Dans le roman historique pour la jeunesse, l'Histoire est souvent le prétexte, la toile de fond dépaysante devant laquelle se déroule un récit d'aventures. Il ne pourrait en être ainsi dans les romans historiques qui traitent des périodes coloniales et pré-coloniales, a fortiori écrits par des auteurs amérindiens ou afro-descendants concernés par les problématiques postcoloniales : dans ces romans, l'interprétation des événements historiques en fonction du point de vue depuis lesquels ils sont racontés – celui des vaincus de l'Histoire – y est l'enjeu central. En particulier, les fictions qui mettent en scène la « rencontre », imminente ou récente, entre l'Européen et les peuples premiers américains, à travers l'expérience de ces derniers, décentrent le regard de l'enfant vers le hors-champ de l'Histoire et proposent des alternatives à la version officielle. Le pouvoir d'identification aux héros, qui caractérise le roman pour la jeunesse, prend ici une dimension politique, dans la mesure où, rendu étranger à lui-même, le jeune lecteur fait l'expérience de l'altérité, de la relativité des valeurs et des injustices de l'Histoire. La fiction est alors, paradoxalement, le moyen d'accéder à une vérité occultée par l'Histoire officielle, et de dénoncer cette Histoire – et ses silences – comme une fiction, que l'on songe au mythe de la « découverte », à la glorification des pionniers et aux stéréotypes véhiculés sur les amérindiens. Edwidge Danticat et Louise Erdrich aux États-Unis, Daniel Munduruku et Joel Rufino dos Santos au Brésil, font partie de ces auteurs qui mettent leur plume au service de ce devoir de mémoire, qui est en même temps un devoir d'imagination. In historical novels for children, History is often a pretext, an exotic background in front of which adventure stories unfold. This couldn't be the case in historical novels dealing with colonial and pre-colonial times, most of all those written by native american or afro-descendant writers affected by postcolonial issues: in these novels, the interpretation of historical events according to the point of view in which it is narrated – often that of the vainquished - is crucial. Fictions depicting the encounter – imminent or recent – between Europeans and indigenous american people, through the eyes of the latter, change children's standpoint to History's off-camera and offer alternatives to the official version. The ability to identify to heroes or main characters, which caracterizes children's novels, takes a political dimension, insofar as, made extraneous to him or her, the young reader experiences otherness, the relativity of values and of History's wrongs. Fiction becomes – paradoxically – a mean to access History's concealed truth and to denounce it, aswell as its secrets, as a fiction itself, should we think about the myth of « discovery », to the glorification of pioneers and to the stereotypes spread about americindians. Edwidge Danticat and Louise Erdrich in the United States of America, Daniel Munduruku and Joel Rufino dos Santos in Brazil, are a part of these writers who put their talent to the service of the duty of remembrance, which is also a duty of imagination. En las novelas históricas para jóvenes, la historia es a menudo el pretexto, el telón de fondo exótico frente al cual se ejecuta una historia de aventuras. Lo mismo no es cierto para las novelas históricas que se ocupan de los períodos coloniales y precoloniales, a fortiori escritas por autores amerindios o descendientes de africanos que participan en cuestiones poscoloniales : en esas novelas, la interpretación de los acontecimientos históricos basada en el punto de vista desde el cual son contados –el de los vencidos de la historia– es el tema central. En particular, las ficciones que representan el « encuentro », inminente o reciente, entre los europeos y los primeros americanos, a través de la experiencia de estos últimos, descentran la mirada del niño fuera del campo de la historia y proponen alternativas para la versión oficial. El poder de la identificación con el héroe, que caracteriza la novela para jóvenes, adquiere aquí una dimensión política, ya que, distanciado de sí mismo, el joven lector tiene la experiencia de la alteridad, de la relatividad de valores y de las injusticias de la historia. La ficción es entonces, paradójicamente, la manera de acceder a una verdad ocultada por la historia oficial, y de denunciar esa historia –y sus silencios– como ficción. Recordemos el mito del « descubrimiento », la exaltación de los pioneros y los estereotipos sobre los nativos americanos. Edwidge Danticat y Louise Erdrich en los Estados Unidos, Daniel Munduruku y Joel Rufino dos Santos, en Brasil, se encuentran entre aquellos autores que ponen su pluma al servicio de este deber de memoria, que es también un deber de la imaginación.