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L’historiographie hambourgeoise consacrée au XVIIe siècle a largement fait le constat du cosmopolitisme de la place, et souvent l’a fait pour le célébrer. Cette production a largement été marquée par l’évolution générale des orientations de l’histoire économique, mais aussi, dans une ville qui aujourd’hui encore est une ville-état, par le poids des déterminants locaux. En cela, elle est particulièrement représentative de la coloration particulière de l’historiographie allemande en matière d’h...

Le « Mansa », roi des rois « Ne faites jamais de tort aux étrangers. »Charte de Kurukan Fuga, Mali, 1236. La place des étrangers dans la société est un sujet de discussion récurrent, quels que soient le siècle ou le pays concernés. Aujourd’hui plus que jamais, c’est une question d’actualité. Il ne se passe pas de jour sans que nous n’ayons de nouvelles informations, de nouveaux débats sur la situation des sans papiers, des réfugiés, des travailleurs clandestins. Enjeu politique, social, écono...

« Quelle étrangeté d’enclore l’idée d’empire universel dans un nom de ville »J. Gracq. Parler de l’étranger à Rome au Haut-Empire est une entreprise délicate voire dangereuse. Les sources susceptibles d’être exploitées sont peu nombreuses et d’interprétation problématique. Le monde romain n’a ni mot ni concept qui corresponde à notre substantif « étranger ». Même si l’empire constitue la première expérimentation historique de l’État moderne, il ignore les notions d’état, de nation et d’identi...

Elaine Feinstein est née à Bootle et a grandi à Leicester. Après des études à Cambridge (Newnham College), elle a travaillé pour les presses universitaires avant d’enseigner la littérature à l’université d’Essex. Elle a écrit plusieurs romans dont The Survivors en 1982, objet de la présente étude. Elle a aussi écrit des nouvelles et fait publier plusieurs volumes de poésie. Dans The Survivors, elle décrit, entre autres, avec justesse, sensibilité et émotion, les conditions de vie de la commun...

Les XIXe et XXe arrondissements parisiens partagent une identité marquée par une forte proportion de populations étrangères, une tradition d’accueil très ancrée et un réseau associatif important. Une autre particularité est leur attitude pionnière en matière de démocratie locale : différentes instances participatives ont ainsi été mises en place dès 1996. Notre objet porte sur l’une de ces expériences de participation, celle qui a rassemblé des étrangers non communautaires vivant dans ces deu...

Le texte de Neithard Bulst sur « le statut juridique des étrangers dans les villes allemandes du Moyen âge », et d’autres encore dans ce volume, montrent bien la complexité et la différenciation subtile des gens dits « étrangers » dans le monde urbain caractérisé par une xénophobie latente. La ville – européenne – est à la fois « une machine d’inclusion et de synchronisation » et un lieu privilégié de la production d’une différenciation sociale riche et subtile. « Étrangers », cela peut être ...

Un débat agite la société ivoirienne depuis la crise la crise politique des années 1980 et ses avatars, dont la guerre : le poids des étrangers dans la société ivoirienne. Dans les débats, aucune précaution méthodologique n’est observée dans l’énumération des chiffres ; l’antienne insiste sur le quart de la population qui serait d’origine étrangère, faisant de la Côte d’Ivoire un des pays ayant le plus d’étrangers au monde. Les tenants de ce discours oublient volontairement de préciser que le...

Depuis le début du XXe siècle, les eugénistes ont caractérisé les étrangers, les vagabonds et les populations migratoires comme gens de peu d’hygiène et de faible intelligence. Selon eux, ces tares soi-disant biologiques présentaient une menace pour l’état et la nation. Le vagabondage était lié à la criminalité, à l’alcoolisme et à la maladie mentale. Les migrants apportaient des maladies infectieuses chroniques, et grevaient lourdement à long terme les budgets sociaux. Les eugénistes exigeai...

