1. Litige et expertise documentaire. Un précepte carolingien suspecté de fausseté à l’épreuve de la critique diplomatique médiévale (XIe-XIIe siècle)
- Author
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Senséby, Chantal
- Subjects
Moyen Âge ,History ,livre ,histoire ,faux ,HB ,HIS000000 ,temps modernes ,faussaire - Abstract
En 1098, l’évêque d’Angers, entouré de prélats et du comte d’Anjou, préside un plaid où s’opposent les abbayes de Saint-Aubin et de Saint-Nicolas d’Angers à propos d’un bois. Le premier monastère produit comme preuve un diplôme de Charlemagne que le second dénonce comme suspect. En 1104, le comte d’Anjou reprend à son compte l’accusation mais, lors d’un nouveau plaid réuni autour de l’archevêque de Tours, une assemblée de prélats « approuve » l’acte incriminé. Ce dossier documentaire, composé d’un écrit de procédure émané de Saint-Aubin, d’un diplôme carolingien, d’une notice issue de Saint-Nicolas et d’une charte de l’archevêque de Tours, permet tout à la fois d’observer le travail du faussaire, d’examiner la critique diplomatique mise en œuvre par les médiévaux et de s’interroger sur le statut de l’acte interpolé. Il souligne combien les abbayes sont tributaires de l’ancienneté et de la diversité de leur chartrier. Dépourvus de corpus de référence, dénués de culture diplomatique et peu familiers des diplômes carolingiens, les moines de la jeune abbaye de Saint-Nicolas fondée en 1020 ont élaboré une critique défaillante de l’acte remanié qui n’a pas convaincu les juges issus d’établissements religieux munis d’archives anciennes. À l’issue du second plaid, l’acte interpolé est qualifié de carta vera : il dit le vrai. Mais cette décision des juges ecclésiastiques revêt une autre signification : elle illustre aussi en ce début du XIIe siècle les tensions entre vieilles et jeunes communautés religieuses qui se disputent un espace de plus en plus rare et convoité.
- Published
- 2018