Vivien Mathé, Didier Poncet, Emmanuel Mens, Jérôme Defaix, Florian Cousseau, Lucile Pillot, Vincent Ard, Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES), Ministère de la Culture et de la Communication (MCC)-École des hautes études en sciences sociales (EHESS)-Université Toulouse - Jean Jaurès (UT2J)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire (CReAAH), Université de Nantes (UN)-Le Mans Université (UM)-Université de Rennes 2 (UR2), Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Université de Rennes 1 (UR1), Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Ministère de la Culture (MC), Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), LIttoral ENvironnement et Sociétés - UMRi 7266 (LIENSs), Université de La Rochelle (ULR)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Archéologie, Terre, Histoire, Sociétés [Dijon] (ARTeHiS), Ministère de la Culture et de la Communication (MCC)-Université de Bourgogne (UB)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Ministère de La Culture, Conseil Général de La Charente, École des hautes études en sciences sociales (EHESS)-Université Toulouse - Jean Jaurès (UT2J), Université de Toulouse (UT)-Université de Toulouse (UT)-Ministère de la Culture et de la Communication (MCC)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Le Mans Université (UM)-Université de Rennes (UR)-Université de Rennes 2 (UR2)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université de Nantes - UFR Histoire, Histoire de l'Art et Archéologie (UFR HHAA), Université de Nantes (UN)-Université de Nantes (UN)-Ministère de la Culture (MC), LIttoral ENvironnement et Sociétés (LIENSs), La Rochelle Université (ULR)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), École des hautes études en sciences sociales (EHESS)-Université Toulouse - Jean Jaurès (UT2J)-Ministère de la Culture et de la Communication (MCC)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Le Mans Université (UM)-Université de Rennes 1 (UR1), Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Université de Rennes 2 (UR2), Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université de Nantes - UFR Histoire, Histoire de l'Art et Archéologie (UFR HHAA), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université de Bourgogne (UB)-Ministère de la Culture et de la Communication (MCC), Nantes Université (NU)-Ministère de la Culture (MC)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Université de Rennes 1 (UR1), and Université de Rennes (UNIV-RENNES)-Le Mans Université (UM)
During the 5th millennium Angoumois-type dolmens — tombs comprising a passage and a quadrangular chamber characterized by high-quality stone working — appeared in west-central France. During a recent collective research and evaluation program (2012 – 2015), excavations, multi-method prospecting, and technological and architectural analyses have yielded new data. Megalithic monuments are part of a landscape that has been profoundly transformed by people, and are reflections of a desire to erect social and territorial markers. Geophysical prospecting undertaken for the first time on and around these monuments has revealed original features that contribute to the monumentalization of the landscape in the same way as the fortifications associated with the world of the living. The excavations of the Petite Pérotte and Motte de la Jacquille (Fontenille, Charente) dolmens have enabled us to define both petrographical type and geographical origin of the monoliths as well as to bring to light the architectural choices made by the builders. The builders clearly focused on the monoliths of the funerary chamber, as exemplified by the construction of the stone door of Motte de la Jacquille, a unique example in European megalithism. This work goes beyond mere aesthetic preoccupations, and demonstrates a genuine investment of symbolism in megalithic construction. One of the most significant advances relates to the discovery of numerous examples of old structural stones in the construction of the Motte de la Jacquille funerary chamber. These point to the recycling of a previously existing funerary chamber, specifically deconstructed for this later occasion. Several scenarios are discussed to explore the possible motivations underlying such reuse., Au Ve millénaire, le Centre-Ouest de la France voit l’apparition des dolmens de type angoumoisin : tombes à couloir à chambre quadrangulaire caractérisées par un investissement important du travail de la pierre (Burnez, 1976). À l’occasion d’un programme collectif de recherche et de valorisation (2012– 2015), de nouvelles données ont été obtenues grâce à des fouilles, des prospections multi-méthodes et des analyses technologiques et architecturales. Intégré dans un paysage profondément modifié par l’homme, les monuments mégalithiques sont le reflet d’une volonté de marquage social et territorial. Des prospections géophysiques réalisées pour la première fois sur et autour des monuments ont révélé des structures inédites qui participent à la monumentalisation du paysage tout comme les enceintes du monde des vivants. Les fouilles