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On voudrait, ici, attirer l’attention sur quelques œuvres d’un artiste sans doute mineur, Francesco Gallimberti, né à Venise en 1755 et mort à Vienne en 1803 (fig. 1). Elles ont été prises en considération moins pour leur valeur artistique que pour leur signification historique. Il s’agit, en effet, de manifestes idéologique liés à la phase cruciale des dernier moments de la République aristocratique vénitienne et de la courte parenthèse du gouvernement démocratique provisoire qui, comme l’on...

« À 50 ans de distance à peine, les événements concrets et leur chronologie [sont] déjà mangés, dissous dans la brume du mythe. » Henry James, Heures italiennes. Plus que toute autre ville, Venise a donné naissance à des images d’elle-même qui se sont propagées dans l’Europe entière. Comme le dit Henry James, la ville de Venise s’empare rapidement des événements de son histoire pour les intégrer à son image. Qui croire alors ou que lire pour retrouver et comprendre l’histoire de la Sérénissim...

Le concept de cittadinanza met en jeu des problématiques historiques et juridiques complexes. En droit romain, le ius civitatis désigne le lien entre l’individu sujet de droit et sa communauté socio-politique dont étaient exclus l’étranger aussi bien que l’esclave. Dans la période communale, le pacte de fondation se conclut entre cives optimo iure, c’est-à-dire, entre ceux qui se considèrent comme les meilleurs et les plus actifs des habitants de la cité. D’autres peuvent, par la suite, acqué...

L’image de Venise comme ville musicale idéale est esquissée pendant tout le xviiie siècle par les récits des voyageurs et par les notations des écrivains. Cette image se construit surtout sur la base de trois aspects différents de la vie musicale vénitienne : la musique des grandes institutions – la chapelle ducale de San Marco, les quatre Ospedali et les théâtres – qui ne sont pas étroitement limitées par les lois de l’État ou par des règles esthétiques ; la musique dispersée, fragmentée, sp...

« Civitas metaphysica »« Les vérités de la métaphysique sont les vérités des masques » (O. Wilde) La Raison et les masques À la fin, le vieux lion de Saint-Marc a courbé l’échine devant l’aigle impérial et le coq patriotique, et a été vendu, comme un fauve dompté et inoffensif désormais, au sérail autrichien. En réalité seule la peau du lion a été vendue, trophée de chasse de l’expansionnisme vorace de la bourgeoisie européenne des Lumières. Mais son âme est restée, intacte et insaisissable c...

Les « affaires de Venise » Le 12 mai 1797 le Grand Conseil réuni pour la dernière fois de sa longue histoire votait son auto-abolition. Par le décret du 12 mai, les patriciens renonçaient à leur pouvoir et proposaient de réformer le gouvernement : la République vénitienne devenait démocratique. Le 16 mai, alors que les troupes françaises, invitées par l’ancien gouvernement lui-même afin d’assurer le maintien de l’ordre, avaient pénétré dans la ville, un dernier manifeste du « Sérénissime Prin...

« La République vénitienne est vieille ; elle a duré longtemps, à présent les causes de la décadence des empires et des autres républiques sont en elle. Luxe, mœurs corrompues et licencieuses [...]. La République est dans un état funeste : menacée, sans amis, sans argent, sans renommée, sans amour pour la chose publique. » Comme le soulignent ces jérémiades qu’un jeune patricien reportait dans son journal durant les années 1732-1734, l’avenir de la Sérénissime apparaissait pour le moins sombr...

