sa vie fantasmatique, l'intégration du corps sexué, etc. Soit la réduction du clivage opère par le recours à une fonction réceptive et transformationnelle de l'objet, inscrivant ce processus dans une intersubjectivité « croisée ». Penser le sujet, notamment adolescent, dans des formes de dissociation qui ne sont pas uniquement l'expression d'une vulnérabilité, permet de maintenir un regard clinique qui soutient un potentiel de croissance, une capacité résiliente du Moi. L'attention portée aux différents destins du clivage soutient une approche dynamique du fonctionnement psychique et inscrit le sujet dans un continuum entre normal et pathologique. Le clivage au moi, en tant que processus limite, offre une lecture originale des enjeux sous-jacents à l'expression contemporaine des souffrances narcissiques et identitaires, et dynamise une approche purement nosographique. The aim of this article is to re-examine the concept of ego splitting proposed by R. Roussillon in the psychopathological and psychoanalytical fields, based on a clinical case of a teenage hikikomori. In a conceptual approach, our article addresses a specific form of splitting which, beyond a vision, only focuses on its defensive and deficient aspects, can also be understood as a first form of self-appropriation. It then becomes a part of a process of identity construction. Based on a qualitative analysis of several clinical interviews with an adolescent, this article aims to demonstrate the extent to which the therapeutic encounter setting in a Care Center, with the support of virtual mediation, can allow for the reappropriation of some parts of the self that were initially split off. Additionally, a conceptual exploration of ego splitting, notably through the notion of verwerfung as well as the reading of a profound splitting proposed by S. Ferenczi, allows us to better understand its manifestations, depending on whether it is seen as a developmental need or a psychopathological disorder. The developmental stakes associated with ego splitting in adolescents are multiple. Sometimes very similar to a peritraumatic dissociation , ego splitting illustrates the subject's defenses when faced with an event which the psyche cannot deal with, and thus severs an entire part of his subjectivity. It is also about the experience of the newly pubescent body and the adolescent's rejection of it, which was emphasized in the concept of developmental breakdown. Finally, it can lead to a form of withdrawal or social isolation such as with the hikikomori disorder, and certainly other outcomes depending on the subject's evolution. In all cases, this evolution remains uncertain. If different forms of psychopathology can manifest themselves, ego splitting however can signify a form of self-immersion, in an attempt to reappropriate certain painful or unsymbolized elements from his past history. There is a type of splitting, which is not only a defense that can lead to feelings of fragmentation and derealization in the worst-case scenarios. It can also be inscribed in the borderline process of identity construction, a form of temporary dissociation of the patient, or schize , allowing parts of the self to return in a sort of retroactive loop, as an informer of the current state of the ego. In adolescence, this process is particularly active, due to the integration of the newly pubescent body. Either the subject, depending on his psychoaffective maturation, will enquire about the ongoing processes in progress in his inner world (his phantasmatic life, integration of the sexual body, etc.); or the splitting reduction takes place through a receptive and transformational function of the object, aligning this process with a form of "crossed" intersubjectivity. Thinking about the subject, especially during in his teenage years, as he encounters forms of dissociations which are not only the expression of a vulnerability, allows us to maintain a clinical vision which supports a potential for growth, a resilient capacity of the ego. The way we consider different outcomes of ego splitting in this article supports a dynamic approach of the psychological functioning, which places the subject in a continuum between what is normal and what is pathological. Splitting of the ego, as a borderline process, allows for a different reading of the underlying stakes of the contemporary expression of narcissistic and identity-related suffering. It also gives a dynamic perspective to what is usually a nosographic approach. [ABSTRACT FROM AUTHOR]