Les questions de développement des sociétés du Sud appellent aujourd’hui à la production de données et d’indicateurs dans des domaines grandissants. Les acteurs de développement ont en effet besoin de mesurer les progrès réalisés et de comprendre les mécanismes de frein ou d’accélération du développement dans les domaines de la santé, de l’environnement ou du changement social. Les données disponibles en Afrique ne cessent de s’améliorer et de se multiplier. Parmi elle, on trouve les Observatoires de Population qui ont la particularité de produire des données longitudinales prospectives et offrent des perspectives innovantes d’analyse de données et de production d’indicateurs suivis. C’est cette question particulière de l’apport spécifique des Observatoires de Population à la connaissance de l’évolution des sociétés au Sud que vise à traiter mon mémoire d’HDR, en s’appuyant sur l’exemple du champ des études sur l’enfance.Mon parcours de recherche m’a conduit en très grande partie vers le Sénégal où j’ai travaillé sur et avec les Observatoires de Population. Ma carrière s’est largement déroulée à l’étranger, dont 11 années au Sénégal à l’IRD, 4 à Madagascar à l’Université Catholique, et 2 à l’Université de Harvard, Cambridge, USA. Mon laboratoire de rattachement est le Laboratoire Population Environnement Développement (LPED) à Marseille , avec lequel j’entretiens des collaborations étroites sur les questions d’enfance, mais aussi de famille et d’environnement. J’y ai pris des responsabilités en dirigeant une équipe (Population et Santé) pendant 4 années. Depuis longtemps je participe à des activités de formation à la recherche par la recherche (encadrement de mémoires de master, de thèses) et depuis quelques années, je participe à l’enseignement de la démographie et de la méthodologie de recherche dans un master de Mathématiques et Sciences Sociales Appliquées à l’Université d’Aix-Marseille (AMU). J’ai publié régulièrement les résultats de mes recherches dans des revues scientifiques et des ouvrages. J’ai participé à de nombreux projets de recherche dans lesquelles j’ai assuré la responsabilité de tâches. Enfin, j’ai porté et défendu la mise en œuvre et la valorisation des Observatoires de Population à plusieurs périodes de ma carrière et auprès de plusieurs instances (institutionnelles : IRD, INED ; scientifiques : colloques, séminaires, cours ; collectives : réseau Indepth). Ce dernier point constitue une contribution majeure que j’ai pu apporter à la recherche et qui marque ma reconnaissance dans le milieu des démographes africanistes. L’opportunité de cette HDR me permet de discuter de l’apport des Observatoires de Population à la connaissance de l’évolution des sociétés du Sud, en s’appuyant sur l’exemple de mes travaux en démographie de l’enfance. En effet, la question de la pertinence de ces systèmes d’observation particuliers, qui s’inscrivent dans le long terme et dont la mise en œuvre est particulièrement lourde et couteuse tant en moyens financiers qu’en ressources humaines, est plus que jamais une question d’actualité pour les différents acteurs qui y participent. Le regain d’intérêt pour les systèmes d’observation est aujourd’hui visible dans différents domaines de recherche et répond à une préoccupation de suivre l’impact des actions politiques et de disposer de scenario quant aux évolutions futures probables. Les questions qui guident cette analyse sont les suivantes :-Comment les Observatoires de Population qui se sont constitués au départ comme des enquêtes répétées deviennent-ils de véritables systèmes d’observations pluridisciplinaires ? -Sont-ils des outils pertinents et adaptés aux paradigmes contemporains de la démographie qui se généralisent par des approches micro, biographiques et comparatives ? -Quelle spécificité apporte l’approche longitudinale aux analyses de causalité entre les phénomènes ? -En quoi l’accumulation des résultats de recherche de différentes disciplines permet-il une contextualisation de l’évolution des phénomènes du type monographique, voire une perspective historique ? -Comment les avancées technologiques offrent-elles de nouvelles perspectives aux Observatoires ? -Comment cet outil peut-il renseigner les nouveaux champs de recherches sur l’enfance ?Les objectifs de cette HDR sont de deux ordres. Il s’agit d’une part de montrer en quoi les Observatoires de Population sont des outils méthodologiques d’une grande richesse et qu’ils apportent une