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« La révolte bute inlassablement contre le mal, à partir duquel il ne lui reste qu’à prendre un nouvel élan. »Albert Camus, L’homme révolté. Aujourd’hui, travailler sur l’histoire de la Résistance est devenu presque un peu suspect. La méfiance l’emporte et les raisons de la dégradation du statut de l’objet « Résistance » sont diverses : disparition des acteurs-témoins, recul des questionnements socioculturels au profit d’un positivisme factuel revendiqué comme seule méthode d’analyse crédible...

Définir la Résistance dans sa totalité est difficile puisqu’elle s’adapte continuellement à une situation qui évolue en fonction du temps et des circonstances. « Si elle consiste à l’origine en un système de défense de valeurs bafouées par l’occupant et par Vichy, elle place les hommes et les femmes en position d’égalité devant des choix analogues » qui varient suivant les régions. La géographie de la France divisée, imposée par l’occupant après l’armistice « reflète les conditions de sa nais...

Les relations depuis toujours fondamentales entre femmes et religion confèrent une résonance particulière aux « événements » religieux auxquels elles participent. Michelle Perrot, en 2002, soulignait avec raison leurs « liens complexes de discipline et de devoir, de sociabilité et de droit, de pratiques et de langage » avec le religieux. Cette dimension, inscrite dans le temps long, a longtemps été sous-estimée, perçue comme uniforme ou encore simplifiée, comme le précise Francine Culbaud : «...

Lorsque j’ai été sollicité pour participer à cet hommage à Jacqueline Sainclivier, j’ai accepté sans hésiter, par estime pour son travail, par fidélité à un long compagnonnage, un peu aussi pour relever un défi. J’ai rencontré Jacqueline pour la première fois quelques mois après mon entrée, en septembre 1981, au sein de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP), inauguré l’année précédente. Elle y était alors correspondante départementale pour l’Ille-et-Vilaine, membre depuis le milieu de...

Heinrich Böll, à propos de son roman, Portrait de groupe avec dame, situé dans l’Allemagne bouleversée par les deux guerres mondiales, expliquait avoir « essayé de décrire, ou d’écrire le destin d’une femme allemande [...] qui a eu à porter tout le poids de cette Histoire entre 1922 et 1970 ». Quittant le roman pour l’histoire, il m’a semblé que l’on pouvait appliquer cette volonté à l’existence d’Emmeline Weill-Raynal, même si, au contraire de la Leni de Böll, cette presque « inconnue de l’h...

La mémoire entretient avec l’histoire des rapports difficiles qui oscillent entre concurrence et complémentarité. Les commémorations sont le lieu stratégique de cette tension entre l’impératif du devoir de mémoire qui relève de la morale – et qui s’impose sans justification –, et les exigences du métier d’historien qui n’ont d’autre horizon que la vérité analysée avec méthode. Certaines commémorations ont un éclat exceptionnel comme les célébrations nationales qui ponctuent périodiquement not...

À la fin des années 1970, dans le cadre de ses recherches sur la sociologie de la résistance en Ille-et-Vilaine qui ont depuis été abondamment citées, Jacqueline Sainclivier interrogeait l’engagement des résistantes et leurs motivations. L’analyse statistique avait été réalisée à partir des dossiers CVR conservés à l’ODAC. Selon ses calculs, les femmes ne représentaient que 12,81 % de la population résistante, alors qu’elles totalisaient en 1936-1946 près de 55 % de l’ensemble de la populatio...

La période de la Seconde Guerre mondiale constitue un point fort de l’historiographie du socialisme français, dans la lignée de travaux pionniers à la fin des années 1970 revisitant l’implication socialiste dans les milieux collaborateurs. Longtemps, l’enjeu politique de mémoire, suscitant des témoignages d’acteurs socialistes qui ont valeur de sources secondaires, bloque la réflexion sur la place des socialistes dans la Résistance, une forme de « passé qui ne passe pas » au sein de la gauche...

