SRJ 2019 Q1; Contexte La multiplicité actuelle des méthodes de recherche dans le champ de la clinique référée à la psychanalyse court le risque d’un positionnement qui prône la superposition des modèles en abolissant les antagonismes pour mieux valoriser les complémentarités, donnant parfois l’illusion d’une profusion méthodologique dépliant le champ des possibles. Objectif Cet article se propose de revenir sur les soubassements épistémologiques de ces modèles qui remet invariablement sur le chantier l’adéquation des critères de scientificité retenus, dans le but de se déprendre d’un rabattement syncrétique qui participerait sinon à l’appauvrissement de cette hétérogénéité structurante. Par ailleurs, loin de nous défier a priori des principes méthodologiques issus du modèle expérimental, qui tendent à s’imposer actuellement dans le champ des sciences humaines et sociales, cet article vise néanmoins à se départir du risque hégémonique, ou tout au moins d’une homogénéisation croissante et impérieuse liée à la standardisation de la publication scientifique, en examinant les voies de passage qui permettrait un dialogue fécond aux frontières de la psychanalyse. Méthode L’article questionne les soubassements épistémologiques, d’une part, de deux méthodologies régulièrement rencontrées dans le champ clinique — la méthode du cas unique et la méthode hypothético-déductive — puis, d’autre part, de modèles issus historiquement de l’anthropologie et de la sociologie — modèle de la théorisation ancrée et modèle de la traduction élargie —, qui partagent avec notre approche le souci de la défense et de la valorisation de la recherche qualitative. Résultats La mise en tension de ces différents modèles est mise au service du dégagement des apports et des limites susceptibles d’éclairer les enjeux épistémologiques spécifiques, les choix d’opérationnalisation méthodologique et les choix d’exposition des résultats des recherches cliniques se référant à la psychanalyse. L’article soutient l’intérêt, pour la psychanalyse, de trouver une opportunité de structuration de ses travaux autour du maintien d’un homomorphisme entre processus psychanalytique et processus de recherche. Ces considérations nous amènent à faire porter l’attention sur les conditions de possibilité requises pour inscrire la processualité ainsi que l’exigence de maintien d’un écart théorico-clinique au cœur de la méthode de recherche clinique. Dans cette voie, l’article pose les prémisses d’une modélisation d’une méthode de recherche hypothétique et processuelle fondée sur la prise en compte de l’appréhension complexe et nécessairement asymptotique de l’inconscient. Dans cette perspective, le temps de l’écriture de la recherche revêt une double fonction : il redouble, d’une part, les effets de processualité et d’après-coup du dispositif de recherche ; il aménage, d’autre part, à travers le choix d’exposition méthodologique des résultats, des conditions communes de débats promptes à situer les différentes partitions du dialogue à plusieurs au sein d’un champ de controverse. Conclusion Cet article propose une première étape de formalisation d’une « méthode de recherche hypothétique et processuelle » susceptible d’offrir une narration qui intègre tout à la fois les contraintes inhérentes à la dynamique de production singulière de la connaissance dans le champ clinique référé à la psychanalyse et celles inhérentes à la possibilité d’un débat scientifique élargi. The current multiplicity of research methods in the field of clinical psychoanalysis runs the risk of advocating the superposition of models by abolishing antagonisms to better accentuate complementarities, sometimes giving the illusion of a methodological profusion expanding the field of possibilities. Goal This article proposes to return to the epistemological foundations of these models, which invariably questions the adequacy of the selected scientific criteria. It aims to get rid of a syncretic drawdown that would otherwise contribute to the impoverishment of this structuring heterogeneity. The methodological principles derived from the experimental model are now becoming established in the field of human and social sciences. Far from challenging this model, this article nevertheless aims to question this hegemonic risk, or at least an increasing and imperative homogenization linked to the standardization of scientific publication, by examining the passageways that would allow a fruitful dialogue at the borders of psychoanalysis. Method The article questions the epistemological foundations, first, of two methodologies regularly encountered in the clinical field — the single case method and the hypothetical-deductive method — and then, of models historically derived from anthropology and sociology — grounded theory model and extended translation model. The latter share with our approach the concern for the defense and enhancement of qualitative research. Results The tension between these different models is used to identify the contributions and limits likely to shed light on the specific epistemological issues, the choices of methodological operationalization, and the choices of exposure of clinical research results related to psychoanalysis. The article encourages psychoanalysts to find opportunities to structure their work around the maintenance of a homomorphism between psychoanalytic and research processes. These considerations lead us to focus attention on the conditions required to inscribe processuality and the maintenance of a theoretical-clinical gap at the heart of the clinical research method. In this way, the paper lays the foundations for a modeling of a hypothetical and process-oriented research method. This method is based on taking the complex and necessarily asymptotic apprehension of the unconscious into account. From this perspective, the writing phase has a dual function: on the one hand, it doubles the effects of processuality and of the “après-coup” of research; on the other hand, the choice of methodological exposure of the results must propose common conditions for debate within a controversial field. Conclusion This article proposes a first step in the formalization of a “hypothetical and processual research method.” This method is likely to offer a narrative that integrates both the constraints related to the dynamics of the singular production of knowledge in psychoanalysis's clinical field and the constraints promoting a broader scientific debate.