Notre epoque aime a celebrer les anniversaires du passe. Il existe meme en France un Haut Comite aux Celebrations nationales. Dans le domaine qui est le notre, celui des humanites et des sciences sociales, les grands champs de la recherche, les grandes disciplines de l'esprit, les grandes institutions intellectuelles aiment se pencher sur leur propre histoire, la retracer, la mediter, la comparer a leur present, tenter de fonder sur elle leur avenir. La manifestation qui nous reunit est une illustration de ce gout dont on ne sait trop, ou peutetre dont on devine trop de quoi il est le symptome. Il y en a eu recemment en France deux autres, dans le meme domaine de la philologie romane, sous la forme de deux publications. Il se trouve que je suis etroitement associe a l'une et a l'autre. C'est pourquoi je prends la liberte d'en dire ici quelques mots et de fonder sur elles de tres courtes reflexions. D'une part, autour de ma chaire du College de France s'est constitue il y a quelques annees un petit groupe de recherche sur l'histoire de la philologie romane, reunissant quelques savants qui se sont illustres dans ce domaine : d'abord Ursula Bahler, Alain Corbellari, Charles Ridoux, auxquels se sont jointes un peu plus tard Patrizia Gasparini et Elena Mochonkina. Ce groupe travaille a un programme intitule > qui consiste dans l'edition des correspondances echangees par les grands medievistes de la fin du dix-neuvieme et du debut du vingtieme siecle. Grace a Lino Leonardi, la publication est assuree par la SISMEL et la Fondation Contini. Le premier volume de cette serie a paru en mars 2009 par les soins d'Ursula Bahler et d'Alain Corbellari (1). Il contient la correspondance de Gaston Paris et de Joseph Bedier. Celle de Gaston Paris et de Pio Rajna, editee par Ursula Bahler et Patrizia Gasparini, paraitra l'an prochain. Celles de Bedier avec ses correspondants autres que Gaston Paris et celle--immense--de Gaston Paris et de Paul Meyer sont en preparation, et largement avancees, par les soins respectivement d'Alain Corbellari et de Charles Ridoux. D'autre part, lorsque le College de France a decide, il y a quelques annees, de s'associer aux Editions Fayard pour editer et diffuser les lecons inaugurales des chaires, il avait ete convenu que des volumes retrospectifs reuniraient par groupes de disciplines les lecons inaugurales du passe. Le premier de ces volumes (esperons qu'il ne sera pas le seul) vient de voir le jour en juin 2009 : sous la direction de Pierre Toubert et sous la mienne, il reunit, sous le titre Moyen Age et Renaissance au College de France, une trentaine de lecons inaugurales d'historiens, de philologues specialistes des langues romanes, germaniques ou de latin, de philosophes, d'historiens de l'art, de byzantinistes, de Jules Michelet (dont on ne possede, a vrai dire, qu'un compte rendu de la lecon inaugurale) en 1838 a Roland Recht en 2001 (2). Il s'ouvre sur une triple introduction de moi-meme, de Pierre Toubert et de Roland Recht ; les lecons sont, bien entendu, annotees et precedees de notices. Il y a meme des notices sur des professeurs dont nous n'avons pas conserve de lecon inaugurale, comme Mario Roques ou Andre Grabar. Dans le domaine qui nous touche le plus, l'une des lecons, celle de Felix Lecoy, etait restee jusqu'a ce jour inedite. Deux livres qui livrent des documents interessant le passe des etudes romanes. Une correspondance entre un professeur et un futur professeur au College de France, datant du moment glorieux ou tous les espoirs sont permis pour ces disciplines. Une vue d'ensemble des etudes medievales au College de France pendant pres de deux siecles, qui fait apparaitre le role central des etudes de philologie romane : la chaire de Paulin Paris (Langue et litterature francaises du Moyen Age), creee en 1852, est la premiere ou le terme > apparait ; il faut attendre 1970 pour que le terme > apparaisse dans une chaire d'histoire, celle de Georges Duby. …