contribution importante à la recherche pour le développement, en dépit de certaines questions méthodologiques qui les accompagnent (partie 1). Il s’agit d’autre part de montrer par des exemples issus de ma recherche les apports des Observatoires pour la recherche sur l’enfance en Afrique (partie 2). Les données d’Observatoires du Sénégal (Niakhar) ont pu être mobilisées pour produire des résultats sur la santé des enfants, les circonstances de la naissance, l’éducation, l’adolescence, la mobilité. De cette expérience, on peut tirer un cadre d’une amélioration des systèmes de collecte de données longitudinales diversifiées qui permettraient de mieux répondre aux questions actuelles du champ de l’enfance (partie 3), notamment sur les questions de la mobilité des enfants (amélioration des outils de mesure au niveau national), du travail et de l’éducation des enfants (développer l’approche longitudinale pour mieux comprendre la concurrence entre travail et école/apprentissage) et entourage et bien-être de l’enfant (amélioration de la mesure de l’entourage, notion de trajectoires de l’entourage, mesure subjective du bien-être).La première partie permet d’analyser les Observatoires de Population dans une perspective historique. Les Observatoires de Population développés depuis les années 1960 ont eu pour vocation initiale de produire des données sur la population et la santé et ont été largement utilisés comme terrain d’essais cliniques et de recherches en santé. Ils ont aussi permis de grandes avancées dans la compréhension des phénomènes démographiques, économiques et sociaux, tout comme dans celles des relations entre l’Homme et l’environnement. Les Observatoires de Population et santé sont aujourd’hui de plus en plus nombreux dans le monde et de mieux en mieux connus. Leur organisation en réseau depuis la création du Indepth-Network en 1998 a permis d’accroître leur visibilité, d’améliorer et de standardiser les procédures et de renforcer les capacités des équipes. Le réseau Indepth a mis en évidence le rôle important que peuvent jouer les Observatoires dans la recherche en santé et mis en place une politique de partage de données avec un accès libre aux données documentées sur un portail . L’Observatoire de Niakhar est l’un des plus anciens au monde. Sa méthodologie particulière est basée sur l’approche longitudinale. Les enjeux actuels des Observatoires sont discutés selon trois entrées. L’entrée éthique renvoie à des enjeux spécifiques liés au caractère permanent du terrain, avec des enquêtes sans cesse renouvelées auprès d’une même population. Les recherches nécessitent la participation de la population, or celle-ci retire souvent peu de bénéfices d’une recherche orientée vers un développement plus large, et dont l’implémentation des actions n’est pas du ressort du chercheur. Les enjeux institutionnels en termes de gouvernance et d’implication dans les structures nationales sont discutés à partir d’exemples contemporains observés dans d’autres pays (Ethiopie et Afrique du Sud). Les enjeux méthodologiques sont évoqués en lien avec les nouvelles technologies qui deviennent incontournables. Ces technologies offrent des potentialités nouvelles aux Observatoires en améliorant les méthodes de collecte et de traitement des données, en permettant de multiplier les échelles, les domaines de suivi et les niveaux d’analyse. Elles ouvrent ainsi des perspectives pluridisciplinaires fortes. Les nouvelles technologies permettent aussi la standardisation des données et de leur documentation qui autorise le partage de données (open data), les offrant ainsi à un plus grand nombre d’acteurs.La deuxième partie analyse les apports des Observatoires à la recherche dans le champ de l’enfance. La démographie de l’enfance reste balbutiante et mal définie. Pourtant, l’enfant est bien au cœur des problématiques de la discipline. Fécondité, mortalité, migration, famille, éducation, autant d’enjeux démographiques qui concernent tout autant l’enfant que l’adulte. Mais, si l’enfant fait partie des préoccupations de la démographie, il est rarement considéré comme un acteur des phénomènes démographiques. Les comportements démographiques renvoient aux comportements des adultes. L’intérêt pour une démographie de l’enfance est formulé à travers le besoin d’indicateurs exprimé par les agences internationales. Indicateurs dont la rareté, l’imprécision ou la faible qualité ne permet pas un suivi efficace des recommandations