Promoted as the most efficient irrigation technology and put forward to solve some of the major water crises, drip irrigation spreads rapidly around the world. The perspective of a technology studied in experimental stations with a theoretical irrigation efficiency of 90%, without considering the users, and ultimately idealized, was of immediate concern to us. Our thesis analyses drip irrigation as a technical innovation, linked to its socio-technical environment and interacting with the multitude of actors (conventional and unconventional) concerned with this technique. We question the normative vision of the drip technique (what it should do), by replacing it into a more complex analysis including its practical dimensions and the logic of actors manipulating it (what it does and for whom?). Our objective is to analyse how the practice of this technical innovation has changed both the technology and socio-professional trajectories of actors, and to study the impact of this practice on irrigation efficiencies.We conducted our research in 30 farms in the Saïss plain in Morocco. This plain is considered a private irrigation area particularly concerned by Morocco’s National Irrigation Water Saving Programme, which aims to reduce the pressure on groundwater through the conversion of existing gravity irrigation systems to drip irrigation systems. Our research methodology combined approaches of water sciences, particularly on irrigation efficiencies, and sociology of innovation to decrypt the appropriation mechanisms of the technical object.Our results show how local actors took control of the innovation sharing responsibility in areas once thought reserved for engineers in the production, use and dissemination of innovation. These actors have adapted through a process they call themselves “bricolage” drip irrigation systems to local conditions, also enabling learning by local actors to deal with change. From an imported technology accessible to a minority of large farmers, drip irrigation became a plurality of drip irrigation systems accessible to a large diversity of farmers. We also show how these local initiatives cross and strengthen state-led drip irrigation development programs. Our work has shown that irrigation performance of these systems is heterogeneous, some farmers irrigating 3-4 times the volumes necessary for the crop water requirements. This performance can be explained by irrigation practices that do not necessarily focus on water saving, reflecting the multiple logics of the farmers. Finally, we show how the drip technology has attracted a large number of non-conventional actors who changed the technology, but also changed themselves. The successful diffusion of drip irrigation ensures their social and professional promotion, and in turn they will attract other users in the world of drip irrigation. This is where the strength lies of drip irrigation as a technical object around which powerful socio-technical networks were built. We conclude that today "water saving" is an objective of no priority for any of the actors, including the state. The challenge is to engage a debate about water saving among all parties - the state, the agricultural profession, irrigation companies - on the basis of the actual use of the drip irrigation systems. This will help to set operational targets for water saving, which are - as we have shown - entirely possible while improving yields. Specific and negotiated agreements, implemented in different regions of Morocco, should translate these objectives in action plans, allowing the monitoring of actual irrigation volumes where the results would be accessible to all actors.; Promue comme la technique d’irrigation la plus efficiente et mise à contribution pour régler les grandes crises d’eau, le goutte à goutte se diffuse très rapidement de par le monde. La perspective d’une technique étudiée en station expérimentale ayant une efficience d’irrigation théorique de 90%, sans utilisateurs, et en définitive idéalisée, nous a d’emblée interpellé. Notre thèse analyse le goutte à goutte comme une innovation technique, en lien avec son environnement sociotechnique et en interaction avec la multitude d’acteurs (conventionnels et non-conventionnels), qui interagissent avec cette technique. Elle interroge la vision normative de la technique du goutte à goutte (ce qu’elle devait faire), en l’insérant dans une analyse plus complexe incluant ses dimensions pratiques et les logiques d’acteurs in situ (ce qu’elle fait et pour qui le fait-il). Notre objectif est d’analyser comment la pratique de cette innovation technique a changé la technologie ainsi que les trajectoires socioprofessionnelles des acteurs du goutte à goutte, et d’étudier l’impact de la pratique sur les efficiences d’irrigation.Nous avons mené nos travaux de recherche dans 30 exploitations agricoles dans la plaine du Saïss au Maroc. Cette plaine est considérée comme une zone d’irrigation privée, et est à ce titre particulièrement concernée par le Programme National d’Economie d’Eau en Irrigation qui ambitionne de réduire la pression sur les eaux souterraines par la reconversion des systèmes d’irrigation gravitaire existants en systèmes d’irrigation localisée. Nous avons fait le choix méthodologique de croiser des approches de sciences de l’eau, en particulier sur les efficiences d’irrigation, et de sociologie de l’innovation pour décrypter les mécanismes d’appropriation de l’objet technique.Nos résultats montrent comment les acteurs locaux ont pris le contrôle de l’innovation, et assumé des responsabilités dans des domaines que l’on pensait réservés aux ingénieurs dans la production, l’utilisation et la diffusion de l’innovation. Ces acteurs ont adapté à travers un processus qu’ils qualifient de bricolage les systèmes de goutte à goutte aux conditions locales, permettant aussi un apprentissage de la technique pour apprivoiser le changement. D'une technologie importée accessible à une minorité de grands agriculteurs, une pluralité de systèmes de goutte à goutte de proximité sont désormais accessibles au plus grand nombre. Nous montrons aussi comment ces initiatives locales croisent et renforcent les programmes étatiques de développement du goutte à goutte. Nos travaux ont démontré que les performances d’irrigation de ces systèmes sont hétérogènes, certains agriculteurs irriguant 3-4 fois plus que les volumes nécessaires aux besoins de la culture. Ces performances peuvent être expliquées par des pratiques d’irrigation favorisant le confort hydrique de la plante, traduisant ainsi les multiples logiques des acteurs. Enfin, nous montrons comment la technologie du goutte à goutte a séduit un grand nombre d’acteurs non-conventionnels qui ont changé la technologie, mais ont changé aussi eux-mêmes. La diffusion réussie du goutte à goutte assure leur promotion socioprofessionnelle, et à leur tour ils vont attirer d’autres utilisateurs dans le monde du goutte à goutte. C’est là où se résume la force du goutte à goutte comme objet technique autour duquel de puissants réseaux sociotechniques se sont construits. Nous concluons qu’aujourd’hui, « l’économie d’eau » est un objectif perdu de vu, qui n’est prioritaire pour aucun des acteurs, y compris l’Etat-promoteur. L’enjeu est donc d’engager un débat sur l’économie d’eau entre toutes les parties prenantes – l’Etat, la profession agricole, les entreprises d’irrigation – sur la base des usages réels de l’eau des systèmes de goutte à goutte. Ils pourront ainsi fixer des objectifs opérationnels d’économie d’eau, qui sont – comme nous l’avons montré – tout à fait possibles tout en améliorant les rendements. Un cahier des charges négocié, mis en place dans les différentes régions du Maroc, pourra concrétiser ces objectifs et permettra la mise en place d’un suivi des volumes réels utilisés dont les résultats seraient accessibles à tous les acteurs.