International audience; Cette recherche a pris naissance dans une période où, dans le cadre d'un DEA de science politique (1991/1992), on cherchait à travailler sur l'activité journalistique. L'univers médiatique ne nous était pas étranger puisque, depuis plusieurs années, on réalisait de manière occasionnelle des piges dans plusieurs médias. A la suite de la lecture de travaux sociologiques et de discussions, une question en apparence simple et peu analysée par les sciences sociales en France avait attiré notre attention : pourquoi et comment une occurrence devient, à un moment donné, un événement journalistique ? On s'est mis à la recherche d'un « événement » en train de se dérouler, ce parti-pris méthodologique de l'étude de cas paraissant en effet plus fécond que les enquêtes trop globales sur « les journalistes ». L'affaire du sang contaminé, qui commençait alors à faire la « une » des médias nationaux, avait rapidement suscité de l'intérêt pour plusieurs raisons. Elle constituait un « feuilleton à rebondissements », comme disent parfois des journalistes, avec des « temps morts » et des « temps forts » médiatiques dont la durée de vie était très variable. Cette affaire rassemblait également des événements très différents allant de la révélation d'un document par les médias, à une déclaration télévisée en passant par l'annonce de décisions judiciaires ou encore une conférence de presse. Enfin, à la lecture d'une revue de presse, l'événement paraissait d'autant plus ajusté à la question de recherche qu'il s'agissait d'un « scandale » qui avait mis du temps à être perçu publiquement comme un « scandale ». Si ce travail-qui s'est élargi dans le cadre de la thèse à d'autres « événements sida »-fait une place importante à ce cas précis, c'est surtout parce qu'il a pris avec le temps une dimension exceptionnelle qui en fait un événement analyseur également exceptionnel. Non seulement le « scandale du sang contaminé » a été un « événement analyseur » des rapports entre les « experts scientifiques » et les « hommes politiques », comme l'a montré Michel Setbon, mais il a été un révélateur des transformations qui ont affecté l'espace des médias nationaux d'information générale et politique dans les années 80 et 90.