La République des castors : c’est ainsi que Montesquieu, d’après un témoignage de Pierre Daru, appelait Venise. Qu’entendait-il, au juste, par là ? La ténacité, certes, avec laquelle les habitants de la lagune avaient fait surgir de l’eau la « ville la plus triomphante » du monde, mais sa précarité aussi, qui pouvait à chaque instant la mettre en butte aux convoitises des hommes et à l’usure du temps. Ainsi, en un jour, le 12 mai 1797, la vague napoléonienne devait emporter la vieille République qui avait résisté pendant un millénaire à toutes les menaces, à tous les dangers. C’est autour de cet événement – situé comme « épisode » dans ses tenants et aboutissants immédiats, mais aussi dans une ligne de « tendance » séculaire –, et pour en commémorer l’anniversaire, que ce recueil est organisé. Il ne s’agit pas d’un livre, qui viendrait s’ajouter à l’immense bibliographie sur l’histoire de Venise, mais plutôt d’un guide pour ce qui, dans cette histoire, a fait et fait encore problème : le « mythe politique », le statut des « citoyens », les querelles théâtrales, les circonstances de la chute, les débats et controverses dont la République fut l’objet après 1797, et tout au long du XIXe siècle. Si deux légendes ont fleuri autour de Venise et de son histoire, une légende dorée et une légende noire, ce recueil, en déroulant un fil continu entre les deux, tente de montrer comment l’une ne fut que le reflet inversé de l’autre. C’est ce qui fait, au fond, la singularité de Venise dans l’histoire européenne.

Dans la dernière décennie du xve siècle Philippe de Commynes, qui fut ambassadeur de Charles viii à Venise en 1495, remarquait dans ses Mémoires que les Vénitiens « ont bien cognoissance par Titus Livius des fautes que firent les Romains ; car ilz en ont l’histoire et aussi les os en leur palais de Padoua. Et pour ces raisons et maintes aultres que je cogneü en eulx, diz une autre foiz qu’ilz sont en voie d’estre bien grans ». À la fin d’un autre siècle, en 1797, sous la pression des armées d...

Les écrivains du xixe siècle qui ont vu en Venise le paradigme de la déchéance inévitable, du dépérissement macabre ou de la mort flamboyante ont transposé sur le plan littéraire des idées qui ont germé et prospéré dans la pensée d’historiens. En réponse aux vicissitudes du temps, l’idée de décadence s’est enracinée à partir du xviie siècle au cœur des problématiques qui ont animé l’histoire vénitienne. La disparition de la République a conféré à la notion un statut pivot autour duquel toute ...

Cet article s’interroge sur les marges de manœuvre des petits États à l’époque moderne. À travers l’étude de cas de l’affaire des sucres entre la république de Venise et la France (1751-1753), il s’agit d’évaluer si, au xviiie siècle, un petit État méditerranéen peut poursuivre – et, dans ce cas, comment – une politique commerciale autonome face aux intérêts d’une grande puissance. L’affaire des sucres entre Venise et la France permet aussi d’identifier les mesures qu’un petit État adopte pour garder sa capacité de négociation en l’absence d’organisations multilatérales permettant de réduire l’asymétrie vis-à-vis des grandes puissances. Malgré cette disproportion de moyens, l’article suggère qu’au xviiie siècle les entités politiques faibles ont à leur disposition des marges d’action pour faire face aux pressions des puissances majeures. This article examines the policy space of small states in the Early modern period. Through the case study of the sugar affair between the Republic of Venice and France (1751-1753), it assesses whether, in the 18th century, a small Mediterranean State could achieve (and, in this case, how) an autonomous commercial policy in the face of great power’s interests. The sugar affair between Venice and France allows to identify the measures that a small power could adopt to maintain its negotiating position in the absence of multilateral organizations that reduce the asymmetry vis-à-vis a major power. Despite this disproportion of means, this article suggests that, in the 18th century, weak political entities had some leverage to face the pressures of the major powers.

