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En 1751, le Système figuré des Connaissances humaines, publié dans le premier volume de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, présente une nouvelle organisation du savoir. Dans un siècle où les découvertes scientifiques gouvernent la connaissance, l’entendement humain a pris la première place, et dorénavant les philosophes, qui ont organisé les idées, sont associés aux savants qui les ont assemblées. Le présent ouvrage interroge ce rassemblement de la science et de la philosophie. Celui-ci est à l’origine d’une systématique qui montre les dépendances mutuelles des sciences, pratiquées par le seul savant, « génie inventeur ». La saisie de la métaphysique par l’entendement humain constitue moins une opposition radicale à la métaphysique traditionnelle que la mise en place d’un art du raisonnement méthodique (métaphysique des corps). En tenant compte de cette organisation spéculative de départ, trop souvent sous-estimée, les auteurs, spécialistes de l’Encyclopédie, jettent un regard nouveau sur les conséquences de l’arbitraire qui résulte de ce véritable bouleversement philosophique, à la source de nos disciplines. Une première partie pose l’origine et la postérité de cette présentation du savoir en tableau.de Bacon et Chambers à l’Atlasliterarius. Deux autres parties cernent les sciences des arts et de la nature, l’émergence de nouvelles disciplines telles l’esthétique, la chimie, la biologie, l’histoire puis, à leur croisée, les sciences de la langue, de la grammaire et de la politique. En mettant en évidence la logique qui permet à la liaison des sciences entre elles de conduire à la création de nouvelles disciplines, cet ouvrage apporte une réflexion pluridisciplinaire novatrice sur l’organisation des sciences dans le savoir à l’époque des Lumières.

L’histoire de la philosophie n’est-elle pas absente de l’Encyclopédie ? Dans le triptyque du SF qui ouvre le premier tome de l’Encyclopédie l’arbre du savoir ne lui laisse aucune place ; son nom n’apparaît même pas dans le DP, et ses auteurs d’histoire de la philosophie sont présentés plutôt comme des auteurs d’articles de métaphysique, de logique et de morale : Yvon est un « métaphysicien profond et d’une extrême clarté, dont la métaphysique est saine, nette et précise » ; Pestré est « digne...

Existe-t-il une logique de Descartes ? Cette question, encore ouverte et discutée dans le débat contemporain sur la pensée du philosophe de la méthode, a toujours constitué un des problèmes les plus controverses du cartésianisme dès les tout premiers temps. Dès l’origine en effet, la communauté scientifique s’était interrogée et dès l’origine elle s’était partagée : d’un côté les critiques du philosophe avaient remarqué l’absence d’un traitement adéquat de la logique dans ses textes et avaien...

La marche des idées accompagne celle du monde, tantôt la suit, tantôt la précède. La fin du « court » xxe siècle (1914-1991) fut celle de trois siècles marqués par l’idée de révolution, des espoirs qu’elle suscitait, des craintes et réprobations qu’elle soulevait, des effets qu’elle a contribué à produire. L’idée de révolution au début du xxie siècle, époque de restauration, de réaction, voire de contre-révolution, de timidité aussi de la part de ceux qui pouvaient s’en réclamer, a décidément mauvaise presse. Des journées d’études furent en 2003 l’occasion de s’interroger sur cette idée et sur les processus qu’elle dénote, à la fois du point de vue historique, politique et social, et du point de vue culturel, scientifique, technique et artistique, d’en préciser la teneur conceptuelle et d’explorer les perspectives dont elle pourrait rester porteuse. Le présent livre constitue le dossier de ces journées : sa lecture permettra de mesurer l’actualité persistante de la réflexion sur l’idée de révolution, que les développements intervenus dans la période la plus récente de notre histoire ont singulièrement renforcée.

La raison peut se comparer à une montre : on ne voit point marcher l’aiguille, elle marche cependant, et ce n’est qu’au bout de quelque temps qu’on s’aperçoit du chemin qu’elle a fait.D’Alembert, Dialogue entre Descartes et Christine, reine de Suède, aux Champs-Elysées 1. RÉVOLUTION Dans les pages de l’Encyclopédie, la grammaire de la révolution est plurielle et le terme de révolution polysémique. C’est ce qu’atteste l’article du tome XIII qui conduit le lecteur à travers un réseau de discipl...