exprimées par les textes internationaux (Objectifs du Millénaire pour le Développement, Objectifs du Développement Durable, Convention des droits de l’Enfant). La santé et la scolarisation sont les domaines les plus étudiés. Le travail des enfants est appréhendé par le biais d’enquêtes spécifiques. La prise en charge de l’enfant et son entourage sont des thématiques de recherche plus récentes. D’un point de vue théorique, le « Child Indicators Movement » développé dans les années 1990 conduit à repenser le « bien-devenir » de l’enfant et à recentrer les préoccupations sur le « bien-être » de l’enfant. Ce repositionnement conduit à un changement méthodologique fort dont la démographie ne s’est pas encore pleinement saisie. La synthèse de mes travaux de recherche permet ici de voir comment la méthodologie d’Observatoire a permis de contribuer au champ de la démographie de l’enfance dans le domaine de la santé, la sexualité et fécondité des adolescents, la scolarisation, la migration et le travail dans l’enfance.Les apports du suivi démographique à l’analyse de la mortalité des enfantsC’est la précision de l’enregistrement des décès et leur complétude qui donne tout l’intérêt des données d’Observatoire pour l’analyse de la mortalité des enfants. La datation des décès est d’autant plus précise qu’ils sont généralement enregistrés dans un délai proche du décès. Plus les passages sont rapprochés, et plus ce délai est court. Ainsi on observe sur les différentes périodes de collecte que le délai entre le décès et la date de l’enregistrement varie entre 200 jours entre 1984 et 1986 alors que les passages sont annuels et moins de 10 jours entre 1991 et 1997 lorsque les passages sont hebdomadaires. La proximité entre l’événement et son enregistrement permet une précision de la date au jour près, ce qui améliore la précision des indicateurs et surtout permet de mener des analyses fines sur la structure par âge de la mortalité des enfants (selon le trimestre) et sur la saisonnalité des décès. Les autres types de sources de données (Etat Civil, registres sanitaires, enquêtes nationales, enquêtes ad hoc) ne peuvent apporter ce niveau de détail.La complétude des décès est assurée par le fait que ce système de collecte minimise les omissions. La connaissance préalable de la composition du ménage par l’enquêteur, qui dispose d’une liste des membres résidents, permet de déceler rapidement l’omission d’un décès. Les individus relevés lors des passages précédents, y compris les nouvelles naissances, font l’objet d’un appel systématique. Même les décès de jeunes enfants, qui sont particulièrement sujets aux omissions, sont ici repérés. La faiblesse du système porte sur les naissances suivies de décès très rapide entre 2 passages du suivi démographique et qui pourraient échapper à l’enquêteur. C’est pour minimiser ce risque que les grossesses sont enregistrées dans les passages de routine. Même si elles ne sont pas déclarées en début de grossesse, une bonne part d’entre elles est enregistré avant l’accouchement. A chaque passage, les grossesses dont l’issue n’a pas été enregistrée font l’objet d’une attention particulière de la part de l’enquêteur.Ainsi, le maximum est fait pour assurer l’enregistrement de tous les décès ainsi que la précision de la datation du décès au jour près. Ce qui en fait un système unique, puisque, en l’absence d’un système d’Etat Civil performant, aucune donnée démographique d’une telle qualité n’est disponible en Afrique.Le potentiel des Observatoires va au-delà de l’analyse de la mortalité. Le suivi de la morbidité est une voie qui se développe rapidement dans les Observatoires, avec le soutien du réseau INDEPTH (Sankoh, 2015). Les appariements avec les données sanitaires des structures de soins présentes dans les villages suivis sont très prometteurs pour une meilleure compréhension des dynamiques des maladies et de leurs prises en charge.Les apports du suivi démographique à l’analyse de la sexualité, mariage et fécondité chez les jeunesLe suivi démographique sur le long terme permet de décrire les tendances de la fécondité précoce et de dater le début de sa baisse dans les années 1960. Le suivi longitudinal de routine fournit les éléments de base à la mesure de la fécondité et à l’identification des naissances prémaritales. C’est grâce à la précision des dates que l’on peut, de manière remarquablement précise, analyser la question des conceptions avant le mariage. La plupart des études