Depuis quelques décennies, les maladies vectorielles, maladies transmises par des arthropodes hématophages, sont en émergence ou en réémergence à travers le monde. La gestion des maladies vectorielles repose principalement sur la réduction des contacts entre l’homme et le vecteur, ce qui nécessite de connaître la distribution spatio-temporelle des populations de vecteurs infectés. Dans un contexte d’émergence, l’estimation du risque entomologique , représenté par la distribution des populations de vecteurs en quête d’un hôte, est souvent la seule manière d’estimer le risque pour l’homme dans la mesure où la circulation de l’agent pathogène et la détection des cas humains sont encore faibles. En s’appuyant sur l’émergence de la maladie de Lyme et du virus du Nil occidental (VNO) au Québec, ce travail de recherche avait pour objectif de comprendre la représentativité du risque entomologique, estimé par la surveillance ou la modélisation, par rapport à la distribution réelle des vecteurs et par rapport au risque pour l’homme, en fonction de l’écologie des vecteurs d’intérêt dans un contexte d’émergence. Dans un premier temps, nous avons étudié la distribution spatio-temporelle du risque entomologique estimé par la surveillance entomologique de la maladie de Lyme. La première étude a montré une importante progression des populations de tiques, en termes de présence et d’abondance, entre 2007 et 2014 dans le sud du Québec. Ces résultats sont en faveur d’une surveillance à long terme pour réévaluer régulièrement le risque entomologique et identifier les nouvelles zones à risque. La deuxième étude s’est intéressée à la distribution locale des populations de tiques à différentes échelles spatiales. L’hétérogénéité de la distribution mise en évidence à chaque échelle, en lien avec l’écologie des tiques, implique une variation locale du risque. Ce résultat incite à la réflexion sur l’utilisation et l’interprétation du risque entomologique, notamment dans les zones où la présence de tiques n’a pas pu être confirmée par la surveillance, et sur le choix de l’échelle géographique utilisée pour présenter ce risque. La compréhension de la variation spatiale du risque à une fine échelle peut être un atout pour les communautés locales, les gestionnaires de parcs ou les citoyens, pour interpréter correctement les informations véhiculées à une plus large échelle par les autorités de santé publique et adapter leur comportement à la situation locale. La troisième étude s’est intéressée à la relation entre le risque entomologique et le risque pour l’homme estimé par le nombre de cas humains. Nos résultats suggèrent que le risque entomologique peut être un bon estimateur du risque pour l’homme en fonction de l’indicateur choisi. Dans notre étude, la surveillance entomologique passive est un meilleur prédicteur du nombre de cas humains dans une municipalité que la surveillance entomologique active. Nous avons ainsi pu développer un indicateur, le nombre de personnes ayant soumis une tique en surveillance passive, pour discriminer les municipalités ayant déclaré au moins trois cas humains. Cet indicateur a été inclus dans la définition des niveaux de risque au Québec en 2017. Mais la relation entre le risque entomologique et le risque pour l’homme comporte des biais, notamment en raison de l’hétérogénéité spatio-temporelle des populations de vecteurs, de la mobilité des vecteurs, de la distribution de la population humaine et du comportement humain. Dans un deuxième temps, nous avons exploré la représentativité du risque entomologique estimé à partir de la modélisation des populations de vecteurs, en s’appuyant sur l’exemple du VNO. Nos modèles donnent une estimation de l’abondance quotidienne de Culex pipiens-restuans et Aedes vexans au cours de l’été en fonction des conditions météorologiques, ce qui permet de prévoir les périodes les plus à risque de transmission, lorsque la densité de vecteurs est élevée. Cependant, des facteurs environnementaux, tels que le type d’habitat ou l’utilisation de traitements larvicides, apportent des variations locales de l’abondance des populations de vecteurs. Ces facteurs peuvent néanmoins être pris en compte dans les modèles pour ajuster la valeur moyenne estimée à partir de la température et des précipitations. Cette étude a également souligné l’importance de l’écologie des vecteurs qui nécessite d’adapter les modèles à chaque espèce de vecteur étudiée. Ce travail de thèse a permis de s’interroger sur l’effet de l’écologie des vecteurs et du contexte d’émergence sur l’interprétation et l’utilisation du risque entomologique. Ceci apportera aux différents acteurs en santé publique des connaissances pour optimiser l’utilisation des outils à leur disposition pour la gestion des maladies vectorielles émergentes., In recent decades, vector-borne diseases, diseases transmitted by bloodsucking arthropods, have been emerging or re-emerging around the world. The management of vector-borne diseases is mainly based on the reduction of contacts between the human and the vector, which requires knowledge of the spatiotemporal distribution of vector populations, i.e. the entomological risk. For emerging vector-borne diseases, the estimation of the entomological risk may be the only way to estimate the risk to humans since the circulation of the pathogen and the detection of human cases may be weak. Based on the emergence of Lyme disease and West Nile Virus (WNV) in Québec, the aim of this research was to understand the representativeness of the entomological risk, estimated by surveillance or modeling, in relation to the vector distribution and the risk to humans, according to the ecology of the vectors of interest and in a context of emergence. In the first part of the thesis, I explored the spatial and temporal distribution of entomological risk of Lyme disease as measured by entomological surveillance of its tick vector. The first study showed a significant increase in tick populations in terms of presence and abundance between 2007 and 2014 in southern Québec. These results support long-term monitoring to regularly reassess entomological risk and identify new risk areas. The second study looked at the spatial distribution of tick populations at different spatial scales. The spatial heterogeneity highlighted at each scale implies a local spatial variation of the risk associated with the ecology of ticks. This result asks question about the use and interpretation of information on entomological risk, particularly in areas where the presence of ticks could not be confirmed by surveillance; and about the representation of the risk and the choice of the geographic scale used. Understanding spatial variation in risk can be an asset for local communities, park managers or citizens by allowing interpretation of the information provided on a wider scale by public health authorities and adaptation to the local situation. The third study looked at the relationship between the measured entomological risk and the risk to humans estimated by the number of human cases. Our results suggest that the quality of the estimate of the risk to humans based on the entomological risk depends on the chosen entomological indicator. In our study, passive entomological surveillance was a better predictor of the number of human cases in a municipality than active entomological surveillance. We were thus able to develop an indicator, the number of people who submitted a tick in passive surveillance, to discriminate municipalities with at least three reported human cases. This indicator was included in the official definition of risk levels in Québec in 2017. Despite the success of this indicator, the relationship between entomological risk and risk to humans remains biased because of the spatial and temporal heterogeneity of vector populations, the mobility of vectors, the distribution of the human population and human behavior. In the second part of the thesis, I examined the representativeness of the entomological risk estimated from the modeling of vector populations, using the example of WNV. The resulting models provide a daily estimate of the abundance of Culex pipiens-restuans and Aedes vexans during the summer depending on weather conditions, which made it possible to predict the periods of highest WNV transmission risk due to higher vector density. However, environmental factors, such as the habitat, as well as the use of larvicide treatments, drive local variation in vector population abundance. These factors may nevertheless be taken into account in models to adjust the estimated mean value. This study also highlighted the importance of vector ecology which requires adaptation of the models to each vector species of interest. This thesis has questioned the effect of vector ecology and emergent context on the interpretation and the use of entomological risk. This will provide knowledge to the various actors in public health to optimize the use of the tools at their disposal for the management of emerging vector-borne diseases.