Au regard de l’ampleur du thème proposé à notre réflexion, étrangers et cosmopolitisme, le sujet abordé ici peut sembler exigu ou marginal : les juifs de signal à Lisbonne au XVIIIe siècle, à savoir les juifs qui reçoivent un permis de séjour à Lisbonne pour leurs affaires de commerce, permis strictement limité dans le temps, et séjour strictement encadré et surveillé par l’Inquisition. Le terme même de juifs de signal est un lusisme forgé pour l’occasion : au Moyen Âge il désigne les juifs p...

Les monographies dédiées à des bibliothèques privées pour l’époque moderne jusqu’au début du XVIIe siècle sont peu fréquentes : édition de l’inventaire qui en est fait, à l’occasion d’une vente et plus généralement d’un décès, et plus encore analyse des enseignements dans le cadre d’une monographie. Les synthèses demeurent souvent le mode d’approche privilégié par les chercheurs qui doivent, de ce point de vue, offrir des cadres de référence plus larges qui manquaient jusqu’à ce que l’histoir...

Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur (1558-1602), doit l’essentiel de sa – relative – notoriété historique au fait d’avoir été le dernier des Grands ligueurs à s’opposer à Henri IV. Sa longue résistance en Bretagne explique pourquoi c’est à Nantes qu’a été signé par le roi, sans doute le 30 avril 1598, l’édit « en faveur de ceux de la religion prétendue réformée ». L’action de Mercœur en Bretagne au cours de la Ligue se situe donc dans un contexte très spécifique, celui d’un gouverne...

Jean de Boyssières encore ! Je suis un peu gêné de revenir une nouvelle fois sur ce poète mineur du XVIe siècle, auquel j’ai déjà consacré trois études. Mais la faute en incombe à Bruno Méniel, le co-organisateur de nos journées d’études rennaises, qui m’a lui-même soufflé le sujet de cette communication. Petit rappel d’histoire littéraire : Boyssières est ce poète auvergnat, né à Montferrand en 1555, qui fait paraître coup sur coup en 1578-1579 ses Premieres œuvres amoureuses, ses Secondes œ...

Deux écrivains gravitant autour du duc de Mercœur ont composé de longs poèmes qui placent en leur centre la violence guerrière : d’une part, Michel de La Vallée du Maine, qui publie une exhortation au combat, La Trompette du Catholique (1589), et un récit des exploits militaires du duc de Mayenne et du duc de Mercœur, Triplimachie ou triple combat de l’union (1589) ; d’autre part, Nicolas de Montreux, qui raconte en vers des événements récents, La Miraculeuse Délivrance de Monseigneur le Duc ...

Les entrées du duc de Mercœur dans les cités bretonnes évoquent d’emblée l’idée d’une représentation théâtrale. La mise en scène qui les entoure, comparable à bien des égards à celle des entrées royales, peut ainsi être décrite comme un « gigantesque spectacle, amalgamant différents éléments, à la fois juridiques, économiques, esthétiques, politiques et religieux ». Ces réceptions frappent l’imagination moderne par les débordements de somptuosité qui les caractérisent. Certains historiens ne ...

« Une histoire sans l’imaginaire, c’est une histoire mutilée, désincarnée. »Jacques LeGoff, L’Imaginaire médiéval,Paris, Gallimard, 1985, p. VIII. Dans un curieux et fantaisiste mélodrame de la Restauration, développant une intrigue amoureuse et héroïque somme toute médiocre, et rempli d’erreurs historiques grossières, un vieux ligueur breton s’écrie solennellement : « Nous, enfants de l’Armorique, nous allons proclamer notre indépendance et choisir pour duc M. de Mercœur. Il est issu d’une r...

1553. Naissance de Louise de Vaudémont, premier enfant de Nicolas, comte de Vaudémont, et de Marguerite d’Egmont. 1558. Naissance de Philippe-Emmanuel de Lorraine, fils de Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont et de sa seconde femme, Jeanne de Savoie-Nemours. 1569. Le comte de Vaudémont bénéficie de l’érection de terres qu’il possède dans le centre de la France en duché de Mercœur. 1572. Saint-Barthélemy. 1574. Mort de Charles IX. Avènement d’Henri III. 1575. Mariage de la demi-sœur de Char...

Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, fut l’un des principaux acteurs de la dernière phase des guerres de Religion. Il s’engagea dans la Ligue et s’associa à ses cousins, les Guise, alors qu’il devait à Henri III l’ensemble de ses charges et de ses dignités. Il offre par ailleurs l’exemple original d’un homme de guerre dont la destinée fut en partie orientée par des femmes : d’abord sa demi-sœur, la reine Louise, puis son épouse, Marie de Luxembourg-Penthièvre. En confiant à Mercœur ...

Ce volume propose une enquête sur la fonction de la culture littéraire dans les pratiques et dans la représentation d’un grand seigneur à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècles. Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, a été le beau-frère d’Henri III, mais il rejoint la Ligue dans la dernière phase des guerres de religion : dans sa province bretonne, il mène le combat contre les armées royales, et il sera le dernier des ligueurs à se rallier à Henri IV. C’est en partie pour occulter ce passé de rebelle qu’après sa mort, survenue quelques années plus tard, ses thuriféraires élaborent le portrait d’un gentilhomme cultivé, possesseur d’une énorme bibliothèque et protecteur des lettrés. Il s’agit toutefois de faire la part de l’idéalisation dans cette construction rétrospective, et d’interroger la place effective qu’ont occupée les lettres dans cette vie largement consacrée aux armes. Cet ouvrage réunit des contributions d’historiens et de littéraires, qui analysent d’abord la carrière, les ambitions et les moyens politiques et militaires du duc, puis la réalité de la protection qu’il a accordée aux lettrés, la représentation de Mercœur que les écrivains qu’il a protégés ont élaborée au cours de son existence et les idéaux qu’ils ont associés à sa cause ; enfin le contenu de la bibliothèque ducale à partir d’un inventaire après décès.

James B. Wood remarquait, il y a quelques années, que l’aspect militaire des guerres civiles avait longtemps été ignoré. De son côté, Jean-Marie Constant a écrit que « la connaissance des structures de comportement, des influences culturelles, des choix religieux ou philosophiques, des engagements militaires, s’[avérait] nécessaire si on [voulait] tenter une approche nouvelle de l’histoire politique ». De fait, à travers une démarche sociopolitique et anthropologique, les historiens s’attache...

L’ouvrage de Pierre Biré sur les Alliances généalogiques de la maison de Lorraine est le dernier d’une longue série publiée au cours du XVIe siècle, dans laquelle la dimension apologétique de plus en plus marquée empêche de mesurer les progrès effectués au cours de cette période par la science historique. Même si les auteurs condamnent la naïveté de leurs prédécesseurs ou regrettent leur errance, la plupart échafaudent leur discours sur le principe d’une origine fabuleuse des monarchies occid...

One of the greatest aesthetic attractions in the post-classical world was pantomime dancing, a ballet-style form of stage entertainment predicated on the human body’s silent delineation of action, character and passion. It featured a masked, (usually) male dancing soloist, who impersonated in close succession a series of mythical characters (both male and female) to the accompaniment of instrumental music and verbal narrative – partly recited and partly sung by a chorus. What set pantomime ap...

Dans l’Antiquité, comme en d’autres temps, les fêtes sont l’occasion de manifestations variées qui tranchent sur l’ordre commun de la vie quotidienne. Ces excès, autorisés par la licence festive, comprennent en particulier des moqueries en tout genre et un érotisme affiché qui se distingue de la décence que la plupart des cultures, malgré leur diversité, recommandent dans la vie publique. Cet érotisme festif se traduit d’ordinaire par des propos obscènes et par des exhibitions de représentati...

