Chloé Baills, Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL), École pratique des hautes études (EPHE), Université Paris sciences et lettres (PSL)-Université Paris sciences et lettres (PSL)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Centre de recherches internationales, and Groupe Sociétés, Religions, Laïcités
Depuis le début de la transition politique en 2011, des groupes ultranationalistes bouddhiques dirigés par des moines persécutent les musulmans de l’Etat d'Arakan. Cette région est située à l’ouest de la Birmanie, à la frontière avec le Bangladesh, et abrite des minorités musulmanes qui revendiquent l’ethnonyme « Rohingya », bien que le gouvernement persiste à vouloir les appeler Bengalis. A partir de 2012, ces groupes bouddhiques, qui ne constituent toutefois qu’une frange restreinte du sangha, le clergé monastique birman, sont devenus très populaires dans un pays où 90% de la population est bouddhiste : au nom du maintien d’un ordre moral supposément menacé par l’ouverture au monde et la présence étrangère, en particulier musulmane, ces groupuscules extrémistes ont surpris par leurs modes d’action violents et leurs prises de position radicales. D’actes peu coordonnés mis en œuvre pour lutter contre le crime et les « immigrés illégaux » de l’Etat d’Arakan, à l’édification d’un vaste réseau d’activistes religieux luttant pour la « protection de la race et de la religion birmane », ces groupes partagent certaines similitudes avec les acteurs du vigilantisme contemporain : ils utilisent la violence extralégale pour légitimer la défense d’une communauté imaginée, dans la perception d’une menace et d’une absence d’actions étatiques contre celle-ci. Dans l’espace birman contemporain, cette violence est revendiquée et orchestrée par des figures monastiques dans la mesure où la communauté à défendre est « morale », fondée sur l’adhésion de ses membres au bouddhisme, et dont l’essence même se verrait altérée par le processus de démocratisation.