The conference organized in Bologna by Cesarina Casanova, Francesca Sofia and Vincenzo Lagioia (Dipartimento di Storia Culture Civiltà, 28-29 April 2014) has shown the complexity of the relationship between religion and culture of 18th century, helping to correct the prejudice of an Enlightenment as irreligious if not atheist, and multiplying its images through analysis of significant figures and interesting cases. This introduction intends to retrace a path among the studies presented at the conference which, questioning the culture of this age through the idea of religion, have shown the Enlightenment’s certitudes, but also have highlighted some conceptual difficulties and intellectual variations in the delicate fields of philosophy and biblical exegesis, national institutions and political legislation, ecclesiastical history and literary genres.

The history of philosophy is a discipline of a problematic nature, characterized by an essential tension between historical research and critical deduction, between the alleged universality of philosophical ideas and the concrete identity of philosophical texts, between the general nature of philosophical problems and singularity of theoretical solutions, between the monographic study of the different authors, the research of historical or ideals genealogies and the reading of common themes, between history of the philosophers, history of their disputes, history of the philosophical questions and history of the systems. This article intends to present the various historical and philosophical interpretations of the philosophy of Descartes as an example of the various conceptions of the history of philosophy itself.

Lire Descartes c’est un défi et une aventure. C’est accepter de partager les enjeux intellectuels d’un philosophe qui a fait de la philosophie la mission et la tâche d’une vie et qui a pensé en termes neufs l’ordre des savoirs et plus généralement les pratiques de l’intelligence. C’est suivre les mouvements d’une pensée qui se propose de tout reprendre à l’origine et de découvrir les vérités qui sont à disposition de l’homme à travers les procédures de la raison, qui, forte de ses règles, se découvre comme principe et s’interroge sur son origine pour légitimer ses actes. C’est suivre les itinéraires de recherche d’un sujet individuel se narrant comme un Moi ; c’est suivre une réflexion théorique conduite par un sujet philosophique se découvrant comme un Ego. Une histoire personnelle et un chemin philosophique. Ce livre est écrit dans l’ordre de ce diptyque.

Le philosophe et la dentellière « C’est un vice commun des mortels de trouver plus belles les choses qui leur paraissent les plus difficiles », affirme Descartes dans la Regula IX. Mais, ajoute-t-il, la philosophie, qui recherche la vérité, bannit l’étonnement pour tendre à la clarté. À partir des pages de jeunesse, la critique cartésienne de l’étonnement est nette, comme d’ailleurs est sévère la dénonciation des faux savoirs qui se prennent pour profonds et s’exhibent pour su...

Ces Entretiens sont attachés à un lieu, qui leur donne son nom : La Garenne Lemot, une villa néo-classique, aux bords escarpés de la Sèvre, dans l’évocation de la Toscane. En cet endroit l’on peut parler de beauté et de grâce, mais aussi, comme nous l’avons fait, de tolérance et d’amitié. Ces Entretiens sont annuels. Le lieu est essentiel. Il communique un charme et une grâce qui ouvrent à la beauté. Il engage à l’absence de raideur que nous avons rêvée, chacun à travers nos disciplines et nos imaginaires. C’est d’ailleurs ainsi que nous entendons ces Entretiens. Des sujets vagues, dirait-on, des lieux communs, mais affrontés avec rigueur. Il y a longtemps que nous nous exerçons à ce que j’appelle l’élucidation critique des lieux communs de l’imaginaire. Nous sommes très loin de tout dogmatisme. Nous sommes invités, comme les historiens de l’imaginaire que nous voulons être, à prendre les chemins de nos disciplines, à les regarder se rencontrer, il est difficile d’organiser une présentation. Chercher une conclusion est impossible. Le lecteur est invité à la table de La Garenne. Cette année-là il s’agissait de métamorphoses. Je pense qu’il y aura matière à rêver.

