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Tous les ans, le 10 août, au fond d’une vallée reculée des Alpes Grées italiennes, une foule dévote et joyeuse s’assemble en pleine montagne, à plus de 2 000 mètres d’altitude : c’est la fête de saint Besse, le protecteur de Cogne et du val Soana. Cette fête offre aux étrangers assez rares qui en sont les témoins un spectacle pittoresque et poétique. […] Mais ni la grandeur du décor ni le charme singulier de cette solennité ne peuvent faire oublier à l’historien des religions les problèmes qu...

La reconnaissance du premier sabbat par le pouvoir royal : une énigme historiographique En 1404, le souverain Dāwit modifie radicalement sa politique à l’égard des disciples d’Ēwosṭātēwos en tolérant l’observance stricte du sabbat au sein de leurs monastères. Cette décision met alors fin aux années de violentes persécutions menées conjointement avec le métropolite Bartalomēwos. Ce changement soudain de politique vis-à-vis des eustathéens, les ennemis d’hier, paraît très surprenant. La décisio...

À partir des années 1420, de nombreux faits attestent une reconfiguration profonde de la controverse sur le sabbat à plusieurs échelles. En 1424, le grand ecclésiastique de cour Giyorgis de Saglā achève le Maṣḥafa Mesṭir (Livre du mystère), une somme théologique considérable, qui contient un plaidoyer vigoureux pour l’observance du premier sabbat, sans que ce lettré entretienne le moindre lien avec les milieux eustathéens. En 1441, lors du concile de Florence, le respect du premier sabbat con...

Comment écrire l’histoire de la persécution des eustathéens ? Ils [ses disciples] soutinrent les vues d’Ēwosṭātēwos sur le sabbat et furent excommuniés. On les traitait comme des juifs et on ne les laissait pas entrer dans les églises. Le parti hostile au sabbat était celui de l’évêque représentant du patriarcat d’Alexandrie. Il avait l’appui du roi et des autres moines. […] Les eustathéens se renforcèrent jusqu’à dominer toute l’Érythrée. Le roi Dāwit (David, 1382-1413) essaya la force pour ...

Comment en outre le chercheur pourrait-il oublier, quand il se fait conteur, qu’il est aussi un savant en quête du soubassement intellectuel des mythes et que, dans son récit, il injectera celles des significations dont ses études antérieures lui ont fait mesurer le poids ? Je n’ignorais ni ces obstacles ni ces dangers. Pourtant, j’ai sauté le pas. J’ai essayé de raconter comme si la tradition pouvait se perpétuer encore.Jean-Pierre Vernant, L’Univers, les Dieux, les Hommes. Récits grecs des ...

Prélude : le paradoxe eustathéen Les opposants d’Ēwosṭātēwos parmi le clergé local persécutèrent activement ses disciples et les expulsèrent des régions habitées. Les difficultés auxquelles ils furent confrontés dans ces premiers temps ressortent clairement à travers leurs traditions […]. Il est clair que dans leur recherche de lieux appropriés, ils furent forcés de se replier dans les régions frontalières. Cela semble avoir déterminé la localisation des premières communautés les plus importa...

Ēwosṭātēwos (Eustathe sous forme francisée) fut à l’origine de la fondation de plusieurs monastères dans le premier tiers du xive siècle au nord du royaume chrétien d’Éthiopie. Outre le plaidoyer pour l’indépendance des moines à l’égard des laïcs, Ēwosṭātēwos prônait la stricte observance des deux sabbats, samedi et dimanche, une doctrine jugée hérétique par le souverain et le métropolite égyptien, qui dirigeait l’Église éthiopienne. Les disciples d’Ēwosṭātēwos, les eustathéens, furent mis alors au ban de la société chrétienne dès la seconde moitié du XIVe siècle. Malgré les persécutions, les eustathéens multiplièrent les fondations au nord du royaume, contribuant à la diffusion de leurs idées et fragilisant l’unité de l’Église éthiopienne. Au milieu du XVe siècle, à la faveur du succès rencontré par le respect des deux sabbats, les eustathéens parvinrent à faire triompher leurs positions auprès du roi Zarʾa Yāʿeqob, et devinrent dès lors les précieux alliés du pouvoir royal. Comment expliquer la trajectoire étonnante du mouvement fondé par Ēwosṭātēwos? Cet ouvrage cherche à la fois à comprendre l’expansion paradoxale des premières communautés eustathéennes et les significations de l’hétérodoxie dans la société de l’Éthiopie médiévale. En s’appuyant sur l’analyse des récits des origines et des archives croisée à des enquêtes de terrain, cette enquête démontre que les eustathéens ont su mobiliser de multiples stratégies pour s’implanter au nord du royaume. Ce livre s’attache à montrer comment ces moines ont fait de l’écrit un puissant instrument d’affirmation et de défense face aux différents pouvoirs.

