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" Je suis née en 1942. D'autres sont les enfants de la guerre, on leur a fait absorber du calcium et des vitamines pour que leurs dents de lait ne tombent pas. Moi je suis un enfant de la collaboration, du maréchal, de Doriot, de la Wehrmacht et de l'antisémitisme". Cette déclaration, extraite des Lauriers du Lac de Constance (1974) résume l'héritage douloureux qui est celui de l'écrivain Marie Chaix : elle est fille d'un collaborateur notoire, Albert Beugras, bras droit de Doriot, chef du Parti Populaire Français. Et fait partie de ces nombreux enfants de "deuxième génération" à porter la charge d'un passé parental fort lourd, resté tabou pendant des décennies dans la société française. Il faut en effet attendre 1990 pour voir les premières collectes structurées des témoignages d'enfants de collaborateurs. Marie Chaix a été l'une des premières à s'exprimer sur la question, en commençant l'écriture de son premier livre dans les années 70 ; cependant, Les Lauriers du Lac de Constance, qui retrace l'histoire du père et de ses engagements, se présente sous la forme d'un roman, et n'a pas les ambitions d'une reconstitution historique. Il s'agit plutôt de retracer la vie de la famille et de mesurer l'impact destructeur des événements sur ses différents membres. Trente ans plus tard, L'Été du Sureau, texte qui mêle autobiographie et journal, revient sur les réticences, notamment liées à la révélation du nom du père, et suggère que l'écriture n'est pas une catharsis mécanique. Ni absolution, ni condamnation, les deux livres tentent surtout de faire ce qu'Albert Beugras, dans ses carnets de prison, n'a pas fait : comprendre la logique des événements, des convictions et des préjugés politiques qui l'ont amené à épouser la cause collaborationniste. Ce faisant, l'écriture s'assigne également pour tâche de dénouer un héritage toxique, en permettant la circulation de la parole familiale.