L’analyse textuelle des Histoires Tragiques de François de Rosset est un véritable défi pour l’historien de la philosophie. C’est un texte passionnant d’importance historique et littéraire qui a fait école, best seller de son époque inscrit dans un genre très à la mode, à la fois texte inspiré de la traduction et de la tradition française des "Histoires tragiques" de Bandello, à la fois source d’inspiration et d’imitation pour les contemporains et la postérité. Ma lecture se donne sous la forme d’une lecture contractée des Histoires sur une idée : comme si c’était l’énonciation prolongée, itérée et variée dans cinq- cent pages d’un unique système, celui de la misère de la nature humaine, assujettie au branle perpétuel de la vie, soumise à l’instinct et aux contraintes de la nature, déchirée entre « les fureurs des passions » et « la faiblesse de la raison », humiliée par le péché d’origine et rachetée seulement par la grâce divine. Ou par la philosophie : « le cas de Socrate en fait foi ». Mais c’est un cas unique.

Ce travail a pour objet d’éclairer la conception cartésienne de la philosophie, de la rationalité et de la subjectivité par les notions humanistes de civilité et d’honnêteté. Cette interprétation de l’oeuvre cartésienne permet de remettre en question sa lecture solipsiste et antihumaniste. Il s’agit également d’expliquer la présence dans cette pensée de valeurs qui ne coïncident pas avec les bases communément étudiées en philosophie de la justification épistémique et de la normativité pratique, comme par exemple la «facilité», le «naturel», la «douceur», et la «convenance». L’idée de «civilité» permet de penser un humanisme sans présomption et sans démesure qui irrigue les différentes dimensions de la philosophie cartésienne. La civilité philosophiquement refondée apparaît comme une perfection entre deux extrêmes, la barbarie et la sauvagerie, perfection liée à l'exigence de réconcilier la raison et la sensibilité, la norme et l'affectivité, mais aussi d'éviter dans le rapport à l'altérité aussi bien le déchirement que la promiscuité. La barbarie signifie la répression excessive du naturel et de la sensibilité par des normes épistémiques ou éthiques. La sauvagerie est au contraire un défaut de culture et de civilisation qui mène au déchaînement déréglé de nos tendances naturelles. Ce travail inscrit en outre la pensée de Descartes dans l'histoire du concept humaniste de civilité et des valeurs qui la constituent, histoire qui offre des mutations philosophiques intéressantes liées parfois à des enjeux métaphysiques. Ainsi, si l'on compare le texte Des Agréments du Chevalier de Méré à certaines oeuvres de Castiglione, de Della Casa et de Nicolas Faret, on se rend compte que le privilège affectif du rapport à Dieu et le poids de valeurs intellectuelles comme l'unité, la stabilité, l'égalité avec soi-même, la beauté formelle, sont radicalement mis à distance pour favoriser l'innocente émancipation d'une sensibilité tournée vers l'immanence de notre condition («souplesse», «variété» et «délicatesse» deviennent les conditions de tout plaisir civil) et d'un art d'aimer purement humain. Le concept de liberté prend également une importance croissante dans la genèse de la grâce à l’époque moderne.

Descartes è un filosofo tutto speciale, la cui biografia é intimamente legata alla sua filosofia e significativa per la teoria: un’esistenza sotto il segno della ricerca di un asilo tranquillo e di una dimora tutta sua in cui consacrarsi e concentrarsi sull’esecuzione del progetto ambizioso della rifondazione del sapere; una filosofia sotto il segno della ricerca della verità che, nel tempo, si scrive come Mathesis universalis, fisica di un mondo copernicano, saggi di scienza, meditazioni sulla filosofia prima, schema di enciclopedia, dialogo di morale e studio di medicina, nell’incompletezza dei trattati mai terminati, nella frammentarietà dei testi di giovinezza come nella realizzazione definitiva dei libri della maturità. All’origine della modernità, fin dall’inizio filosofi e storici della filosofia, scienziati e storici della scienza se ne sono occupati e se ne occupano ancora, come se il filosofo del metodo fosse il primo filosofo moderno, se non un vero e proprio oggetto filosofico a partire dal quale pensare e fare la filosofia e la scienza, allora, ai suoi tempi, ma anche ora.

Théoricien d’une philosophie de l’invention qui refuse par principe d’être prise entre un réseaux de références, Descartes n’a jamais essayé en première personne l’expérience de saint Gérôme, à l’exception de quelques collaborations avec les traducteurs de ses ouvrages. Il a pourtant réfléchi sur les conditions de droit et de fait de la traduction : soit comme problème spéculatif général qui, par la dissymétrie entre « les signes et les choses », met en cause le passage de la syntaxe de la philosophie à son expression par le langage, scène primaire de la pensée qui rencontre la parole ; soit comme événement déterminé de sa biographie intellectuelle, qui, par la non-biunivocité foncière de la relation entre l’idée claire et le mot, met à l’épreuve les ressources de la méthode sur les opacités de l’expression et la dynamique des langues. Cet article réfléchit sur la première traduction latine du "Discours de la Méthode" à la lumière delle cette théorie cartésienne du langage.

