1. Iconicité et discrimination (méta)linguistique: le cas du parler 'frappé' de la côte caraïbe colombienne
- Author
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Élodie Blestel, CLESTHIA - Langage, systèmes, discours - EA 7345 (CLESTHIA), Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, CREDA - Centre de Recherche Et de Documentation sur les Amériques - UMR 7227 (CREDA), Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), European Project: 823846,ConnecCaribbean-823846, Blestel, Élodie, and Connected Worlds: The Caribbean, Origin of Modern World - ConnecCaribbean-823846 - 823846 - INCOMING
- Subjects
Iconicité et indicialité ,Caraïbe ,iconicité diagrammatique ,Colombie ,Idéologies ,Espagnol ,Variation ,[SCCO.LING] Cognitive science/Linguistics ,[SHS.LANGUE]Humanities and Social Sciences/Linguistics ,[SCCO.LING]Cognitive science/Linguistics ,[SHS.LANGUE] Humanities and Social Sciences/Linguistics - Abstract
International audience; Alors que le Dictionnaire des Américanismes glose l’expression « hablar golpeado » (fr. ‘parler frappé’) comme « une façon de parler ou un ton, cassant, qui appuie sur les mots et les accents » (ASALE, 2010, v. ‘golpeado’), l’examen de la façon dont elle est interprétée en Colombie révèle une situation beaucoup plus nuancée et particulièrement intéressante du point de vue des procédés analogiques mobilisés. Ainsi, nous observons que, i. Contrairement à l’acception explicitée dans le dictionnaire de l’ASALE, qui fait référence à une variation stylistique occasionnelle, une majorité de Colombiens s’accorde pour affirmer que cette expression sert plutôt à qualifier le parler des habitants de certaines régions en particulier : côte caraïbe et, dans une moindre mesure, Chocó (côte pacifique), soit les deux régions colombiennes les plus « noires », en ce sens qu’y résident de plus grandes proportions de descendants d’esclaves relativement au reste du pays ; ii. Seuls les Colombiens ne résidant pas dans les régions susmentionnées interprètent cette expression dans des termes similaires à l’acception dictionnairique présentée supra puisqu’ils ont recours, pour la gloser, à des éléments descriptifs de nature suprasegmentale (hauteur et volume, essentiellement) et émotive (être « fâché », « échauffé », « excédé », etc.) ; iii. En revanche, par l’expression « hablar golpeado », les Colombiens caribéens font référence à la présence d’un élément segmental très précis, qu’ils ne perçoivent que chez certains d’entre eux : celui de la gémination consonantique des occlusives qui résulte de l’assimilation régressive des liquides /r/ et /l/ en position de coda syllabique (ex. caldero ‘chaudron’ prononcé [kad.ˈdeɾo], cartón ‘carton’ prononcé [kat.ˈton]). Notons que, pour ces deux derniers cas, certaines personnes interrogées recourent de manière explicite à l’origine africaine des locuteurs pour expliquer ces pratiques, qu’il s’agisse de parler avec un ton perçu comme fort ou agressif, ou de réaliser ce type précis d’assimilation. Aussi, nous tenons que l’expression métalinguistique « hablar golpeado » cristallise des processus dynamiques de discrimination, phonique et sociale, reposant sur l’iconisation diagramatique –ou « rhématisation » (Gal 2005, Gal & Irvine 2019)– de pratiques sémiotiques hétérogènes mais perçues, et donc retenues, comme convergentes avec l’ordre social, racial et idéologique qui les sous-tend et s’en nourrit. Pour le montrer, nous nous appuyons sur l’analyse quantitative et qualitative de deux ensembles de données complémentaires : 1) Les résultats d’une enquête semi-structurée sur les idéologies et attitudes menée auprès de 36 habitants de Santa Marta (Magdalena, côte caraïbe, voir {Citation}) où nous examinons les indications métalinguistiques et psychosociales fournies par les personnes interrogées sur (le parler d’) autrui, d’une part ; 2) Les résultats d’un questionnaire écrit soumis à 350 personnes provenant de toute la Colombie à propos du « parler frappé », précisément, d’autre part.
- Published
- 2022