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En montrant que les sociétés étudiées par les éthnologues étaient elles aussi soumises aux nécessités économiques de produire des richesses avant que de les échanger, Claude Meillassoux a considérablement élargi l'horizon de l'anthropologie. Les outils de l'analyse marxiste devenaient opérants : critique de l'économie politique et analyses de systèmes non capitalistes pouvaient enfin s'enrichir mutuellement. Claude Meillassoux a ainsi fait voler en éclat le cloisonnement disciplinaire; ouvrant la voix à une réflexion d'ensemble renouvelant l'approche du matérialisme historique, son oeuvre porte dès lors sur des champs variés : l'analyse des sytèmes économiques des sociétés dites traditionnelles; l'articulation de la production capitaliste avec l'économie domestique; la mise à jour de la liaison entre prétendues "données objectives" qui obèrent le développement des sociétés du Sud (catastrophes naturelles et famine, accroissement démographique, poids de la dette...) et les politiques libérales de la haute bourgeoisie mises en oeuvre par ses institutions internationales (Banque mondiale et FMI notamment), etc. Ici, avec " Du bon usage des classes sociales", il complète l'analyse de Marx en avançant le concept de corps social, distinct de celui de classe sociale : les corps sociaux (corps d'Etat, comme l'armée ou le corps enseignant, mais aussi politiciens, cadres d'entreprise, intellectuels...) effectuent les tâches de la classe sociale qui les emploie (fonctions administratives, répressives, éducatives...), croyant la représenter de façon essentielle. Dans "Sur les terrains de Claude Meillassoux", un certain nombre de ses collègues et amis ont tenu à lui rendre hommage. Y ont contribué : Etienne Balibar, Pierre Bonte, Robert Cabanes, Jean Copans, Catherine Coquery-Vidrovitch, Benjamin Coriat, Gérald Gaillard, Jesus Garcia-Ruiz, Christian Geffray, Francis Gendreau, Jacques Marchand, Catherine Quiminal, Pierre-Philippe Rey, Bernard Schlemmer, Pierre Tripier, Martin Verlet, Jacques Véron, Roland Waast. Une bibliographie des travaux de Claude Meillassoux suit cet hommage. (Resumé d'auteur)

Ce colloque a pour thème les rapports entre anthropologues, développeurs et développés. En effet, les discours et les pratiques du développement sont partie intégrante des sociétés étudiées. Des études de cas (Togo, camps de réfugiés Tibétains, Côte d'Ivoire, Malaisie, Guinée, Tchad, Polynésie Occidentale) présentent différents projets de développement proposés aux paysans pour faire face aux problèmes agricoles, économiques et alimentaires, et leurs effets sur l'organisation des sociétés rurales. Parfois (Mali, Togo), ce sont les paysans eux-mCemes qui sont à la fois décideurs et acteurs de leurs stratégies de développement. Le décalage entre le projet de développement et sa réalisation effective révèle l'opposition entre la logique paysanne et la rationnalité économique des développeurs. La dernière partie est constituée d'une réflexion théorique sur le développement considéré comme objet scientifique, et sur le rôle et la place de la recherche et du chercheur. Les différentes analyses montrent qu'il devient urgent de parvenir à une compréhension plus fine des articulations et des contradictions entre les logiques des développeurs et celles des paysans.

Depuis quelques années, la délocalisation de certaines filières maraîchères d'Extrême Orient vers l'Asie du Sud-Est est en cours. Depuis 1989, la rentabilité très élevée de la culture d'asperge verte a ainsi été utilisée sur un éventail alluvionnaire irrigué de la Thaïlande centrale afin d'aider au désendettement d'une majorité de petits agriculteurs visant la maximisation de leur revenu net à l'unité de surface. L'article présente le bilan de la composante d'un projet appuyant la création et la structuration d'un groupement de producteurs. Il éclaire les rôles joués par les différents acteurs de la nouvelle filière dans la génération et la modification de l'innovation technique et organisationnelle. Certaines conséquences négatives sur le milieu physique sont mises en évidence soulignant la difficulté de la promotion d'une gestion durable auprès d'acteurs poursuivant des stratégies à très court terme. L'impact sur le milieu social montre et explique pourquoi les bénéficiaires n'appartiennent pas tous au groupe cible visé. Les différences de moyens de production et de stratégies entre membres du groupement expliquent en partie les limites rapidement atteintes dans sa structuration. Enfin le caractère déterminant des rapides modifications de l'environnement économique des exploitations dans une des provinces les plus dynamiques du pays est montré. Les actions de recherche système doivent impérativement en tenir compte afin de conserver leur pertinence et avoir un impact significatif. L'approche multiéchelles est alors incontournable. (Résumé d'auteur)