Is it legitimate to consider Descartes’ philosophy sub specie experientiæ? It is well known that Descartes’ philosophy was traditionally interpreted as a priori philosophy and a system structured on the order of reasons rather than on the data of experience. However, classical literature as well as contemporary voices underline the importance of this concept in his thought, if considered in its thematic richness and in its dialectic relationship with the notion of reason. Despite the traditional dinstinctions between empiricism and rationalism, and despite some statements made by Descartes himself which would have created an irreducible divorce between reason and experience, a reading of Cartesian texts which follows the exercise of reason more than the deductive order indicates the notion of experience as a fundamental one in his philosophy: in metaphysics, in scientific knowledge, in moral philosophy and in anthropology. In metaphysics, which is a performative experience of truth, a certain experience of the presence of the clear and simple idea, whose representation coincides with the thing itself; in scientific knowledge, which is an experience of certainty and an instrument of validation of hypothetical model; in moral philosophy, which is an experience of infinity of liberty; in anthropology, where the experience “très évidente” of the union of soul and body is foundamental. And even the metaphysical figures of hyperbolic doubt – deceptive God and evil genius – are not intellectual experiments about the origin and status of human reason? Are they not paradoxical but “inevitable” experiences of modern philosophy, which affirms and conquers the autonomy of reason by questioning its origin?

«Appendice de mes Confessions», « informe journal […] de mes rêveries», « registre fidèle de mes promenades», les Rêveries du promeneur solitaire sont le récit d’une âme qui se cherche dans la bonté originaire de la nature et s’observe en solitude. « Moi, détaché des [hommes] et de tout, que suis-je moi-même? Voilà ce qui reste à chercher» en est le programme. Traditionnellement interprétées avec les Confessions et les Dialogues dans la relation avec la biographie ou de la psychologie de l’auteur, les Rêveries, ces narrations lucides et désenchantées de déceptions et de défaites vécues par un sujet singulier à l’épreuve de soi, acquièrent toutefois une signification théorique plus ample si examinées à la lumière des principes généraux du triste système de la vérité de l’homme que Rousseau édifie de façon originale et qu’il expose avec un langage « aussi nouveau que [son] projet » : c’est à dire le système de la bonté originaire de l’homme, heureux dans la nature et dépravé par la société. En ce sens, les Rêveries solitaires d’un sujet authentique et « vrai», qui se raconte à la première personne comme interprète de la vérité de l’homme de la nature – « je suis le vrai homme de la nature « - au delà des fictions et des mensonges de la société, ne sont pas seulement les « méditations sur [s]oi même » auxquelles Rousseau se consigne dans les moments suspendus de ses promenades, mais elles deviennent aussi un document de connaissance et un texte de méthode pour cette théorie plus générale de la vérité qui soutient et construit son système philosophique : une vérité personnelle qui, à travers la théorie, accède à l’affirmation d’une université possible de la vérité de la nature et de « l’homme de la nature ».

Descartes è un filosofo tutto speciale, la cui biografia é intimamente legata alla sua filosofia e significativa per la teoria: un’esistenza sotto il segno della ricerca di un asilo tranquillo e di una dimora tutta sua in cui consacrarsi e concentrarsi sull’esecuzione del progetto ambizioso della rifondazione del sapere; una filosofia sotto il segno della ricerca della verità che, nel tempo, si scrive come Mathesis universalis, fisica di un mondo copernicano, saggi di scienza, meditazioni sulla filosofia prima, schema di enciclopedia, dialogo di morale e studio di medicina, nell’incompletezza dei trattati mai terminati, nella frammentarietà dei testi di giovinezza come nella realizzazione definitiva dei libri della maturità. All’origine della modernità, fin dall’inizio filosofi e storici della filosofia, scienziati e storici della scienza se ne sono occupati, come se il filosofo del metodo fosse un vero e proprio oggetto filosofico, a partire dal quale pensare e fare la filosofia e la scienza.