Le corps théâtral Le corps théâtral occupe une place centrale dans les premiers textes théoriques du monde antique, en particulier dans la Poétique d’Aristote. Cette présence, nécessaire, fait d’abord du théâtre un art visuel puis un art de la parole, même si la parole (récitée ou chantée) est le code de communication principal du théâtre institutionnel. Elle construit même, comme nous le verrons, le corps du personnage, en lui attribuant les fonctions symboliques et métaphoriques les plus di...

Les études sur le personnage de César dans le poème de Lucain se sont concentrées jusqu’à présent soit sur l’expression littéraire du personnage, à travers les descriptions, les images et les comparaisons dont il fait l’objet, soit sur la signification politique que Lucain donne de son action, à travers les jugements historiques qu’induisent ses comportements et ses discours dans l’œuvre. Peu de choses à glaner, dans ces recherches, sur la représentation physique et sur l’actio du personnage,...

Certaines pages du corpus galénique prennent les sportifs comme objet de description visuelle, produisant ainsi des images du corps athlétique. Or Galien fait de ces images un usage varié, que la présente étude se propose d’analyser. Le corpus galénique semble montrer que le médecin de Pergame s’intéressait assez peu au spectacle des compétitions sportives, qui avaient lieu dans les stades. De fait, les images que Galien donne du corps athlétique sont essentiellement empruntées au monde du gy...

Sous la dir. de M-H Garelli et V. Visa; International audience; Les allusions à la danse sont rares dans les textes médiévaux, et les pièces musicales explicitement destinées à la danse encore plus. Pourtant, la danse fait partie intégrante de la société médiévale, chez les laïques comme au sein du clergé. Sa sous-représentation dans les manuscrits conservés est peut-être liée, du moins partiellement, à l'anathème que ne cessera de lui jeter l'Eglise. Ce qui est en jeu dans les nombreux textes la fustigeant, c'est le rapport au corps, un corps souvent considéré comme impur, donc indigne de Dieu. Pourtant, au-delà de cette condamnation, l'Eglise a parfois cherché à intégrer à ses propres manifestations la « part du corps » autorisé par la danse. L'enjeu est de taille : il s'agit de ramener dans la sphère du spirituel une pratique associée à d'anciens rites païens, de la contenir et de l'assagir. Exemple symptomatique du phénomène d'attraction-répulsion exercé par la danse - et donc le corps - sur les autorités ecclésiastiques, la carole tient une place à part dans cette pratique. Présente sous ses deux formes, profane et religieuse, elle transcende en effet la rupture entre le corps et l'esprit par leu réunification en un même mouvement circulaire qui rapproche l'homme, selon la tradition boécienne, de l'harmonie cosmique.

L’orateur latin met entièrement en jeu son corps dans la cause qu’il soutient. Les Romains savent bien, en effet, que le succès au forum n’est pas dû seulement à l’art de la parole et aux arguments de la raison, soutenus par les mots appropriés, mais aussi au pouvoir de persuasion dû à l’expression et aux mouvements du corps de l’orateur. Celui-ci doit appuyer son discours, c’est-à-dire démontrer la vérité de ce qu’il affirme, en participant physiquement aux émotions dont il est question ; au...

« L’intention de cet homme singulier » écrit Vasari à propos de Michel-Ange « était tout entière dans la peinture d’une composition parfaite et excellemment proportionnée du corps humain dans ses diverses attitudes, mais aussi en outre les affections des passions et le contentement de l’esprit, parties pour lesquelles il lui a suffi d’être supérieur à tous ses prédécesseurs. Il a montré le chemin de la grande manière, et des nus, et de tout ce qui relève de la difficulté du dessin. Bref, il a...

« Il s’entraînait avec tant de fougue, tant de résistance aux peines, qu’il était capable, même deux jours de suite, de rester les bras levés, sans que personne pût le voir se relâcher ou faire une pause, comme il arrive couramment. Avant cela, il forçait les adversaires à abandonner, non seulement avant d’avoir lui-même reçu un coup, mais même avant de leur en avoir donné ». Ainsi se trouve immortalisée par Dion de Pruse l’attitude singulière du pugiliste Mélancomas de Carie, saisi en une so...