Deux exemples aussi différents que la diffusion de la cacaoculture en Afrique de l'Ouest et l'impact des politiques agricoles au Mexique permettent de préciser l'influence réciproque entre changement technique et environnement économique. Une formalisation est proposée : nouveauté technique simple, adaptation, mutation et effets d'une crise. Nous en déduisons que le système technique d'une société agricole est en "équilibre" avec l'environnement économique. Le caractère opérationnel des connaissances paysannes et des relations sociales d'apprentissage amène à relativiser l'importance de la formation et de la vulgarisation agricole. Par contre, la réponse efficiente des unités de production aux modifications de l'environnement économique fait de celui-ci un efficace outil de développement. Les politiques agricoles doivent veiller à ce qu'un environnement économique sécurisant et peu coûteux pour l'Etat se mette en place, seule condition du changement technique durable. (Résumé d'auteur)

L'exemple de la société Mossi, dans la Haute-Volta coloniale de l'entre guerre, promue pourvoyeuse de main-d'oeuvre pour les besoins de "l'empire français", offre un démenti flagrant au système de pensée de Malthus, et permet de saisir l'évolution d'une situation en équilibre de la main-d'oeuvre vers un déséquilibre, qui va peser singulièrement sur le travail des femmes, et va se résoudre par la migration et la segmentation des unités de production. Pour le démontrer, l'article analyse la lente érosion des stratégies traditionnelles de la gestion de la force de travail agricole au sein des unités de production, et évalue l'impact sur les stratégies de l'organisation des flux migratoires, en établissant les modalités de ce que l'on appelait la mise en valeur des colonies et les conditions de libération de la force de travail

La théorie de la transition démographique considère les déséquilibres démographiques comme des effets inattendus dans le processus conduisant à un équilibre démographique moderne (faible natalité/faible mortalité). C'est généralement une caractéristique des pays sous développés ou la fécondité des femmes demeure élevée et la mortalité infantile en baisse très faible. Les théories de la modernité accusent les attitudes culturelles pronatalistes pour expliquer ces déséquilibres, dûs en fait aux effets pervers de la modernisation ou des stratégies de survie qu'elles imposent. Le cas du Zaïre est à cet égard éclairant : le pays qui a mené une politique "moderniste" sans pour autant se développer, s'est vu imposer une politique d'ajustement structurel, qui n'a fait que renforcer la destruction des conditions de vie et de reproduction biologique. C'est là l'explication des stratégies économiques et sociales développées par les familles pour minimiser les risques d'extinction

Les quelques faits concernant le Bangladesh présentés dans cette contribution interrogent l'idéologie de la surpopulation qui tend à voir dans la pression démographique la cause première du sous développement et des problèmes alimentaires. On constate ainsi qu'une forte natalité provoque et favorise le développement technologique et la productivité. La productivité agricole par acre est passée de 0,63 en 1950 à 0,78 à la fin des années 70. La révolution verte a joué un rôle évident dans cette croissance, comme est évidente la relation entre la densité de la population rurale et l'adoption de cette technologie. De plus, dès que les paysans disposent de revenus supérieurs, ils investissent dans un achat producteur de revenus (vache, machine) ou dans la scolarité de leurs enfants. Cette stratégie tend à prouver que c'est grâce à leurs enfants plus éduqués que baissera le taux de fécondité plutôt que par des méthodes exogènes imposées