En septembre 1968, paraît aux Éditions du Seuil le roman d’un jeune Malien inconnu de vingt-huit ans : Yambo Ouologuem. Le 18 novembre suivant, Le Devoir de violence obtient le premier prix Renaudot attribué à un écrivain africain. Son succès est rapide et, traduit dans dix langues, l’ouvrage dépasse les frontières, des États-Unis au Japon. Mais le 5 mai 1972, le Times Literary Supplement (TLS) londonien accuse l’auteur de plagiat à l’encontre de l’écrivain britannique Graham Greene. Un scandale éclate. Il poursuivra Yambo Ouologuem jusqu’à sa mort en 2017. Cinquante ans après la première édition du Devoir de violence et alors que le roman reparaît au Seuil dans la collection « Cadre Rouge » qui l’avait accueilli à l’origine, quarante-six ans, mois pour mois, après le début de l’« Affaire Ouologuem » dans le TLS, qu’en est-il du bien ou mal-fondé des rumeurs qui ont surgi, en sens divers, sur la genèse et le traitement éditorial de ce livre culte devenu livre maudit ? S’appuyant sur le seul dossier solide à ce jour, celui des archives du Seuil déposées à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Édition contemporaine) et rendues publiques pour la première fois, cette étude vise à relater, sur la seule base des documents disponibles, en réduisant au minimum les extrapolations risquées et les interprétations hâtives, l’histoire du Devoir de violence et, à travers elle, de son auteur, depuis ses premières approches des Éditions du Seuil en 1963 jusqu’à sa retraite définitive au Mali vers 1976. Et son enfermement dans le silence public. In September 1968, Le Devoir de violence (Bound to violence), the work of an as yet unknown Malian author, aged twenty-eight, Yambo Ouologuem, was published by the Editions du Seuil. On November 18 of that same year, the novel won the prize Renaudot. This was the first time ever that a major French literary prize was awarded to an African writer. Following the novel’s considerable success in France, it was soon to be translated into ten languages and crossed many a border from the United States to Japan. But on May 5, 1972, the Times Literary Supplement (TLS) accused the author of plagiarizing the work of the British writer Graham Greene. A scandal breaks out and will hound Yambo Ouologuem until his death in 2017. Fifty years after the first publication of the Devoir de violence and just as the novel is republished by Le Seuil, which of the various rumours regarding the genesis and the editorial treatment of this cult-cum-cursed book are well-founded or ill-founded? In this essay, Jean-Pierre Orban traces the history of the Devoir de violence and its author, from 1963 (date of the first presentation of a manuscript to Le Seuil) to the end the 1970s (when he retired in Mali and of he confined himself to silence). This work—which endeavours risky extrapolations and hasty interpretations—relies on the only solid files to date, those of the archives of the Institut Mémoires de l’Édition contemporaine (IMEC), publicly disclosed in the present production for the first time.