Problème critique de la philosophie cartésienne, le mouvement des pronoms de la première personne entre récit et doctrine , entre biographie et philosophie agite la pensée de Descartes, aussi sensible que Montaigne aux droits de l’individu et engagé comme lui dans la recherche d’une possible universalité en mesure de se définir comme exemplarité formelle mais à partir d’une situation donnée et singulière : le moi «informe» e «difforme» come la forme universelle de l’héraclitéisme constitutif de la condition humaine selon l’auteur des Essais - «moy par mon estre universel» ; le moi de la biographie de Descartes et l’Ego de la raison cartésienne comme forme philosophique de la connaissance humaine semper una & eadem selon l’auteur des Regulæ, figure d’universalité mais issue d’une détermination particulière - je , moi , moi, moi-même, Ego, me, mihi – qui assume un sens théorique. Cet article explore les diverses significations du pronom de première personne singulière dans l’œuvre de Descartes.

The essay reflects on the "Encyclopédie" of Diderot and d'Alembert, which is both rational recapitulation and critical examination of human knowledge and activities and a "Dictionnaire raisonné", aimed at bringing order in the unity of human intellect and at structuring the variety of meanings. While the "Encyclopédie" is primarily a work which shows alliance of history ("mémoire"), science ("raison") and arts ("imagination"), the project of Diderot and d'Alember is to define the philosophy which establishes such a unity or rather the links between all the different parts and to sketch the morphology of such an order: literary map of the world, tree of knowledge, as in the "Discours Préliminaire".

L’article décrit la parabole de Diderot de l’originaire imitation de Socrate à l’identification avec Sénèque. Socrate évidemment, et avant tout, et au débout, à propos duquel les interprètes de la pensée de Diderot et de son attitude philosophique avaient parlé d'un Socrate imaginaire. Un Socrate imaginaire, mais qui a quand même joué plusieurs rôles dans les ouvrages de Diderot, à la fois idole d'une religion laïque et temoin de la vérité, emblème de la philosophie persécoutée et martyr de la superstition et de l'ignorance, philosophe exemplaire et référence méthodologique privilégiée, maître absolu de morale et symbole de la primauté de l'éthique. Mais dans la pensée de Diderot au crépuscule de la lutte philosophique, lorsque la magnanimité de la résistance et “l'exercice d'une bienfaisance mutuelle” devenaient parfois préférables au courage du martyre, la possibilité d'une moralité de la vertu austère mais indulgeante, travailleuse jusqu'au sacrifice et pourant heureuse, prend lentement et consciemment la place du sublime idéal socratique. Après les ambitions éteintes et les déceptions de l'idéologie du despotisme éclairé, après les illusions perdues et les rêves évanouis d'une palingenèse philosophique des mœurs d'une société corrompue, ignorante et lâche, après les adieux aux compagnons de si nombreux combats, le repli de Diderot sur sa propre conscience et sur le temps perdu aboutit en effet à une éthique privée fondée sur des valeurs individuelles proportionnée “à l'expérience journalière et à l'usage du monde”, moins sublime et dramatique peut-être, moins statuaire et monolithique, moins fastueuse et imposante que celle du sage d'Athènes mais quand même aussi solide, courageuse et puissante, qui démande au stoïcisme mitigé de Sénèque, mais aussi “à la saine et austère ” morale d'Epicure, de diriger ses actions et de lui offrir les ressources, les consolations et les cautions d'une philosophie désertée par tous les vivants.

The article examins the role and the meaning of the «Deus deceptor» in Descartes' Meditationes de Prima Philosophia. In this work,Descartes introduces on purpose the «Deus deceptor» in the itinerary of the Meditatio I as the philosophical figure of metaphysical and extreme risk of the human nature and as the argument of a radical uncertainty of the reason in order to test the philosophical hold of its power and to mesure the effectiveness of its statements just through its own strenghts., I castelli di Yale online, volume I, numero 1, 2013

