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Il n’est pas d’usage d’analyser les cultures politiques à l’échelle d’une décennie, même si j’ai traité pour une période à peine plus longue des rapports entre politique et poids du passé à la fin du xixe siècle. Cette étude se rapportait à une période d’affirmation de la République, malgré les crises et à travers elles. L’objet du présent ouvrage correspond à une phase de transition, pour autant que ce terme puisse être employé, entre l’Empire et la République, du temps de l’Empire libéral –...

Le Prince impérial est en quelque sorte un souverain de l’absence. Un homme absent de France car exilé. Un homme comme absent aussi de sa propre histoire autant que de la nôtre puisque sa mort précoce à 23 ans semble l’empêcher d’accomplir l’entièreté de sa destinée. Mais aussi un homme absent car constamment décrit, dans l’historiographie classique, comme sous la coupe d’une tutelle quelconque, qu’il s’agisse de celle de sa mère, l’impératrice Eugénie, ou de celle du principal ministre de so...

Bien que très influencée depuis les années soixante-dix par la sociologie de Pierre Bourdieu, la science politique hexagonale n’a pas réussi à élaborer une version plausible de la genèse du champ politique en France. Cette lacune est regrettable : alors même que l’hypothèse de l’existence présente d’un champ politique partiellement autonome est très largement acceptée au sein de la discipline, les conditions de son émergence demeurent floues et incertaines. Après avoir passé en revue, de mani...

Dès les premières heures de la renaissance républicaine le 4 septembre 1870, Paris et la République sont fortement liés. Certes, la ville est un espace et une figure emblématiques mais plus encore un acteur décisif dans l’affirmation de la République. Il ne s’agit pas de sur-dimensionner la fonction de Paris, mais de prendre la juste mesure de son engagement et de sa force d’entraînement. Paris et la République sont soudés, unis dans une relation politique particulière. Si la décennie 1869-18...

Jules Dufaure est l’une des principales figures de la « décennie décisive » qui nous réunit présentement. De moindre envergure politique qu’un Thiers ou un Gambetta, cet homme, qui sur son lit de mort se qualifiait lui-même de « secondaire », apparaît à l’historien des institutions judiciaires comme le personnage central de la République conservatrice. Disons-le d’emblée, il n’a guère réformé la justice. Mais il a influé notablement sur son évolution et celle de la magistrature. Il était armé...

Le « régime d’assemblée », également qualifié de « gouvernement conventionnel », fut mis en forme avec la constitution montagnarde du 26 juin 1793, dite de l’An I, mais non pas mis en œuvre, cette constitution ayant été aussitôt suspendue pour cause de guerre, puis vouée aux gémonies par les Thermidoriens, qui adopteront en l’An III le modèle inverse. Demeuré l’idéal du parti républicain de l’Empire à la Monarchie de juillet, ce « régime d’assemblée » est remis en avant en octobre 1848, au co...

« Belle Époque », « Trente glorieuses », « Années de plomb » : les noms de période ont servi aux historiens de « divisions imaginaires du temps ». Peut-on parler des « Dix décisives » pour la décennie 1869-1879, soulignant ainsi la continuité de l’influence libérale ? Cent cinquante ans après l’effondrement du Second Empire, de l’écrasement de la Commune de Paris et de la lente et incertaine conquête de la République, la décennie 1869-1879 mérite d’être revisitée. Le temps est venu d’offrir une synthèse renouvelée, prolongée d’une réflexion mémorielle sur les ressorts de l’établissement de « la plus longue des Républiques ». Quel est le moment décisif ? Sans doute celui durant lequel les choses se décident, où les acteurs sortent du provisoire, saisissent l’opportunité de l’instant de la décision. Les « Dix décisives » s’inscrivent en amont de l’installation durable de la Troisième République, enfin solidement aux mains des républicains : l’alliance politique et intellectuelle entre républicains modérés et libéraux orléanistes, préparée par une maturation et des échanges intellectuels, a servi de clé de voûte à la fondation durable de la République parlementaire en France.

L’entrée sur la scène politique de Léon Gambetta est bien connue, et l’évolution du tribun depuis le programme de Belleville jusqu’au Grand Ministère largement analysée. Ce que nous proposons de nouveau est un essai d’analyse de la réception de cet homme politique. Le choix épistémologique est celui de l’Analyse du discours en histoire qui permet une lecture en termes d’événement discursif, concept développé par l’historien-linguiste Jacques Guilhaumou : « Du point de vue de l’historien du di...

