Comme en témoignent les difficiles négociations à l'OMC, l'accord agricole signé à Marrakech en 1994 ne permet plus de concilier les intérêts des pays membres. Cet accord vise à supprimer les distorsions en restreignant l'utilisation des politiques modifiant les conditions du marché. Il bannit toutes les politiques de soutien couplées à la production, y compris celles qui rémunèrent la production de biens publics liée à l'activité agricole. Comment concilier les intérêts des pays exportateurs et des pays importateurs désireux de protéger les fonctions non marchandes de leur agriculture ? Les politiques agricoles cherchent à améliorer le fonctionnement des marchés, notamment en intégrant dans les prix la valeur non marchande des productions agricoles. Exiger, au nom de la concurrence internationale, de réduire l'incidence des soutiens sur la production ou sur les prix agricoles ne répond à aucune efficacité économique. En revanche, les politiques de soutien interne qui rémunèrent les fonctions non marchandes peuvent être utilisées avec une visée stratégique par les grands pays afin de modifier les prix mondiaux, ce qui génère des distorsions de concurrence. Les auteurs proposent de discerner les politiques de soutien stratégique et les politiques de promotion des fonctions non marchandes, non selon la nature de l'instrument comme c'est le cas actuellement, mais en confrontant les bénéfices des uns et les dommages des autres. Ils envisagent de faire supporter à l'Etat qui pratique le soutien agricole une partie du coût que sa politique engendre à l'échelle internationale. L'Etat importateur sera alors incité à limiter son soutien à la protection des aspects non marchands associés à la production agricole. Il bénéficiera sur les autres productions du même effort de la part de ses partenaires commerciaux. En théorie, une réduction multilatérale des soutiens par tous les Etats permet une telle coordination à la condition que tous les pays pratiquent un soutien stratégique, ce qui n'est pas le cas. En raison de cette asymétrie, il est nécessaire que les pays apportant un soutien stratégique à leur agriculture (Union européenne, Etats-Unis, Japon) compensent les pays du Sud qui ne soutiennent pas leur agriculture. Les auteurs proposent une taxation de tous les soutiens, dont le montant serait versé aux pays exportateurs lésés. Comme le soutien des fonctions non mar-chandes accroît à la fois le surplus national et le surplus global, seul le soutien à visée stratégique disparaîtra. Si les gains non marchands sont réels, le pays qui soutient son agriculture aura les moyens de compenser les pays lésés pour les pertes subies. (résumé des auteurs)