Pour appréhender la place des femmes dans la société d’après-guerre en Allemagne orientale, l’exemple d’Anna Lorenz est instructif. En suivant humblement le conseil de l’écrivaine est-allemande Christa Wolf selon lequel « écrire n’est rien d’autre que : proposer des exemples », nous suivrons le parcours d’une femme à travers les bouleversements idéologiques, politiques et sociaux qui caractérisent le passage « d’une dictature à une autre » en Allemagne de l’Est. Anna Lorenz, « rencontrée » da...

Les années 1980 furent le point de départ d’un indéniable renouveau de l’histoire politique en France. Le processus, impulsé par René Rémond, eut pour double épicentre l’Institut d’études politiques de Paris et l’université de Paris X-Nanterre. Les historiens réunis autour de celui qui présidait depuis 1981 la Fondation nationale des sciences politiques étaient animés, malgré des parcours et des engagements divers, par une commune volonté : redonner son lustre à l’étude historique des phénomè...

En 1884 paraît le Recueil de travaux d’érudition classique, dédié à la mémoire de Charles Graux, suivi en 1886 de l’hommage respectueux de ses anciens élèves, Gabriel Monod et Marcel Thévenin « à la mémoire de M. le professeur [berlinois] Georges [Georg] Waitz, 1813-1886 », pour lequel, ces deux seuls contributeurs donnent chacun deux textes. L’Allemagne a en effet inauguré la pratique de tels volumes filiaux, plus tôt dans le XIXe siècle, que n’interrompent ni la Première Guerre mondiale, so...

Avoir eu un peu plus de vingt ans en 1864, au moment du Syllabus, expression la plus concentrée du rejet pontifical de la modernité, quand on était soi-même entré quelques années plus tôt dans l’Ordre dominicain en admiration de Lacordaire, le symbole du catholicisme libéral, voilà l’équation redoutable que le Père Henri Didon, prédicateur renommé, a dû résoudre pour son compte et en son temps, comme il a pu, au risque de scandaliser ses coreligionnaires et d’indisposer ses supérieurs. Son ca...

Jusqu’en 1924, l’enseignement secondaire masculin et l’enseignement secondaire féminin sont deux entités distinctes. Garçons et filles ne suivent pas le même cursus, n’ont pas les mêmes programmes et chaque catégorie a ses professeurs, de sexe masculin pour les jeunes gens, de sexe féminin pour les jeunes filles. La guerre a cependant modifié cet ordonnancement. La mobilisation et l’absence de recrutement de professeurs agrégés pendant quatre ans, les pertes au combat ont provoqué un déficit ...

« La France occupée ! J’en tremblais. Vivre, oui, mais pas en îlote. Un flot de passion m’envahit pour le pays attaqué, meurtri, violé. Ce communiqué ? Un coup de foudre, le premier de ma jeune vie. J’avais pris feu. Moi aussi, j’aimais la France et je voulais la servir. » S’investir ! Cet engagement affiché par Louise Weiss illustre bien le mot d’ordre qui résonnait à l’arrière en ces derniers jours du mois d’août 1914. Face aux difficultés imprévues de ce début de guerre, mises en exergue p...

Que signifie « vivre en Bretagne » dans les années 1968 ? Au-delà des analyses statistiques dont la période visée est particulièrement friande et qui amène inéluctablement à simplifier voire à caricaturer le réel, il y a place pour une approche qualitative fondée sur les sources orales. L’occasion est alors belle d’essayer de saisir les représentations de la Bretagne et de tenter de réunir la diversité des regards des acteurs et des actrices sur une région marquée, comme d’autres portions du ...

Le problème de la visibilité/invisibilité des femmes « ordinaires » pendant la guerre et, plus particulièrement, dans la Résistance continue de susciter bien des commentaires. Ils ne sont pas toujours convaincants, en particulier dans une historiographie qui ne s’émancipe guère des représentations dominantes – vision restrictive de la clandestinité ou représentation héroïque centrée sur quelques grandes figures, sexisme inversé avec désormais un hommage obligé et distinct aux femmes supposées...