Dans la tragédie et la comédie grecques, costume et masque dissimulaient l’acteur pour créer la fiction d’un personnage dont la cohérence d’ensemble reposait sur une interaction entre, d’une part, la représentation des traits fixes du personnage et, de l’autre, les nuances de comportement ou les changements d’apparence induits par le texte et portés par la gestuelle. F. Frontisi Ducroux distinguait, dans un article fondamental, le prosopon optique, que le spectateur voyait et qui ne variait p...

Corps-signe, corps-reflet, corps-éloquent : quelle que soit la culture qui les produit ou les manipule, les représentations du corps humain constituent une voie privilégiée d’étude des codes sociaux et des modes de pensée. Pour ce colloque international des 9, 10 et 11 octobre 2008, organisé à l’Université de Toulouse II-Le Mirail et consacré au « corps en jeu », c’est-à-dire au corps en représentation, au corps en scène, le CRATA a choisi d’élargir son champ d’investigation traditionnel, l’A...

παίδευμα δ’Ἔρως σοϕίας ἀρετῆς/πλεῖστον ὑπάρκειEuripides, Fr. 897. Quelques hymnes chantés sur la scène du théâtre athénien en l’honneur d’Éros et de sa puissance ont survécu au passage des siècles, à tel point qu’il est possible aujourd’hui encore d’en écouter les versions mises en musique par Mendelssohn ou par d’autres auteurs modernes ou contemporains. L’une d’entre elles, la version mendelssohnienne d’un célèbre chœur de Sophocle, nécessite la connaissance de la langue allemande pour être...

L’émergence du cinématographe, au tournant du XXe siècle, accompagne l’apparition d’un corps nouveau. Ce corps nouveau, dissocié du corps vécu, pris dans le mouvement des choses, saisi dans le mystère de sa photogénie ou reconstruit par le montage, privé de chair et de parole, bref de métaphysique, s’expose tout au long de la période muette du cinéma, hésitant au seuil d’une nouvelle figuration : entre abstraction et attraction, entre l’affirmation de la puissance mécanique du monde contempor...

Dans l’Antiquité, il existait une expression courante pour parler du milieu de la matinée. On évoquait souvent « l’heure où l’Agora est bondée ». C’est également l’Agora qu’on utilisait comme repère, à Athènes, pour mesurer les distances séparant la ville d’un autre lieu. Ce sont là des indices révélateurs du rôle central que joue l’Agora au sein de l’espace urbain. Ainsi que le résume J. Camp, elle apparaît, à bien des égards, comme « le cœur et l’âme » de la cité classique. Elle est en effe...

C’est un trait depuis longtemps mis en lumière dans le théâtre de Plaute que la tendance du dramaturge à rompre l’illusion dramatique. Il dispose pour ce faire de différentes stratégies, et l’une d’entre elles consiste en une comparaison avec la peinture (peinture de chevalet ou fresque). C’est à cette comparaison que nous nous intéresserons ici, parce qu’elle entraîne des répercussions sur la conception du corps du personnage. La référence à la peinture, en tant que forme d’illusion elle-mêm...

Pour introduire ces quelques réflexions sur la manière dont la tragédie et la comédie jouent avec le langage des costumes et des corps, je commencerai par une image qui invite à les confronter précisément sous ce rapport. Sur le « vase des Chorèges » (fig. 1), cratère apulien bien connu de la série des vases phlyaques, trois figures comiques – deux chorèges et un personnage nommé Pyrrhias – partagent la scène avec un quatrième personnage que son costume et son nom – il s’agit d’Égisthe – dési...