Prélude : un maître et ses disciples ወእምዝ፡ገብአ፡ሕሊናሁ፡ለቅዱ*ስ፡ወርእዮሙ፡ወነጸሮሙ፡ለውእቶሙ፡ሕፃናት፡እምርኁቅ፡እንዘ፡ይርእዩ፡እንስሳ፡እስመ፡በፈቃደ፡እግዚአብሔር፡መጽኡ፡ይርአዮሙ።ወይቤሎሙ፡ቅዱስ፡ለአርዳኢሁ፡ሐሩ፡ጸውዕዎሙ፡ለእሉ፡ሕፃናት፡እስመ፡እግዚእየ፡አዘዘኒ፡ከመ፡አስምዖሙ፡ቃሎ።ወሖሩ፡ወእቶሙ፡አርድእት፡ኀበ፡ውእቶሙ፡ደቂቅ።ወይቤልዎሙ፡አባ፡ኤዎስጣቴዎስ፡ይጼው*ዓክሙ፡ንዑአ። Lorsque le saint retrouva ses esprits, il vit et observa les enfants de loin, qui regardaient le bétail. En effet, conformément à la volonté divine, ils étaient venus afin qu’il [Ēwosṭātēwos] les voie. Le saint dit à des disciples : « Allez appeler c...

ወእምዝ፡ዘንተ፡ምሂሮ፡ወአለቢዎ፡ለአርደኢሁ፡ቅዱስ፡ኤዎስጣቴዎስ፡በጽሐ፡ሀገረ፡እስክንድርያ፡ወበጽሐ፡ኀበ፡መቃብር፡ማርቆስ፡ወተበረከ።ወእም{ዝ}፡ሖረ፡ኀበ፡ሊቀ፡ጳጳጰሳት፡አባ፡ብንያሚ፡ወምስሌሁ፡፲ወ፭መነኮሳት፡ወሰገዱ፡ሎቱ፡ወተአም*ሕዎ፡ለአባ፡ብንያሚ።ወአስተዋደይዎ፡መነኮሳት፡ኢትዮጵያ፡ለአባ፡ኤዎስጣቴዎስ፡ኀበ፡ሊቀ፡ጳጳሳት።ወይቤሎ፡አባ፡ኤዎስጣቴዎስ፡አባ፡አኅብረኒ፡በመጸሕፍት።በነገረ፡ነቢያት፡ወሐዋርያት፡እስመ፡ይቤሉ፡ሐዋርያት፡እመቦ፡ዘተግሕሰ፡እምቀኖናሃ፡ለቤተ፡ክርስቲያን።ለያተክሎ፡እፍአ፡ዲያቆን፡ከመ፡ርኢዮሙ፡ከልአን፡ይፍርሁ።ወያነክር፡ሊቀ፡ጳጳሳት፡ሠእሰኤ፡ከናፍሪሁ፡ወጣዕመ፡ነገሩ።*ወካዕበ፡ይቤሎ፡በእንተ፡ሰንበት፡እለ፡ተጽሕፈ፡በአፃብዒሁ፡ለእግዚአብሔር፡፲፡ቃለተ፡ጽድቅ።በእደዊሁ፡ቅዱሰት፡ይቤ፡ተዘከር፡ዕለተ፡ሰንበት፡አጽድቆታ።ካዕበ፡ይቤ፡ዘኢዮቤለት፡በቲ፡አሰንበትነ፡በሰማያት፡ዘአበለ፡ይትአር፡ለኵሉ፡ዘሥጋ።ወኵሉ፡ሰብእ፡ዘየዓ...

Écoutez, donc, mes pères et mes frères ! Au commencement (qadimusa), était notre père (abuna) Ēwesṭātēwos, vivant dans le pays d’Éthiopie avec une piété ardente (ba-śenāy ʾamleku). Il prit ensuite le chemin de Jérusalem. Après être arrivé là, il retrouva ses fils dans la demeure qu’il possédait autrefois. Il reçut la révélation des choses passées et de celles à venir. Sa connaissance des mystères était telle que de nombreux prêtres et moines le jalousèrent et complotèrent pour le lapider, à l...

Prélude : à la recherche de Dabra Šemānā Le 19 mai 2013, accompagnée de mon guide Nebiyat Takele, j’arpentai le sud-est du Tegrāy à la recherche de Dabra Šemānā. Cette expédition était le résultat de près de deux années de recherches qui me faisaient sans cesse osciller entre témoignages écrits et terrain. Depuis le début de ma thèse j’avais l’intention de localiser ce monastère que je croisais sans cesse à travers mes lectures, mais qui demeurait mal connu. Je disposais jusqu’alors d’informa...