des dolmens de la Petite Pérotte et de la Motte de la Jacquille (Fontenille, Charente) ont permis de préciser la nature pétrographique et l''origine géographique des monolithes et de mettre en évidence des choix architecturaux. La tradition du travail de la pierre typique des dolmens de type angoumoisin se traduit dans les techniques de transformation du calcaire. Le débitage et l’équarrissage des orthostates produit des blocs aux dimensions standardisées. La transformation de la pierre s’attache ensuite à dresser les faces visibles grâce à un travail de martelage. Ce dernier est parfois suivi d’un lissage, voire d’un début de polissage sur les blocs les plus investis. La technique du champlevé est systématiquement utilisée dans l’art pariétal et s’inscrit parfaitement dans l’exigence de cette tradition technique. En fin de chaîne opératoire, les pierres les plus ouvragées sont réservées à certaines zones du monument et font l’objet d’une véritable mise en scène. À la Motte de la Jacquille, c’est la paroi la plus lisse qui fait face à l’entrée. Cette même paroi bénéficie d’un éclairement naturel alors que le reste de la chambre reste dans la pénombre. Ces éléments d’observation vont dans le sens de la présence d’une segmentation de l’espace. Au centre du dispositif de la tombe, la chambre funéraire est constituée d’orthostates jointifs et bien dressés de façon à créer un espace parfait au détriment du couloir. Ce dernier reste beaucoup moins investi et sert finalement de «faire-valoir » à la chambre. Tout concourt à la mise en scène des parois visibles de la chambre funéraire, comme en témoigne la fabrication de la porte en pierre de la Motte de la Jacquille, exemplaire unique dans le mégalithisme européen. Ce travail dépasse de simples préoccupations esthétiques, au profit d’un authentique codage symbolique des parois. L’une des avancées les plus significatives est la découverte de nombreux anachronismes de construction dans la chambre funéraire de la Motte de la Jacquille. Au total, dix orthostates sur les vingt que compte le monument portent des preuves ou des indices forts en faveur de la présence d’un épisode de réemploi, perceptible notamment par la présence de rainures d’emboitement inactives sur certains orthostates. Ces cas sont uniquement observés dans la chambre et dans la partie du couloir proche de cette dernière. Il est pratiquement certain que les blocs proviennent d’une autre chambre funéraire, et non du démantèlement d’un couloir, où les monolithes n’ont pas le même niveau de finition. Les bords avec rainures d’emboîtement et parois dressées sont l’apanage des chambres funéraires. Toutes ces anomalies montrent qu’une ou plusieurs chambres funéraires ont été réemployées dans la construction du monument de la Motte de la Jacquille. Un dolmen a bel et bien été recyclé dans un autre dolmen. Cet exemple est le premier cas démontré d’orthostates de chambre funéraire en réemploi dans une autre chambre funéraire. Différents scénarios peuvent être proposés pour expliquer les motivations d’un tel geste de recyclage. Un premier scénario serait le démontage d’un premier monument éloigné géographiquement de la Motte de la Jacquille. Il est fort probable que ce premier monument au moment de son démontage ne soit ni abandonné, ni vidé de son contenu. On en déduit une suite de gestes. D’abord, il est nécessaire d’enlever une partie du cairn puis la table de couverture. Cette dernière est-elle abandonnée ou ellemême recyclée ? Dans un second temps, il faut «gérer » les dépôts humains, sont-ils abandonnés ou déplacés dans une autre structure ? Ensuite, il faut dégager les orthostates sans les casser, avant de les transporter vers le nouveau lieu de construction. On constate que le mode opératoire d’un réemploi d’orthostat de chambre funéraire est beaucoup plus complexe que celui d’un menhir ou d’une stèle gravée. Le second scénario privilégie le démontage d’une chambre funéraire déjà construite à la Motte de la Jacquille et sa reconstruction selon un plan différent. Cette hypothèse s’appuie sur un cas avéré de réaménagement d’une chambre funéraire en place dans le monument E2 de la nécropole de Bougon (Mohen, 2002). À Bougon, la chambre funéraire initialement ronde a, dans un deuxième temps, été transformée en un espace quadrangulaire. Ces transformations de chambre ont d’ailleurs été possiblement plus nombreuses que ce seul cas avéré, à l’image des réaménagements de tumulus qui se chiffrent par dizaine (Joussaume, 2003). En termes de chaîne opératoire, le démontage suivi d’une reconstruction sur place implique la plupart des gestes évoqués dans le premier scénario sauf le transport, à moins d’envisager une reprise en sous oeuvre. Le scénario d’une reconstruction in situ est privilégié et enfin confronté à des exemples ethnographiques., Ard Vincent, Mens Emmanuel, Poncet Didier, Cousseau Florian, Defaix Jérôme, Mathé Vivien, Pillot Lucile. Life and death of Angoumoisin-type dolmens in west-central France Architecture and evidence of the reuse of megalithic orthostats. In: Bulletin de la Société préhistorique française, tome 113, n°4, 2016. pp. 737-764.