Il existe une relation ancienne entre le corps et la royauté, entre le corps et le pouvoir. Depuis toujours, le corps du roi n’est pas un corps comme tous les autres. C’est un corps à part qui possède une double nature : physique et symbolique. Le roi a un corps naturel et mortel, mais aussi un corps politique qui devient parfois métaphore du règne ou de l’État, métaphore du pouvoir. Il est possible de retrouver de nombreux récits autour de la figure de rois ou de tyrans et de leur corps. On ...

Des trois poètes tragiques dont nous sont parvenues les œuvres, Euripide apparaît comme celui qui a porté le plus d’attention au jeu des corps sur scène, multipliant et détaillant dans la parole poétique les indications relatives aux mouvements et aux gestes des personnages. Si tout au long de sa carrière il a principalement exploité l’énergie pathétique du corps, j’examinerai dans cette étude la façon dont il a pu expérimenter dans l’une de ses dernières pièces, les Bacchantes, d’autres effe...

Dans le Phédon, Socrate montre à ses amis une grande sérénité alors même qu’il va mourir. Cette tranquillité repose sur la croyance qu’il a de l’immortalité de l’âme qui lui permet de penser la mort autrement et d’en faire un autre usage. Il s’agit pour le philosophe tout au long de sa vie de mourir et d’être mort, c’est-à-dire de séparer le plus possible l’âme du corps. Comme telle la mort biologique ne fait que réaliser pleinement le travail de la philosophie pendant notre vie : faire que l...

L’Inde offre à ses chercheurs un traité, le Nāṭyaśāstra qui, aux environs du début de notre ère, normalise et codifie à l’extrême tous les domaines du théâtre : poétique, dramaturgie, architecture, scénographie, danse, musique, et surtout jeu de l’acteur, si absent des textes de l’Antiquité occidentale. Elle a également su maintenir des castes d’acteurs telle que celle des cākyār, au Kerala. Ces maîtres kūṭiyāṭṭam se sont transmis la pratique du théâtre ancien en sanscrit et ses quatre jeux c...

Même si le mot de « sport » n’est pas prononcé – il faut dire que les antiquisants s’en méfient et que les spécialistes du sport moderne et contemporain leur refusent souvent, pour de mauvaises raisons, le droit d’utiliser ce terme – le titre de ce colloque incite sans conteste à se pencher sur l’entraînement athlétique dans les palestres et les épreuves sportives dans les stades. Tentons donc quelques définitions et descriptions de ces corps jouant dans divers édifices à vocation sportive. L...

L’entreprise de synthèse d’un colloque consacré au corps antique envisagé dans sa dimension historique renvoie, inévitablement, aux difficultés liées à la fragmentation des approches et aux incertitudes de délimitation d’un domaine de recherches qui, de fait, embrasse des problématiques multiples. La nature de l’objet de recherches est, d’emblée, fuyante, comme cela a déjà été souligné. Dans l’introduction même de l’ouvrage Penser et représenter le corps dans l’Antiquité, F. Prost se demandai...

Nous possédons, à peu près complètes, trente et une pièces comiques de la Nouvelle Comédie attique et de la palliata romaine, cinq de Ménandre, vingt de plaute et six de térence. Dans la très grande majorité d’entre elles – seuls les Captifs, les ménechmes et le Trinummus de Plaute faisant exception –, l’intrigue repose sur les difficultés, pour un homme, généralement jeune, d’accès à une femme, à un corps de femme. Le γάμος, l’union charnelle, constitue la fin heureuse ou présentée comme tel...

