International audience; L’urbanisation indienne remonte certainement à 2500 ans avant J.C. lorsque sont apparus parallèlement, mais indépendamment, des villes dans l’actuelle vallée du Gange et à l’extrémité Sud du pays (Ramachandran, 1989). La croissance urbaine a ensuite été très lente, suivant de manière grossière les lieux d’accumulation de population (zone de plus fortes densités). Une trame urbaine assez lâche a donc vu le jour, mais il faudra attendre l’invasion moghole à l’époque médiévale pour voir s’imposer une nouvelle trame urbaine. Lorsque les européens arrivent au 16-17ème siècle, le monde des villes est développé de façon régulière, selon un modèle de système urbain « ancien », pour reprendre la terminologie de Denise Pumain (Bretagnolle et al., 2007).La colonisation britannique et sa logique interne vont fortement changer la donne et initier en deux siècles la réorganisation complète de la trame urbaine au profit de quelques grandes villes qui dominent aujourd’hui le paysage urbain : Delhi, Mumbai, Kolkata, Chennai. Ces quatre villes représentent à elles seules plus de 50 millions d’habitants, soit 1/6ème de la population urbaine du pays, ce qui nous invite à regarder de plus près la hiérarchie urbaine indienne et pose la question de l’existence ou non de macro ou de polycéphalie dans le pays. Au regard de l’histoire politique (nombres de royaumes avant la colonisation et un état fédéral ensuite) se pose aussi la question de la pertinence de la définition d’un système urbain unique.Comment peut-on décrire la hiérarchie du système urbain indien, et à quelle échelle ? Autrement dit, comme porter un regard pertinent sur la dynamique des villes qui permette de montrer, le cas échéant, l’existence de sous-systèmes urbains ?Pour retracer l’évolution récente du système urbain indien, nous avons mis en place une base de données intégrant les données censitaires décennales indiennes (de 1901 à 2001 - le prochain recensement aura lieu en mars 2011) que nous avons ensuite géoréférencées (Querci 2010) .Nous disposons donc d’une base de données urbaine (population, taux de croissance) sur l’ensemble du 20ème siècle à l’échelle la plus fine. Si la définition de l’urbain varie dans le temps et peut être sujette à discussion, cela n’est pas le lieu ici, et les éventuels "arrangements" des administrations indiennes ne changent pas fondamentalement les résultats obtenus (Oliveau, 2008).A partir de cette base de données, nous pourrons donc porter sur l’évolution du système urbain indien au cours du 20ème siècle un regard statistique nouveau. Nous procéderons en trois temps. Nous tenterons d’abord de quantifier l’évolution du système urbain indien à travers l’analyse et la cartographie des taux d’évolutions. Viendra ensuite une seconde phase qui s’intéressera plus spécifiquement à l’évolution de la hiérarchie urbaine tout au long du siècle (forme de la distribution rang-taille des villes indiennes). Enfin, pour dépasser l’analyse globale et nous intéresser à la définition de sous-systèmes perçus lors de l’analyse statistique, nous mettrons en place une méthodologie à même de faire ressortir les ruptures spatiales de la trame urbaine.En effet, en présence de macrocéphalies à l’échelle régionale, l’analyse statistique globale du phénomène ne suffit plus et il convient de faire appel à une autre méthodologie pour déterminer des frontières internes, qui ne soient pas basées sur des limites définies a priori. Pour cela, nous nous appuierons sur l’utilisation conjointe de la morphologie mathématique et de la géostatistique (Voiron-Canicio, 1995). Il apparaît en effet que la morphologie mathématique, comme la géostatistique, peuvent mettre en évidence des structures spatiales autrement difficilement perceptibles.De ces analyses statistiques sortent plusieurs constats. D’abord que l’Inde, malgré sa faible urbanisation (28% en 2001) a bien amorcé sa transition urbaine, même si elle suit un rythme assez lent pour l’instant.Ensuite, que cette urbanisation, si elle se concentre surtout dans les plus grandes villes, n’a pas fait émerger de situation de macrocéphalie, ni même de polycéphalie. Selon les termes de François Moriconi-Ebrard (1993), nous sommes en présence d’un phénomène de métropolisation. Néanmoins, si l’on change d’échelle, quatre grands foyers urbains émergent, marqués pour trois d’entre eux par une macrocéphalie urbaine très importante, avec des villes de rang 1 jusqu’à cinq fois plus peuplées que celles de rang 2.Toute la complexité du système urbain est ainsi révélée : une situation nationale relativement bien équilibrée et des situations régionales qui ne le sont pas. Reste à déterminer alors les limites spatiales de ces sous-ensembles.Le recours à la morphologie mathématique va nous y aider. A partir de la cartographie du semis de ville, nous opérons une dilatation des points pour dessiner un graphe perceptuel (figure 1). Celui-ci met en évidence l’existence de quatre zones où les villes sont mieux connectées que dans l’ensemble du pays : Dans la partie nord de la vallée du Gange, à l’embouchure de la vallée du Gange, sur la côte ouest du pays, et enfin dans le cône sud.Cette approche est ensuite complétée par la création de polygones de Thiessen, représentant une sorte d’aire urbaine théorique qui permettent de souligner l’existence de zones de forte concentration urbaine (figure 2). Les résultats sont évidemment concordants et l’on retrouve sous une autre forme les quatre sous-systèmes préalablement identifiés.Pour finir, une analyse variographique nous a permis de montrer la présence de structures secondaires pouvant correspondre à des situations de macrocéphalies régionales.