De Montaigne à Descartes. L’étude de la généalogie philosophique qui lie ces deux auteurs de la première modernité montre la complexité de cette relation, qui se configure selon une arborescence de continuités thématiques attestées, mais s’articule aussi à un réseau de transformations intellectuelles sensibles sinon de fractures théoriques nettes et radicales. Les interprétations classiques comme celles plus récentes n’ont pas manqué de faire voir et mettre en relief les rapports dynamiques de dépendance et d’opposition qui caractérisent cette lignée philosophique, en en montrant l’intérêt historique et la pertinence conceptuelle. Mais la généalogie philosophique Montaigne-Descartes se prête aussi aux renversements d’une enquête ‘à rebours’, alors qu’émerge la question des “réponses” que Descartes a données à Montaigne et qu’il même essayé de donner à la culture du XVIe siècle, dont l’auteur des Essais est un des interprètes et des protagonistes de premier plan. De la sorte, ma recherche, ancrée aux instances philologiques du texte et fondée sur les raisons historiques et théoriques du concept, peut être pensée aussi sous la forme d’une remontée critique dans l’histoire qui s’interroge sur la possibilité et sur la nécessité de cette relation de Descartes à Montaigne, en particulier, au sujet de la question de la vérité. Pour essayer de démontrer que, au delà des citations directes ou indirectes, des renvois explicits ou implicites, des analogies et des différences conceptuelles, si Montaigne est un interlocuteur de Descartes et une des sources de sa philosophie, il en constitue surtout un des problèmes théoriques fondamentaux, sinon le problème fondamental: comment penser la vérité après Montaigne. Galilée constituant l’autre volet du diptyque de la réflexion critique et philosophique de Descartes sur la culture contemporaine: comment construire la science nouvelle après Galilée.

Da Socrate in poi, la vita e la morte dei filosofi è stata spesso convocata a rendere conto delle complesse reattività tra la necessità e l’universalità della riflessione filosofica, da un lato, e, dall’altro, la possibilità e la contingenza degli eventi biografici. Come scansioni di una sorta di storia della filosofia per figure, in cui è possibile fare agire, in qualche modo, la biografia sulla teoria, analizzandone le continuità tematiche e le congruità possibili o sottolineandone le dissimmetrie ideali e gli scarti eventuali. Così, la storia inizia con la “vita filosofica” di un filosofo “invisibile”, Descartes, volontariamente à l’écart in luoghi solitari e tutti privati per poter realizzare in pace e in tranquillità il progetto di un rinnovamento radicale della filosofia e di tutta l’enciclopedia moderna delle conoscenze - il filosofo architetto, secondo un’analogia che Descartes fa propria e difende -, e si conclude rovesciando la prospettiva della vita solitaria e ritirata nell’evidenza tumultuosa dell’azione filosofica del filosofo “nell’arena”, il Philosophe del secolo dei Lumi, figura complessa e talora contraddittoria, sospesa tra antiche e venerabili tradizioni di cultura e nuovo impegno militante in difesa della ragione: il militaire-philosophe, secondo un’analogia che Diderot difende e incarna; “l’amante dell’umanità”, secondo la definizione che Voltaire propone e il personaggio che interpreta.

Linneo e Spallanzani, professori d’università e viaggiatori entrambi, istaurano la canonica del viaggio naturalistico settecentesco, che sottraggono alla cultura della curiosità, all’avidità dell’aneddoto, alle suggestioni dell’immaginazione e al sapere libresco, e consegnano ai doveri della didattica e al rigore della dottrina come esperienza attenta di fatti, procedura ordinata di osservazione e di scoperta “nei tre regni naturali”: sistema della natura e, insieme, enciclopedia delle conoscenze per Linneo; esplorazione metodica e, insieme, indagine sperimentale per Spallanzani. Le spedizioni del primo nelle terre del Nord e le escursioni marino-montane del secondo, insieme alle sue missioni accademiche nel Regno delle Due Sicilie e a Costantinopoli, ne offrono testimonianze esemplari e, insieme, ne redigono il discorso del metodo come teoria dell’osservazione e dell’esperienza naturalistica con tutte le loro regole: evidenza del singolo dettaglio e studio completo dei vari fenomeni, esercizio paziente di analisi e revisione accurata di sintesi, cautela e finezza di induzioni e ricerca ordinata di generalità, verifica scrupolosa di nozioni ed esame obiettivo di testimonianze, linguaggio di cose e scrittura di conoscenza.