se contentent de l’analyse des naissances avant le mariage, et une partie du processus échappe à l’analyse. L’apport du suivi démographique à cette question est donc de pouvoir décrire les niveaux et tendances très précis de la fécondité prémaritale. L’apport de ces données réside aussi dans l’enregistrement de la succession des évènements démographiques : naissances, mariages, migration et, depuis 1998, les migrations saisonnières. Ceci permet de mettre en évidence le rôle de l’expérience urbaine sur l’arrivée d’une naissance hors mariage, mais aussi de pouvoir décrire les adaptations sociales par la célébration d’union pendant la grossesse ou le jour du baptême.Le suivi démographique permet aussi de mesurer à quel moment le mariage intervient après une naissance prémaritale et l’on a pu voir que les conséquences les plus sensibles pour l’enfant du célibat sont lorsque l’union avec le père de l’enfant ne se produit pas et ceci, le plus souvent lorsque le père de l’enfant n’appartient pas au groupe des conjoints socialement acceptables. Des analyses sur les conséquences sur le plus long terme de la fécondité prémaritale sont possibles grâce à l’observation continue des populations. Ainsi une analyse est en cours sur les conséquences de la fécondité prémaritale sur la santé des enfants.L’analyse du mariage et de l’entrée en union est rendue possible par le suivi démographique. Les données permettent de documenter le recul de l’âge au mariage. Une analyse fine a pu être menée sur les liens entre le mariage et la crise agricole (pluviosité et cours de l’arachide). Ceci relève d’un autre aspect de l’apport des Observatoires : celui du cumul des connaissances pluridisciplinaires. La présence de recherches en agronomie est un atout d’importance pour l’analyse des faits sociaux dans une société paysanne. Certains sujets sensibles ne sont pas abordés en routine dans le suivi démographique. L’apport de l’Observatoire est alors de fournir une base de sondage pour des enquêtes sur échantillons, représentatifs ou raisonnés selon les besoins. C’est ainsi qu’ont pu facilement se dérouler plusieurs enquêtes sur échantillon qui ont permis de produire certains indicateurs. Ainsi, la question de la sexualité a été abordée au début des années 1990 dans le cadre d’un projet de recherche sur le VIH/sida. Quelques années plus tard, une autre enquête a permis de mesurer les évolutions des comportements sexuels et fournir des informations sur les attitudes et perception à l’égard du VIH/sida. L’enquête ICOFEC a permis à la fin des années 1990 de mesurer la prévalence contraceptive. L’existence de ces données renforce l’intérêt à réitérer ces enquêtes, afin de mesurer les progrès réalisés en lien avec les politiques de santé sexuelle et reproductive qui se sont déroulés dans l’intervalle.Les apports du suivi démographique à l’analyse de la scolarisationL’apport des Observatoires à l’analyse de la scolarisation est de deux ordres. D’une part le niveau de scolarisation peut être mesuré et suivi dans le temps. La profondeur historique de l’observatoire de Niakhar permet de produire certains indicateurs des années 1950. La présence continue sur le terrain a aussi permis de décrire l’évolution de l’offre scolaire. D’autre part, la mise en place d’un suivi scolaire sur une période de 4 années a permis de traiter de la question de l’absentéisme et du décrochage scolaire. L’absentéisme et la réussite scolaire sont des concepts très mal mesurés et analysés par les données quantitatives existantes. Seules les données ministérielles enregistrent des indicateurs, mais aucune donnée explicative ne peut y être associée. L’expérience de Niakhar a montré qu’il était possible de suivre dans le temps les absences des élèves et d’en documenter les raisons. La réussite scolaire pourrait tout aussi bien être documentée en finesse et mise en relation avec des variables familiales afin de mieux comprendre le rôle que joue la famille dans la réussite scolaire. L’analyse de durée sur une plus longue période permettrait une analyse plus fouillée des facteurs de décrochage. Plus largement, l’analyse longitudinale de la scolarisation dans toutes ces dimensions, en lien avec l’entrée en union, la fécondité et la migration, peut donc permettre une meilleure compréhension de la manière dont interagissent les différentes composantes de l’entrée dans la vie adulte. Les apports du suivi démographique à l’analyse de la migration et du travail dans