Du point de vue constitutionnel et politique, il serait difficile de ne pas considérer la décennie 1869-1879 comme ayant été « décisive » en ce sens qu’elle voit la France passer d’un Empire timidement libéral, faisant peu à peu mouvement, d’une façon encore très incertaine en 1869, vers une reparlementarisation de l’Exécutif (après une éclipse de près de vingt ans), pour aboutir progressivement à une République parlementaire, définitivement assise en 1879 par l’élection de Jules Grévy comme ...

Il y a au moins trois bonnes raisons de vouloir observer à l’échelle des microcosmes municipaux comment le monde rural a traversé la décennie charnière 1869-1879. Il faut d’abord rappeler, à la suite de Sudhir Hazareesingh notamment, qu’à compter des années 1860, la vie civique locale connut un développement spectaculaire. Les conflits internes aux municipalités s’étaient multipliés sous l’empire libéral. La diffusion d’associations de loisir ou d’entraide contribua au renouvellement en profo...

La question des origines est l’une des plus banales et des plus difficiles marottes des chercheurs. L’historien a toujours tendance à vouloir les rechercher le plus en amont possible. En ce qui concerne le nationalisme, l’affaire pourrait être entendue, si le terme lui-même ne prêtait autant à controverse. Sa grande polysémie et les débats enflammés dont il fait l’objet compliquent singulièrement la tâche. Pourtant, un tournant apparaît clairement au tournant des années 1870, autour de la gue...

Le xixe siècle est marqué par la prépondérance de Paris pour décider du sort politique et constitutionnel du pays, singulièrement lors des révolutions des Trois Glorieuses en 1830 et de Février 1848, puis lors du coup d’État du Prince-Président. En revanche, la guerre de 1870-1871, le siège de Paris puis la Commune marquent un décrochement inédit des opinions publiques entre Paris décapitalisée et une Province qui ne comprend pas sa radicalisation révolutionnaire et patriotique. Les discussio...

Pourquoi s’intéresser à Auguste Paris (1826-1896) ? Ce n’est, certes, qu’un second couteau, mais il fut ministre – brièvement (mai-octobre 1877) – et longtemps élu du Pas-de-Calais (représentant 1871-1875 ; sénateur 1876-1882 ; 1885-1891). En outre, le Nord - Pas-de-Calais, dans le cadre de « la décennie décisive » est riche d’hommes politiques plus connus comme Wallon (Nord, Centre), Martel (Pas-de-Calais, Centre gauche), de Marcère (Nord, Centre gauche) mais Auguste Paris présente un intérê...

Loin du tableau peu élogieux dressé par les triomphateurs d’un boulangisme désagrégé, tout entier dévoué à marquer le « renégat » Laguerre du sceau de la trahison, il convient de rappeler que ce même Laguerre n’en incarnait pas moins, durant sa jeunesse, l’émergence d’une nouvelle génération républicaine, toute entière tournée vers un avenir commun à bâtir. « Prince de la jeunesse républicaine » pour les uns, « jeune adonisé n’ayant de la démocratie, ni les instincts, ni l’éducation, ni l’esp...

La décennie décisive (1869-1879) se décline aussi dans la constitution des modèles politiques d’inspiration française à l’étranger, y compris au sud-est européen. En Roumanie, dix ans après l’union de la Valachie et de la Moldavie, en 1859, les réformes mises en place par le prince Alexandru-Ioan Cuza sous la forte inspiration du régime de Napoléon III commencent indirectement à porter leurs fruits. L’influence française se fait remarquer directement, dans le sillage de ces réformes, même si ...

Les travaux de Jacques Gadille et de Jean-Marie Mayeur qui font suite à la thèse de Caroline Ann Gimpl ont modifié le regard porté sur le catholicisme libéral. Il n’est plus vu comme un corps doctrinal bien agencé. Son principe fondamental, « L’Église libre dans l’État libre », est si général qu’il a été décliné de maintes façons parfois antinomiques. Il est étudié désormais par générations de catholiques libéraux. La première, celles de Lamennais, de Lacordaire ou de Montalembert, sera prise...

Charles de Freycinet est un ingénieur des grands corps de l’État au cheminement idéologique et politique sinueux. « Républicain du lendemain » en septembre 1870, certes comme d’autres futurs cadres du nouveau régime, ce haut technicien a pourtant une action capitale pour les fondations républicaines des années 1870, séquence de transition institutionnelle à nulle autre pareille par sa durée et son ampleur qui a, aussi, une incidence déterminante sur le propre parcours du parlementaire et du m...