Traditionnellement interprétées avec les Confessions et les Dialogues dans la relation avec la biographie et la psychologie de l’auteur, inscrites dans l’épique moderne de la conscience ou dans le cadre de la métaphysique de la présence et de l’herméneutique du sujet, les Rêveries, ces narrations lucides et désenchantées des déceptions et des défaites vécues par un sujet singulier à l’épreuve de soi – «heures et malheurs d’une conscience», selon la belle expression de Raymond Trousson -, acquièrent une signification théorique plus ample si examinées en unité avec la philosophie de Rousseau et à la lumière des principes généraux de son «grand et triste système», «le vrai système du cœur humain rédigé par un honnête homme», «sincère dans l’amour de la vérité».

Dans cet article, l'auteur se propose de lire l’article CARTESIANISME de l’Encyclopédie et les articles que les divers dictionnaires de l’époque consacrent à Descartes comme pouvait les lire à l’époque des Lumières un lecteur intéressé aux principes et aux théories de son philosophe, passionné de philosophie et attentif à son histoire non moins qu’à son actualité, vigilant sur les usages de la langue non moins que sur la consistance de ses connaissances. Dans cette péripétie idéale dans la bibliothèque des dictionnaires « du siècle des dictionnaires », tout d’abord il aurait cherché le Dictionnaire universel de Furetière, impressionné par le caractère universel de l’ouvrage. Mais, préoccupé d’acquérir aussi quelques éléments de spécialisme philosophique, s’il connaissait le latin il aurait aussi jeté un œil sur le Lexicon philosophicum de Chauvin, et il aurait feuilleté le Dictionnaire historique de Moréri pour joindre l’histoire à la philosophie. S’il connaissait l’anglais, il aurait consulté aussi la Cyclopædia de Chambers, et il aurait enfin ouvert le Dictionnaire universel de Trévoux dans lequel il aurait pu aussi contrôler les positions de l’orthodoxie religieuse à l’égard de son sujet. Et, à la fin de cet itinéraire lexical, sémantique, historique, philosophique et théologique, il serait tombé sur les pages de l’article CARTESIANISME du volume II de l’Encyclopédie, heureux d’en pouvoir encore disposer, avant le scandale du 1752. Ce lecteur aurait alors remarqué dans un cas particulier mais particulièrement sensible la distance qui sépare les dictionnaires de cette époque de l’Encyclopédie : les discontinuités entre l’érudition et la philosophie que d’Alembert sanctionne dès le Discours Préliminaire ; le rôle fondamental que joue selon Diderot la théorie de la définition pour caractériser une encyclopédie par rapport aux dictionnaires ; la pluralisation des points de vue qu’un ouvrage rédigé par un auteur pluriel - "une Société de Gens de Lettres et d’Artistes" - opère sur le même sujet à son tour pluriel et multiple comme la figure et la philosophie de Descartes ; il aurait compris la valeur philosophique de la question de l’héritage de ses doctrines et apprécié le sens théorique de la discussion autour de ses résultats scientifiques sans les divers champs du savoir ; enfin, il aurait perçu la vitalité et l’actualité dont les Philosophes investissent sa figure alors qu’ils oublient ou rejettent la plupart de ses doctrines.

