Ghariani Fetoui, N., Aounallah, A., Ksiaa, M., Abdelhedi, N., Sriha, B., Mokni, S., Saidi, W., Boussofara, L., Belajouza, C., Denguezli, M., Ghariani, N., and Nouira, R.
Introduction La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, qui peut être associée à différentes atteintes extra-digestives, dont les plus fréquentes sont d’ordre dermatologique. L’atteinte des organes génitaux externes dans la maladie de Crohn n’est pas rare. Il s’agit souvent de fistules, d’ulcérations, de fissures et d’abcès péri-anaux. Exceptionnellement, quelques cas de lymphœdèmes génitaux ont été décrits surtout chez l’enfant. Nous rapportons un cas de lymphœdème vulvaire traînant permettant d’établir le diagnostic de maladie de Crohn cutanée (MCC) chez un enfant. Observation Il s’agissait d’une enfant âgée de 16 ans, sans antécédents pathologiques notables, qui consultait pour un œdème vulvaire persistant depuis 8 mois. Elle n’avait pas d’antécédents familiaux de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. À la revue des systèmes, l’enfant ne rapportait pas de troubles du transit ni de douleurs abdominales. Son développement staturo-pondéral était normal pour l’âge. Elle était apyrétique, en bon état général. L’examen dermatologique avait révélé un œdème vulvaire important de consistance élastique englobant les grandes et les petites lèvres associé à des lésions érythémateuses pseudo-papuleuses s’étendant à la région péri-anale. Des fissures et des raghades s’y associaient au niveau des plis inguinaux et du pli interfessier. Elle avait par ailleurs une macrochéilite avec une perlèche et une hypertrophie gingivale. Le reste du revêtement cutanéo-phanérien était sans particularité. L’examen ostéoarticulaire, en particulier des deux hanches, était sans anomalie. L’examen ophtalmologique n’avait pas montré de signes d’uvéite antérieure. Trois biopsies cutanées étaient pratiquées au niveau de la vulve et du périnée, révélant une inflammation granulomateuse du tissu cutané, sans nécrose caséeuse. Le diagnostic de maladie de Crohn cutanée était retenu devant l’association des données histologiques à un contexte clinique évocateur par les fissures, le lymphœdème vulvaire traînant, les lésions érythémato-papuleuses génitales et péri-anales, la macrochéilite et l’hypertrophie gingivale. La recto-coloscopie avait révélé un aspect légèrement hyper-vascularisé de la muqueuse colique, sans autre anomalie associée. La fibroscopie digestive haute n’avait pas montré d’anomalie de la muqueuse gastroduodénale. L’étude anatomo-pathologique des biopsies muqueuses gastro-intestinales était sans particularité, confirmant ainsi l’absence d’atteinte digestive associée à la MCC. L’enfant était mise sous métronidazole à la dose de 1 g par jour avec une régression partielle de l’œdème et une cicatrisation quasi complète des fissures dès la 1 re semaine du traitement. Discussion La MC atteint l’enfant dans moins de 10 % des cas. Parmi ces formes pédiatriques, la MCC est rarement décrite. Seule une trentaine de cas sont rapportés dans la littérature. Le tableau clinique comporte : lymphœdème des organes génitaux, plaques, papules, nodules, abcès ou ulcérations. Contrairement à l’adulte, la localisation génitale de la MCC est majoritaire chez l’enfant, sous forme de lymphœdème. Cet œdème génital précède souvent l’atteinte digestive, tout comme c’est le cas pour notre enfant. Sa physiopathologie est mal connue. Certains auteurs évoquent le rôle des dépôts cutanés de complexes immuns entraînant une réaction granulomateuse alors que d’autres proposent l’hypothèse d’une réaction d’hypersensibilité de type IV médiée par les lymphocytes T provoquant une réaction granulomateuse avec atteinte vasculaire. La variabilité du tableau clinique, la rareté de la maladie et l’absence fréquente d’atteinte digestive connue expliquent la difficulté diagnostique de la MCC chez l’enfant. La présence chez notre enfant de lésions buccales (macrochéilite, perlèche et hypertrophie gingivale) en association avec la vulvite granulomateuse et les fissures inguinales et péri-anales est d’autant plus suggestive de MCC, malgré l’absence de signes gastro-intestinaux associés. Plusieurs traitements ont prouvé leur efficacité dans la MCC, notamment les corticostéroïdes topiques, oraux ou intra-lésionnels, le métronidazole par voie orale, la dapsone, les tétracyclines, l’azathioprine, la 6-mercaptopurine, la sulfasalazine, la supplémentation en zinc et récemment l’infliximab en cas de vulvite récalcitrante aux autres traitements. Conclusion Notre enfant illustre un cas rare de manifestations cutanées de la maladie de Crohn, caractérisées par un lymphœdème génital traînant associé à des manifestations péri-anales et buccales évocatrices. [ABSTRACT FROM AUTHOR]