Les lois ouvrant au droit d'obtenir une aide active à mourir concernent initialement des personnes atteintes d'affections incurables entraînant des souffrances insupportables et engageant le pronostic vital à court ou à moyen terme. Mais ces lois sont toujours suivies de propositions et de débats visant à étendre les indications de l'euthanasie ou du suicide assisté aux affections incurables, même si elles n'engagent pas le pronostic vital sitôt qu'elles entraînent des souffrances insupportables. Et c'est ainsi que certains pays acceptent que des maladies psychiatriques déclarées incurables constituent des indications permettant d'accéder à une aide active à mourir. C'est ainsi qu'en Belgique, aux Pays-Bas, la presse a rapporté le parcours de personnes dépressives ou atteintes de stress post-traumatique qui ont été euthanasiées au terme d'un parcours qui vise à recueillir deux avis psychiatriques déclarant leur affection incurable sans qu'il s'agisse d'une réflexion collégiale sur le diagnostic et sur les programmes thérapeutiques mis en œuvre. Dépression et stress post-traumatique ne représentent toutefois en Belgique que moins de la moitié des indications d'euthanasie pour maladie psychiatrique. Restent les malades étiquetés psychotiques et les troubles mal définis de la personnalité et du comportement. Les indications psychiatriques de l'euthanasie engagent des interrogations éthiques qui leur sont spécifiques. Comment ne pas souligner l'incertitude et la complexité du diagnostic qui ne peut pas en règle être étayé par l'imagerie ou la biologie ? Comment comprendre que des indications d'euthanasie soient acceptées pour des malades chez lesquels plusieurs diagnostics psychiatriques ont été posés ? D'un bout à l'autre de la procédure, le problème est de recueillir les avis de deux psychiatres déclarant que les troubles sont incurables, que les souffrances sont intolérables et que les capacités de discernement des malades sont préservées. La décision procède ainsi d'un paternalisme libertarien convaincu de la dimension humaniste de l'aide active à mourir et qui réalise une incitation (nudge) dont l'objectif, fixé par la loi, est seulement de savoir si les souffrances sont incurables, sans remettre en question le diagnostic et les programmes thérapeutiques. Comment affirmer qu'une maladie mentale est incurable ? Comment distinguer le dégoût de la vie de la personne déprimée et la souffrance dite existentielle ? Comment concilier la prévention du suicide en cas de dépression et d'isolement social et en même temps encourager le suicide assisté ou l'euthanasie de ces mêmes personnes. Quels sont les critères qui permettraient de vérifier que les capacités de discernement sont préservées ? Le danger n'est-il pas, au nom d'un acharnement autonomique, de déclarer qu'une personne est autonome alors qu'elle est soumise à l'hétéronomie d'une dépression, d'un délire, de troubles obsessionnels ? Le monde de la psychiatrie ne peut pas éluder de tels questionnements éthiques. Ainsi, la Société américaine de psychiatrie a estimé qu'un « psychiatre ne doit pas prescrire ou administrer tout produit ayant pour but de provoquer la mort d'une personne malade qui n'est pas en phase terminale ». D'autres associations psychiatriques ont des positions hésitantes. Le débat doit être ouvert. Il doit concerner celles et ceux qui traitent, soignent et accompagnent ces personnes de tous âges dont la santé mentale est souffrante. Il doit, au-delà, concerner chaque citoyenne, chaque citoyen. Laws granting the right to obtain active assistance in dying initially concern people suffering from incurable illnesses that cause unbearable suffering and are life-threatening in the short to medium term. But these laws are always followed by proposals and debates aimed at extending the indications for euthanasia or assisted suicide to incurable conditions, even if they are not life-threatening, as soon as they cause unbearable suffering. And so it is that some countries accept psychiatric illnesses that are declared incurable as indications for access to active assistance in dying. In Belgium and the Netherlands, for example, the press has reported on cases of people suffering from depression or post-traumatic stress disorder who have been euthanized at the end of an authorization process that involves two psychiatric opinions declaring their condition incurable, without any collegial reflection on the diagnosis or the therapeutic programs implemented. Depression and post-traumatic stress disorder, however, account for less than half of all indications for euthanasia for psychiatric illness in Belgium. That leaves us with patients labelled psychotic and with ill-defined personality and behaviour disorders. Psychiatric indications for euthanasia raise their own specific ethical issues. How can we fail to underline the uncertainty and complexity of the diagnosis, which cannot, as a rule, be supported by imaging or biology? How can we understand that indications for euthanasia are accepted for patients with several psychiatric diagnoses? From one end of the procedure to the other, the problem is to obtain the opinions of two psychiatrists declaring that the disorders are incurable, that the suffering is intolerable and that the patient's capacity for discernment is intact. The decision thus stems from a libertarian paternalism convinced of the humanist dimension of active aid in dying, and which results in an incentive (nudge) whose aim, set by the law, is only to know whether the suffering is incurable, without calling into question the diagnosis and therapeutic programs. How can we say that a mental illness is incurable? How can we distinguish between a depressed person's disgust with life and so-called existential suffering? How can we reconcile preventing suicide in cases of depression and social isolation, while at the same time encouraging assisted suicide or euthanasia for the same people? What are the criteria for verifying that the capacity for discernment has been preserved? Is there not a danger, in the name of autonomic relentlessness, of declaring that a person is autonomous when in fact he or she is subject to the heteronomy of depression, delirium or obsessive disorders? The world of psychiatry cannot avoid such questions. The American Psychiatric Association, for example, has adopted the position on medical euthanasia holding that "a psychiatrist should not prescribe or administer any intervention to a non-terminally ill person for the purpose of causing death". Other psychiatric associations have hesitant positions. The debate must be opened. It must involve all those who treat, care for and support people of all ages whose mental health is suffering. It must also concern every citizen. [ABSTRACT FROM AUTHOR]