l’enfanceL’exemple de la migration et du travail dans l’enfance est très illustratif des apports du suivi démographique à la connaissance de l’évolution des sociétés du Sud. Le cumul des connaissances sur un même terrain offre une profondeur historique précieuse pour décrire le développement des premiers mouvements de migration. De plus, la méthodologie du suivi démographique permet de mesurer l’intensité de la migration et son évolution. L’enregistrement précis des dates de départ et de retours de chaque individu permet d’identifier avec exactitude les types de migration (courtes/circulaires, versus longues/définitives). En matière de qualité des données, l’observation prospective et en temps réel de la migration garantit une précision des dates qu’il est impossible à égaler quand la collecte des biographies migratoires se base sur le discours des individus sur leur mobilité.L’enregistrement du motif de la migration permet d’analyser plus précisément les migrations de travail. Celle-ci concernant plus particulièrement des jeunes, voire très jeunes, les résultats contribuent à informer le champ de connaissances sur la mobilité des enfants. Cette typologie permet de replacer la migration circulaire/saisonnière de travail dans le contexte de migration plus longue. La question des enfants domestiques est particulièrement difficile à mesurer dans les enquêtes ménages qui présentent de nombreuses limites pour distinguer des enfants domestiques des enfants confiés (Delaunay, 2011) et on sait qu’il existe un continuum de situations. L’identification des enfants et adolescents engagés dans des migrations de travail produit des données précieuses qui mériteraient des analyses plus profondes.Cet exemple illustre aussi le potentiel des observatoires à identifier un objet central pour la compréhension des phénomènes sociaux (ici la migration circulaire de travail, mais cela pourrait aussi s’appliquer aux phénomènes écologiques ou sanitaires) et à s’en emparer par l’introduction d’une nouvelle modalité dans le suivi de routine. Ainsi, l’introduction du suivi des migrations circulaires de travail a permis de mieux comprendre le rôle que joue cette migration dans l’adaptation de cette société paysanne aux contraintes environnementales et démographiques. Les autres applications sont nombreuses et doivent être développées pour rendre compte de modifications importantes que ces migrations impliquent sur l’organisation familiale et économique et dans quelles mesures elles sont porteuses de changement dans le monde rural. Ces types de mobilités sont observées dans d’autres pays et régions. Elles sont le pont entre le monde rural et le monde urbain et sont par-là porteuses d’un potentiel fort pour les actions de développement et l’enjeu de leur mesure est d’importance.Il est clair que les questions du champ de l’enfance sont beaucoup plus vastes, et je m’interroge ici sur les améliorations à apporter en termes d’analyses et de nouvelles collectes de données, appuyées à la méthodologie des Observatoires il serait possible de mettre en œuvre. Il s’agit ainsi de s’interroger, dans la troisième partie, sur le rôle des Observatoires dans les recherches sur l’enfance en Afrique de demain.Les perspectives aujourd’hui dans le domaine de la santé de l’enfant (et de l’adulte) se tournent vers le suivi des maladies, et non plus des seuls décès, avec une mise en relation avec les données sanitaires et d’Etat Civil. Les concepts de bien-être et de vulnérabilité sont aujourd’hui très utilisés sans que de progrès notables ne soient réalisés dans la manière de les mesurer. Le degré de « bien-être » des enfants, caractérisé par certains indicateurs relatifs aux besoins de développement cognitif, moteur et affectif de l’enfant. L’éducation et l’état nutritionnel restent les marqueurs privilégiés. Ces indicateurs, ainsi que d’autres qui restent encore à imaginer, pourraient être suivis dans le temps dans le cadre d’Observatoires et mis en relation avec le parcours de l’enfant et de son entourage. Cette vision dynamique permettrait de mieux comprendre les éléments de vie qui affectent le bien-être de l’enfant, en positif comme en négatif. Le concept de vulnérabilité quant à lui renvoie plutôt à des situations de vulnérabilité qu’à des individus vulnérables. L’identification des situations de vulnérabilité des enfants et des parcours qui y conduisent pourrait éclairer les interventions de prévention et de prise en charge. Ici aussi