Ces traditions sur ce qu’on appelle les lieux saints, comment se sont-elles formées ? Quelle en est l’origine ? Là-dessus, il est loisible de faire des hypothèses, qui peuvent nous mener assez loin, nous faire remonter assez haut, et qui, d’ailleurs, ne sont pas toutes entièrement dénuées de vraisemblance. L’essentiel est que ces traditions existent, au moment où nous les atteignons. Nous ne cherchons pas ce qu’il y a derrière elles, et si elles sont authentiques. Mais nous les étudions elles...

From the end of the 15th century, the church of Santo Stefano dei Mori hosted Ethiopianpilgrims during their stay in Rome. Santo Stefano dei Mori or degli Abissini, sometimescalled Qeddus Esṭifānos in Ethiopian documents, had various functions. It wasboth a hospice, which provided room and board for visiting Ethiopian pilgrims, anda place of worship. Much attention has been given to this particular institution sincethe early studies of Marius Chaîne, Sylvain Grébautand Mauro da Leonessa. Scholarshave underlined how papal hospitality was deeply rooted in military projects: Ethiopianswere regarded as Prester John’s subjects and precious allies in the Crusade againstthe Ottoman Sultanate. Nevertheless, Santo Stefano dei Mori progressively became asite of encounter between Europe and Ethiopia. European humanists met Ethiopianlearned monks, who taught their language and transmitted their manuscript culture.Surprisingly, the fact that Ethiopians belonged to a non- Chalcedonian Church neveraroused Catholic antagonism in the 16thcentury. On the contrary, erudite pilgrims likeTasfa Ṣeyon were extremely well inserted in Roman intellectual networks. The Ethiopiancommunity in Rome therefore had an ambiguous but privileged status. Their position,at the fringe of confessional identities, raises several questions: how did the Ethiopiansexplain the organization of their Church and describe their religious dogmasto Roman Catholics? How did they live their faith as pilgrims outside their country? Towhat extent were the pontifical circles able to grasp the specificities of the Ethiopianfaith? This essay approaches an answer these questions through an in- depth analysisof Santo Stefano dei Mori’s ‘archives’, preserved in the form of Ethiopian manuscriptsand papal documents. This study will enable us to consider Ethiopian pilgrims of EarlyModern Europe as actors of the religious diversity in Rome.

Si le passé de l’Éthiopie chrétienne, après le déclin du puissant royaume d’Aksum au viie siècle et l’avènement de la dynastie dite salomonienne à la fin du xiiie siècle, a longtemps été entouré d’un épais mystère, au point d’être qualifié d’« âge obscur », l’ouvrage de Marie-Laure Derat le met remarquablement en lumière. Directrice de recherche au CNRS, historienne spécialiste des textes et archéologue, Marie-Laure Derat renouvelle considérablement l’histoire des rois zāgwēs, qui régnèrent d...

À la fin du XVe siècle, l’église de Santo Stefano Maggiore, située derrière la basilique Saint- Pierre, accueille les pèlerins éthiopiens durant leur séjour à Rome. Tout au long du XVIe siècle, ce lieu, administré par le Saint-Siège, appelé Santo Stefano dei Mori, degli Abissini, ou Qeddus Esṭifānos, formait un établissement aux fonctions multiples, à la fois lieu de culte, centre d’études, hospice, offrant le gîte et la table aux pèlerins éthiopiens de passage. Cet article souhaite revenir à la fois sur les conditions d’émergence de ce lieu d’accueil et sur les modalités de contrôle des pèlerins par les autorités pontificales et le clergé éthiopien. Ce travail s’appuie sur une analyse croisée des archives rédigées en guèze, la langue érudite de l’Éthiopie, et des documents émanant de la Curie. From the 15th century, the church of Santo Stefano dei Mori church, which is located behind St. Peter’s basilica, hosted Ethiopian pilgrims during their stay in Rome. Santo Stefano dei Mori or degli Abissini, or even called Qeddus Esṭifānos in Ethiopian documents, had various functions and was administered by the Curia: it was both a center of study and a hospice, which provided room and board for visiting Ethiopian pilgrims. This article aims at both clarifying the emergence of this institution and the ways in which the pilgrims were supervised. This work focuses on an in-depth analysis of Ethiopian archives and Latin documents.

International audience

International audience; Écriture hagiographique et commémoration des saints dans les monastères eustathéens 321 15 Écriture hagiographique et commémoration des saints dans les monastères eustathéens du nord de l'Éthiopie (XV e siècle).