Les actes du colloque sur La décennie décisive dont le lecteur vient de prendre connaissance jettent une lumière nouvelle sur les quelques années d’interrègne qui ont suivi l’écroulement du Second Empire. Longtemps incertaine, l’orientation constitutionnelle et politique du pays s’est fixée entre 1870 et 1879, suivant une logique quelque peu souterraine, mais avec un résultat patent. Lorsque s’achève la décennie 1870, la République peut enfin s’installer. Selon le mot de François Furet, la Ré...

Jules Simon, Oscar Bardi de Fourtou, Charles de Freycinet : la simple énumération de ces grandes figures politiques témoigne à la fois de la grande variété des parcours politiques, des engagements idéologiques et des expériences parlementaires au cours des Dix décisives. Bien que de générations successives, tous ces acteurs sont-ils marqués de manière comparable par le passage de l’Empire libéral à la République modérée ? Du « fédérateur des droites dynastiques » Fourtou à l’incarnation du ré...

« […] la France ne m’intéresse qu’en tant qu’elle a une incidence sur la situation de ma patrie et nous ne pouvons faire de la politique qu’avec la France telle qu’elle est sans l’exclure de nos combinaisons. Un monarque comme Louis XIV est un élément aussi hostile que Napoléon Ier et s’il venait à l’idée de son successeur d’abdiquer pour jouir des loisirs de la vie privée, il ne nous rendrait pas service et Henri V ne serait pas son successeur ; et quand bien même on le placerait sur le trôn...

Naissance et mort de la Troisième République. Il y a un demi-siècle, Jean-Pierre Azéma et Michel Winock s’étaient interrogés à la faveur du centenaire de la débâcle de 1870 sur les ressorts de l’établissement et de la chute de « la plus longue des Républiques ». Et déjà ils analysaient la naissance retardée, la très longue gestation du régime républicain, entre le 4 septembre 1870 et la conquête de tous les pouvoirs par la majorité républicaine en janvier 1879. Depuis les ouvrages de Charles ...

Théophile Roussel (1816-1903) est issu d’une famille de notables légitimistes de la Lozère et se convertit au républicanisme lors de ses années d’études à la faculté de médecine de Paris. Candidat à la Constituante en 1848, il est élu en 1849 et assure donc le continuum républicain en revenant sur la scène politique nationale durant la décennie décisive. Médecin, il applique à son action politique et parlementaire, une méthode de travail scientifique qui est comparative et européenne. Par son...

À quelle place Louis Decazes peut-il prétendre dans un ouvrage consacré à la « décennie décisive 1869-1879 », dont on recherche « l’empreinte sur le modèle républicain » ? Orléaniste indéfectible bien que pragmatique, ami du duc Albert de Broglie, lui-même deux fois duc – comme héritier du titre concédé à son père par Louis XVIII et du titre danois de duc de Glücksberg venant de sa mère –, Decazes est avant tout un archétype de la fameuse « République des ducs ». Toutefois, son séjour au mini...

L’administration des assemblées parlementaires est méconnue, parfois confondue avec les assistants parlementaires, alors que les bureaux qui administrent les assemblées gagnent en autonomie et clarifient leur rôle, de l’Empire libéral à l’établissement de la Troisième République. Marqués par les usages traditionnels, les serviteurs des assemblées enregistrent les évolutions, subissent les événements mouvementés de la décennie. Le point de départ est la réforme opérée par le sénatus-consulte d...

Le xixe siècle est marqué par l’émergence, dans l’héritage contesté des affrontements idéologiques et des expérimentations parlementaires du quart de siècle de la Révolution française et de l’Empire, de courants et de familles politiques en cours de structuration. Cette permanence des usages politiques s’accompagne d’évolutions des cultures et des pratiques dans le champ politique français. De l’Empire libéral aux prémices de la République aux Républicains, une culture politique républicaine ...

La proclamation de la République, le 4 septembre 1870, en pleine guerre franco-prussienne, allait à l’encontre de l’opinion publique, telle qu’elle s’était exprimée par les plébiscites successifs. En effet, les républicains et la République avaient été discrédités par l’Empire. Ils étaient au pire dénoncés comme des « partageux », qui étaient prêts à mettre le pays à feu et à sang au nom de l’égalité, au mieux comme des utopistes qui brassaient des idées généreuses mais rêvaient d’une société...