l’approche longitudinale des Observatoires pourrait être mise à contribution pour analyser les parcours antérieurs aux situations de vulnérabilité.Au travers de ces concepts de bien-être et de vulnérabilité, les questions du confiage des enfants et de la mobilité des enfants peuvent y être abordées d’une manière originale. Ce sont les ruptures de prises en charge d’un enfant, visibles au travers d’une modification de l’entourage de l’enfant, qui conduisent à des situations de confiage. Ces jalons de vie sont en forte relation et doivent être approchés ensemble et c’est l’approche biographique qui seule permet de rendre compte des causalités.De même les questions de scolarisation, de mobilité et de travail des enfants sont souvent imbriquées, et l’approche longitudinale permet une lecture des événements à l’échelle de la vie des individus et d’approcher des causalités.La mise en œuvre d’indicateurs suivis sur l’enfance nécessite donc certaines adaptations des Observatoires pour produire des données plus fines et plus complètes sur les enfants. Qu’il s’agisse de la santé, du bien-être, de la prise en charge, de l’éducation, du travail, ou de la mobilité des enfants, une réflexion doit être faite sur les concepts à mesurer, puis sur les moyens pour les mesurer. Les efforts doivent être soutenus pour apporter les améliorations nécessaires aux Observatoires afin de pouvoir rapidement proposer une gamme d’indicateurs suivis sur l’enfance de plus en plus large. Ceci peut se faire à travers différents programmes de recherche qui permettront de développer des méthodologies innovantes à l’échelle d’un ou de plusieurs Observatoires. Le réseau Indepth sera très certainement un atout pour concevoir des projets à plus grande échelle. De plus, les avancées méthodologiques, qui permettent la production d’indicateurs, développées dans les Observatoires trouveront des applications dans l’amélioration des outils de collecte nationauxLa contribution que j’ai pu apporter aux Observatoires au cours de ma carrière est large et variée. J’ai fortement participé à la mise en valeur des données démographiques de l’Observatoire de Niakhar. L’expérience acquise par la contribution à différents projets de recherche de disciplines variées, m’a permis à plusieurs occasions de défendre l’intérêt de cette plateforme de recherche auprès des partenaires Sénégalais, de la communauté scientifique et de ma propre institution. J’ai œuvré à la modernisation des procédures d’analyses des Observatoires du Sénégal, grâce aux ateliers de travail du réseau Indepth et je contribue aujourd’hui à cette dynamique collective qui vise à appuyer l’ensemble des membres du réseau. J’ai participé et appuyé les efforts vers l’ouverture des données aux utilisateurs (open data). J’ai contribué à attirer des projets de recherche innovants en sociologie et en démographie (RESO, MADAS, DEMOSTAF) et des projets de recherche en environnement (ESCAPE, CERAO, ACASIS). J’ai aussi participé à la formation de jeunes statisticiens, démographes, économistes ou sociologues en ouvrant le terrain aux étudiants et doctorants (j’ai participé à l’encadrement de 4 thèses et près de 20 ingénieurs et masters).Les perspectives que j’envisage aujourd’hui visent à resserrer mes efforts autour du champ de l’enfance. Il s’agira de procéder à des améliorations de la collecte pour une meilleure adéquation aux problématiques de l’enfance. Il s’agira aussi de développer et de tester des méthodes de collecte qui auront une application directe sur les systèmes de collecte nationaux (enquêtes nationales, recensement), pour répondre aux besoins de données quantitatives sur l’enfance. Enfin, il s’agira de diffuser ces orientations dans le réseau Indepth et de dynamiser le champ de l’enfance dans les Observatoires au-delà du Sénégal.La question traitée par cette HDR était de savoir si les Observatoires de Population avaient un apport spécifique à la connaissance des sociétés au Sud. Il est clair que la réponse est oui, et cela à deux titres : d’une part par les apports directs de la production d’indicateurs suivis dans les différents domaines (même si cela est encore largement perfectible) ; d’autre part, par des apports indirects : développement de méthodes qui permettent l’amélioration des outils de production de données et d’indicateurs à l’échelle nationale ; développement de projets de recherche qui produisent des connaissances et des résultats applicables pour le développement.