Un corps en jeu est un corps qui tient un discours visuel et sonore, se présente et se représente en mobilisant toutes ses capacités motrices (gestuelle, regard, respiration, voix), un corps qui construit un langage où l'apparence, qu'il s'agisse d'un dévoilement ou d'un déguisement, dit, trahit, contredit une vérité humaine, sociale ou politique dans une société donnée. C'est un corps dont les modalités d'exposition s'inscrivent sur un fond de consensus culturel pour produire un sens nouveau, que seul le contexte de la représentation rend déchiffrable. L'objet du colloque international qui s'est tenu à l'université de Toulouse II en octobre 2008 était d'envisager, pour l'Antiquité, cette question, sous ses aspects les plus divers, parfois les plus contradictoires. Un corps en jeu dans l'Antiquité se donnait à voir dans un contexte particulier, qui pouvait être celui de la scène, du stade ou de la cité, dans le cadre de manifestations fondées sur une représentation de soi et des autres, toujours en « s'adressant à » un public. Il ne s'agissait donc pas, à travers les différentes interventions, de disséquer ou de décrypter le sens de gestes, de déguisements ou de postures, mais d'analyser finement la relation établie par le jeu du corps avec un public spectateur, auditeur, lecteur. Les liens complexes et variables qu'entretenaient en effet oralité et écrit (discours de l'orateur, texte des représentations) impliquaient que soient également pris en compte non seulement les documents iconographiques et historiques susceptibles d'éclairer la réflexion, mais aussi les textes, poétiques, rhétoriques, philosophiques proposant une interprétation imagée et toujours orientée, de corps en jeu.

Depuis le début des années 2000, le législateur s’est efforcé, parfois sous la pression de l’émotion de l’opinion publique manifestée à l’occasion de drames retentissants et relayée par les médias, de traiter la « problématique » posée par la récidive, qui pouvait alors apparaître comme un phénomène négligé par la Justice. Placé ainsi au cœur d’une politique pénale nationale également soucieuse de remédier à la surpopulation carcérale et à la situation parfois désastreuse des conditions de dé...

Pour le ministère public, la question de la récidive est centrale. La remise en perspective des textes applicables a déjà été effectuée, notamment par Jean-Pierre Allinne, et l’approche pluridisciplinaire a resitué dans le contexte socio-historique les choix juridiques successivement effectués. Mon propos va concerner essentiellement la conduite d’une politique publique en matière de lutte contre la récidive, à un moment de l’histoire de l’institution judiciaire où celle-ci est directement mi...

« Vous allez tourner en rond toute votre vie et ce sera dans une cellule. » La formule a été prononcée par une magistrate du Tribunal de grande instance de Lille au cours d’une audience correctionnelle. Une formule entre ironie à l’attention du public et désenchantement intime, une incise que l’on peut entendre avec variantes assez couramment dans ces prétoires où comparaissent de jeunes majeurs, souvent récidivistes, dans ces interminables audiences qui s’achèvent au crépuscule de journées s...

La récidive a joué au XIXe siècle auprès des hommes politiques et de l’opinion publique un rôle assez comparable à la violence moderne. Elle les conduit à s’interroger sur tous les aspects de la justice pénale (législation, système pénitentiaire, police…) et de la question sociale (misère, vagabondage…). La Troisième République va hériter d’un phénomène et d’une réflexion antérieurs, mais ceux-ci vont mettre à l’épreuve la République, philosophiquement, politiquement, idéologiquement Face à c...

Le législateur de ce début de XXIe siècle fait preuve d’une vitalité débordante en matière pénale ; un tel qualificatif ne se fait pas l’écho d’une appréciation admirative du travail parlementaire, mais correspond plutôt à l’expression d’une inquiétude face à la prolifération des textes de nature pénale. Depuis une décennie en effet, droit pénal de fond et droit pénal de forme n’en finissent pas d’être les terrains de prédilection du législateur, soucieux de garantir la sécurité des citoyens ...

Le professeur Machin, criminaliste de renom et personnage de fiction, est présenté en 1897 comme l’un des promoteurs de la Revue pénitentiaire. Il veut convaincre un ingénieur civil d’apporter son concours au nouveau périodique, promis à un bel avenir, même si, pour l’heure, seul le premier numéro, qui a été l’événement du mois, est disponible. Afin de persuader son interlocuteur d’apporter sa contribution, il lui dit, le flattant, que les idées qu’il vient d’exposer sont originales : « Cette...