Le-Gall, A., Leturcq, T., Meyssonnier, V., Chicheportiche, V., Lidove, O., Chazerain, P., and Ziza, J.-M.
Introduction Le risque de fracture chez les patients infectés par le VIH est plus important que dans la population générale : l’action directe du VIH sur l’homéostasie osseuse, causant une ostéoporose, n’est pas la seule cause à ce sur-risque. Une toxicité des anti-rétroviraux peut s’y ajouter. Nous rapportons ici le cas d’un syndrome de Fanconi induit par les anti-rétroviraux, révélé par des fractures vertébrales multiples. Observation Un homme de 39 ans, infecté par le VIH depuis 1996, caucasien, traité par une trithérapie associant raltégravir, emtricitabine et ténofovir consultait pour des lombalgies basses et myalgies des cuisses d’aggravation progressive depuis 6 semaines, invalidantes, non soulagées par les antalgiques de palier 2 et les AINS. L’examen physique était sans particularité, de même que les radiographies standard du rachis. La NFS, l’ionogramme sanguin, l’EPP ainsi que la clairance de la créatinine (70 ml/min) étaient normaux. La charge virale était indétectable et la numération des CD4 à 1031/mm 3 . L’IRM du rachis lombaire montrait des hypersignaux STIR en bande des corps vertébraux avec hyposignal T1 de l’os sous-chondral faisant évoquer des fractures vertébrales lombaires de L1 à L5. L’ostéodensitométrie trouvait un T-score à –2,5 au rachis. On notait par ailleurs une hypophosphorémie profonde à 0,37 mmol/L, une calcémie corrigée normale, une carence en 25-OH Vitamine D3 (< 3 ng/mL) avec une glycosurie à 1 croix à la bandelette à glycémie normale (4,7 mmol/L), une phosphaturie élevée à 30 mmol/j, avec aminoacidurie à 2244 μmol/mmol (252 < n < 950) et une protéinurie à 1,18 g/j, sans contingent monoclonal. Le tableau était donc celui d’un syndrome de Fanconi avec ostéomalacie, sans mise en évidence d’une autre étiologie que le traitement par ténofovir (dosage de FGF 23 à la limite inférieure de la normale et TEP scanner au 18FDG normal). L’évolution des douleurs était favorable après mise en place d’une supplémentation orale en phosphore et vitamine D et l’arrêt du ténofovir au profit de l’abacavir. Discussion Le cas présenté est donc celui d’une cascade fracturaire vertébrale chez un patient de 39 ans n’ayant a priori comme facteur de risque de fragilité osseuse que l’infection chronique par le VIH. L’atteinte atypique, touchant uniquement l’os trabéculaire, sur tous les étages lombaires, a conduit à mettre en évidence une ostéomalacie surajoutée, dans le cadre d’un syndrome de Fanconi. Le syndrome de Fanconi acquis traduit une atteinte tubulaire proximale, et doit faire évoquer une tumeur mésenchymateuse, un myélome multiple, un syndrome de Sjögren, mais également, une cause médicamenteuse, dont au premier rang les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse [1] . Ses manifestations ostéo-articulaires sont celles de l’ostéomalacie : fractures de fatigue ou fissures des côtes, du bassin, du col fémoral essentiellement, ainsi que de rares cas d’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale. Elles peuvent passer inaperçues à la radiographie standard et justifier une scintigraphie osseuse ou une IRM centrée sur les zones douloureuses. L’hypothèse physiopathologique est celle d’une accumulation du ténofovir dans la cellule tubulaire proximale, responsable d’une inhibition de l’ADN polymérase γ des mitochondries entraînant une dysfonction de la chaîne respiratoire oxydative puis une perte des fonctions de réabsorption des cellules tubulaires proximales [2] . Au maximum, peut survenir une nécrose tubulaire aiguë. Ces lésions peuvent être réversibles après l’arrêt du traitement, mais une dégradation définitive de la fonction rénale est possible, surtout en cas d’association au ritonavir ou d’insuffisance rénale préexistante. Conclusion La survenue d’un évènement fracturaire chez un patient infecté par le VIH doit faire rechercher systématiquement une ostéoporose, mais aussi un syndrome de Fanconi lié au ténofovir qui justifie alors son arrêt. Une surveillance régulière de la bandelette urinaire, de l’ ionogramme sanguin, du bilan phospho-calcique ainsi que de la densitométrie osseuse est donc nécessaire. [ABSTRACT FROM AUTHOR]