Cet article examine la question de l’ordre, qui est centrale dans la philosophie de l’Encyclopédie de Dideroit et d’Alembert. Pour les éditeurs et les collaborateurs, l’Encyclopédie n’est pas un simple dictionnaire, comparable aux lexiques de l’époque, mais elle est un ouvrage unique et bien plus important que tous les autres: un ouvrage qui devait être à la fois un dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers et une encyclopédie. Et « le mot encyclopédie – expliquait Diderot - - signifie enchaînement des sciences ». Ainsi, dans sa portée critique, dans ses ambitions à la totalité et dans son projet d’immanence, l’Encyclopédie constitue la prise en charge du système universel des connaissances, de leurs histoires, de leurs corps, de leurs rapports organiques, mais aussi dans leurs interrogations encore ouvertes, sans en oublier pourtant les vides. Dès le début, l’enjeu se décide alors par des figures d’ordre, entre projet, exécution et bilan. Dès le début, les figures de l’ordre encyclopédique sont proposées par Diderot dans leur signification complexe et leurs combinaisons problématiques : les chaînes et les arbres. Métaphores anciennes et traditionnelles de la lisibilité du monde et de l’exercice de la morale, ces images énoncent et déclarent dès le Prospectus le projet de l’Encyclopédie tout entière. Par leur logique, ces figures définissent la trame de liaisons notionnelles connues et en inspirent d’autres réalisables ; par leur structure, elles fournissent les clefs d’abréviation et de simplification du savoir acquis et suggèrent les pistes des découvertes futures qu’elles contractent et réduisent dans leurs architectures d’ordre ; par leur morphologie enfin, elles dessinent une généalogie et une hiérarchie des sciences fondées sur les facultés humaines, qu’elles proposent sous la forme d’un système ouvert de liens effectifs entre les savoirs, capable d’associer la lisibilité actuelle de l’état acquis avec les perspectives futures d’un travail à compléter. Mais la multiplication et la complication des métaphores de l’ordre, les amendements qu’elles exigent – la mappemonde, « le vaste Océan » - avec leur polysémie accentuée et leur herméneutique différente sinon opposée, leur fonction de synthèse, leurs corrections réciproques et leurs ajustements mutuels trahissent aussi l’inquiétude que Diderot et d’Alembert, auteurs des préfaces et architectes de l’œuvre tout entière, ressentirent face à l’instabilité et à la fragilité des schémas d’agrégation et de connexion. Mais encore: les dialectiques internes de ces figures, leurs métamorphoses, leurs renvois indirects et leurs chiasmes réciproques, leurs absences parfois comme leurs intégrations à d’autres peuvent offrir des instruments conceptuels utiles pour lire dans l’histoire le débat épistémologique des éditeurs de l’Encyclopédie comme une méditation continuelle, pensive et alertée sur les possibilités et les limites de l’encyclopédie même en tant que système d’organisation articulée du savoir.

L'articolo esamina la questione della religione nell’Encyclopédie secondo tre modalità: I. una modalità morfologica ed epistemologica che si interroga sulla collocazione della religione all'interno della struttura dell’”albero delle conoscenze umane”, e ne indaga lo statuto concettuale di “Storia sacra” e “Scienza di Dio”, che abbandonano la rivelazione e l’ontologia e trovano un senso e una verità nell’ambito di un sapere tutto umano. “Siamo uomini prima di essere cristiani”, si legge alla voce Raison; II. una modalità storica ed archivistica che descrive le strategie della comunicazione messe in opera dagli enciclopedisti, in particolare l’organizzazione, la distribuzione e i rimandi degli articoli consacrati alla religione nei volumi di testo, le vicissitudini editoriali di questa parte estremamente esposta alla critica e alla censura, non meno che gli argomenti elaborati dai diversi autori in difesa dell’impresa “del secolo filosofico”; III. una modalità di analisi tematica, che tenta la ricomposizione delle proposte teoriche generali degli enciclopedisti e dei nuclei concettuali specifici ai vari ambiti, presentandoli nella loro diversità e pesandone la rispettiva autorità. Cercando in tal modo di rispettare il carattere dell’opera, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres: che, in quanto dictionnaire, deve spiegare i principi generali su cui si fonda ogni scienza e arte, liberale o meccanica, e i più notevoli particolari che ne costituiscono il corpo” dopo averli esaminati senza eccezioni e senza riguardi, con una totale libertà nei confronti degli autori e dei libri; ma che, come encyclopédie, si propone di ricomporre in un sistema generale ciò che l’ordine alfabetico del dizionario frammenta, “esponendo nel modo più esatto possibile l’ordine e la connessione delle conoscenze umane”– la parola encyclopédie, spiega Diderot all’articolo Encyclopédie, rimanda “all’ordine e al concatenamento delle scienze”. Redatta da un autore plurale, une société de gens de lettres - “non credo che ad una sola persona sia dato possedere tutto lo scibile”, nemmeno nei suoi principi elementari, chiarisce Diderot -, l’Encyclopédie è opera di una società di scrittori e di artisti liberi e indipendenti dai vari ordini religiosi come dai corpi accademici: opera che, secondo i Philosophes, soltanto un secolo filosofico poteva tentare per l'audacia intellettuale che esige dai collaboratori e per l'atteggiamento critico e le istanze pratiche che ne sostengono l’ideazione e la realizzazione. L’esame della religione viene ad assumere così un valore esemplare delle domande e delle risorse dell’esprit philosophique che la anima.