Dans un ouvrage récent, Olivier Grenouilleau a rappelé que la construction des identités locales ne s’est pas faite, en France, contre mais parallèlement à la construction de l’identité nationale. Pourtant, différentes études signalent des tensions régionalistes ou provincialistes au cours des années 1870, en Bretagne ou en Savoie notamment, tensions qui semblent disparaître aussi rapidement qu’elles sont apparues, et qui invitent à se demander comment la Troisième République naissante a géré...

Quoique méconnus, au point d’être souvent confondus avec les assistants des députés et sénateurs, les fonctionnaires des assemblées sont les héritiers d’une longue histoire : les premiers états du personnel de la Constituante sont dressés en juillet 1789, si bien que l’administration parlementaire apparaît peu ou prou avec le Parlement. Durant le premier xixe siècle, ses bureaux gagnent en autonomie, à mesure qu’une frontière plus stricte sépare leurs chefs des grands commis de l’État et des ...

Du point de vue de la presse, la période de la fin des années 1860 et des années 1870 marque, à n’en pas douter, un tournant décisif. Si elle n’est pas moribonde, son champ d’action dans le domaine du politique est considérablement restreint par la législation répressive mise en place en 1852 sous le Second Empire. La libéralisation du régime est, pour la presse, amorcée symboliquement avec la lettre du 19 janvier 1867, promesse de la transition vers un régime plus libéral qui aboutit à la lo...

L’album comique du ministère des Affaires étrangères (MAE), paru en 1869, en dit long sur l’ambiance qui règne au Quai d’Orsay. Cent trente agents y sont croqués avec un humour bienveillant par sept de leurs pairs, dans l’exercice de leurs fonctions en dilettantes et le plus souvent dans leurs loisirs et passe-temps préférés. La chasse, la pêche, la littérature, la fréquentation de l’Opéra et des cafés du boulevard des Italiens y prennent autant de place que la rédaction des dépêches ou le dé...

Le nom de Jules Simon ne parle plus. Délaissé par les études historiques, Simon est de ces personnages dont le temps semble avoir effacé la figure autant que le souvenir. Et pourtant. Professeur de cours sur la morale à l’École Normale qui feront date durant la Monarchie de Juillet, auteur de plusieurs essais majeurs en philosophie, aimé par les classes populaires pour ses travaux sur les ouvriers et adulé par la jeunesse rebelle pour ses interventions en tant que député, il a été durant le S...

Contemporaine de l’Empire libéral, la Société de Législation Comparée, créée à l’initiative de deux jeunes juristes libéraux et républicains, incarne la « décennie décisive », son unité d’atmosphère intellectuelle et les ruptures opérées par la guerre, la déchéance du Second Empire, puis l’utilisation de ce vivier de juristes libéraux par la République conservatrice et de centre gauche, de Dufaure à Gambetta, dans le corps préfectoral, la magistrature, les cabinets ministériels et à l’Assembl...

Si la Renaissance modifie l’accès à l’écrit en le propageant avec l’invention de l’imprimerie et en individualisant les pratiques de lecture, sa production reste longtemps artisanale. Il faut attendre le xixe siècle pour que celle-ci se transforme en profondeur avec l’industrialisation de l’économie. Conjointement à ces progrès d’ordre technique, l’évolution du lectorat sous la même période donne à l’imprimé la possibilité de s’installer significativement au sein la société. L’alphabétisation...

Dès sa fondation en 1869 et constamment à l’occasion des moments clés de son histoire, la Société de législation comparée (SLC) a toujours tenu à se présenter comme une société savante, apolitique, uniquement vouée au progrès d’une « science positive », la science juridique. Or, durant sa première décennie d’existence, la présence de ses membres dans les cercles des pouvoirs législatif et exécutif est manifeste et pose la question de l’influence de cette société dans l’élaboration de la loi a...

Depuis la Révolution française qui en a reconnu le principe, la liberté de l’enseignement est l’une des libertés fondamentales les plus controversées. Rappelons quelques jalons : la loi de 1833, dite loi Guizot, l’accorde formellement pour l’enseignement primaire, l’État libéral du premier xixe siècle n’avait, en effet, guère les moyens de prendre en charge la totalité du niveau primaire et c’est pourquoi Napoléon, après l’épisode traumatisant de la Révolution, avait fait cette concession au ...