En 1973, cinq ans après Pierre Laborie, Jacqueline Sainclivier devenait correspondante départementale du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (CH2GM), la même année que François Marcot, un an avant Jean-Marie Guillon, lui-même suivi de peu dans cette fonction par Christian Bougeard. Rappeler ces faits, c’est mettre en lumière le rôle déterminant que le CH2GM joua dans l’éclosion d’une génération d’universitaires. C’est aussi souligner combien les uns et les autres travaillèrent ma...

Dans le court XXe siècle de l’âge des extrêmes, la part de l’acteur en tant que sujet constitue d’évidence une thématique privilégiée et des plus nécessaires en Histoire. Les formes justement extrêmes de l’aliénation, de l’acceptation ou de l’enfouissement comme les répliques inverses d’affranchissement, de libération ou d’extériorisation interrogent sur les besoins conjoncturels de faire groupe, ou sous-groupe, de se donner ou de se désinhiber. De cet air des temps, les recherches de Jacquel...

Depuis trois ans, l’axe « Seconde Guerre mondiale » du CRHQ (UMR 6583) recense et collectionne dans une vaste base de données dénommée EGO, pour Écrits de guerre et d’occupation, tous les témoignages sur le Second Conflit mondial édités en français de 1939 à nos jours. Avant la fin de l’année 2015, les références précises d’environ 7 000 témoignages recensés seront en ligne, permettant aux chercheurs de toutes disciplines, de créer des corpus à partir d’un ensemble de mots-clés. Cette tâche n...

L’histoire – entendue comme un savoir constitué sur le passé – se méfie des objets inconsistants et des mots fourre-tout à usage interchangeable. Pour des raisons exposées depuis longtemps, de nombreux historiens, notamment du politique et du très contemporain, relaient cette méfiance et la justifient. L’écriture, la crédibilité et la lisibilité de l’histoire buteraient sur trop d’obstacles quand les objets semblent se dérober comme des boules de mercure, quand des signes explicites et des tr...

Lors de son décès en juin 2009, Joseph Martray a reçu un hommage quasi unanime en Bretagne et au-delà. Ainsi, le Président de la République, Nicolas Sarkozy saluait-il « une grande figure de l’histoire régionale bretonne », « résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, ancien journaliste » qui « a su consacrer toute sa vie à sa Bretagne natale, fondateur notamment du Comité d’études et de liaison des intérêts bretons en 1950 ». Pour sa part, Jean-Yves Le Drian, président du Conseil régional...

L’objet de cette recherche est Marcel Hongrois (1924-2003), instituteur passionné par l’ethnologie et la culture arabe, ancien des Forces françaises combattantes, chef de maquis en Bourgogne durant le second conflit mondial, puis cadre dirigeant du Mouvement pour la Communauté (MPC) et de l’Organisation Civile du Contingent (OCC) en Algérie en 1961-1962. La contribution doit beaucoup à une source inédite, un manuscrit dactylographié de souvenirs rédigé par ce dernier en 1989 et que m’a gracie...

Dans l’art d’écrire l’histoire savante comme dans celui de célébrer la mémoire collective, la révision est saine et nécessaire, sans doute inévitable si l’on admet que les intérêts présents imposent cette opération intellectuelle, à la fois consciente et inconsciente. En revanche, le révisionnisme, compris dans sa dimension négative, procède par des distorsions, des vues partiales, des contre-sens, jusqu’à l’aberration, jusqu’à la négation des faits parfois. Dans le cas du féminisme, on peut ...

Être universitaire en France, vieux pays de tradition jacobine, c’est assurément d’abord, depuis deux siècles, être membre de l’Université, avec un grand U, institution « nationale » relevant constitutionnellement de la compétence de l’État, sous la tutelle d’un ministère dédié et de ses bureaux, assurant l’essentiel du financement, définissant et garantissant des diplômes « nationaux » ; et c’est appartenir à un « corps » régi par des statuts et des instances eux aussi de dimension nationale...