Entre 1652 et 1655, l’ambassadeur du roi de France à Venise René II de Voyer d’Argenson délivra près de trois cent cinquante passeports à des personnes de toute qualité et de toute origine géographique. Un cahier de seize pages conservé dans les papiers du diplomate aux Archives diplomatiques de La Courneuve nous a exceptionnellement conservé la trace de cette activité particulière qui concerne 435 individus dont 356 sont nommément désignés. Circulant de manière écrasante de Venise vers l’ouest de l’Europe, ils sont majoritairement français. Si leurs motivations sont loin d’être toujours claires, les pèlerinages, la guerre et dans une moindre mesure les affaires les conduisent à se tourner vers l’ambassadeur pour assurer la sécurité de leur circulation sur les routes de l’Italie du Nord à une époque de conflit européen nourri. Between 1652 and 1655, René II de Voyer d'Argenson, the French king's ambassador to Venice, issued nearly three hundred and fifty passports to people of all qualities and geographical origins. A sixteen-page notebook kept in the diplomat's papers at the Archives diplomatiques de La Courneuve has exceptionally preserved a trace of this particular activity, which concerned 435 individuals, 356 of whom are named. They travelled overwhelmingly from Venice to Western Europe and were mainly French. Although their motives were far from always clear, pilgrimages, war and, to a lesser extent, business led them to turn to the ambassador to ensure the safety of their movement on the roads of northern Italy at a time of intense European conflict.

[EN] The essay explores Charles-Édouard Jeanneret s first Journey to Venice, in 1907, through original documents, which highlight new aspects of his education. The article is part of a complete research dedicated to Le Corbusier s Venice. The journey, dedicated to medieval art, led him to discover in Venice an architecture derived from Byzantine influences and connected to the East. Jeanneret s vision conditioned by the Ruskinian lesson, investigates the past and the poetics of nature, as well as the emotional value of art, appropriates the fragments of architecture. In the lagoon city, he encounters an irregular urban structure, which reflects the labyrinth: the particular asymmetries between the lagoon horizontality and the architectural verticality, where the floating water reflects the light on the surfaces, made vibrant and chromatic. Venice reveals the strong emotional component, the attention to detail and the attraction for the irregular, the pictorial passion for colors, for the light reflected, in search of the deep link between architecture and the place that will leave indelible traces in his poetics, where the lesson of the lagoon city remains profound, up to the project for the new hospital of the city: a vision that demonstrates the ability to learn from the past., [FR] L'essai explore le premier voyage de Charles-Édouard Jeanneret à Venise, en 1907, à travers des documents originaux, lettres, dessins, photographies, qui mettent en lumière de nouveaux aspects de sa formation. L extraits fait partie d'une recherche complète consacrée à la Venise de Le Corbusier. Le voyage in Italie, orienté vers l'art médiéval, le conduit à la découverte à Venise d'une architecture en relation directe avec l'Orient. La vision de Jeanneret conditionnée par la leçon ruskinienne, tout en interrogeant le passé et la poétique de la nature, ainsi que la valeur émotionnelle de l'art. Dans la ville, il rencontre une structure urbaine irrégulière issue de la nature, qui reflète le labyrinthe de canaux et de terres émergeant des lagunes et les asymétries particulières entre l'horizontalité lagunaire et la verticalité architecturale, où l'eau flottante reflète la lumière sur les surfaces, rendues vibrantes et chromatiques. Le voyage à Venise révèle la forte composante visionnaire, autour du monde des formes, le souci du détail et l'attrait pour l'irrégulier, la passion picturale pour les couleurs, pour la lumière, à la recherche du lien entre l'architecture et le lieu qui laissera des traces indélébiles dans sa poétique, où l'enseignement de la ville lagunaire reste profond: une vision qui démontre la capacité à apprendre du passé, [ES] El ensayo explora el primer viaje de Charles-Édouard Jeanneret a Venecia, en 1907, a través de documentos originales, que destacan nuevos aspectos de su educación. El viaje, dedicado al arte medieval y a la pintura de primitivos , lo llevó a descubrir en Venecia una arquitectura derivada de las influencias bizantinas y conectada con Oriente. La visión de Jeanneret condicionada por la lección ruskiniana, investiga el pasado y la poética de la naturaleza, así como el valor emocional del arte, se apropia de los fragmentos de la arquitectura. En la ciudad laguna, se encuentra con una estructura urbana irregular, que refleja el laberinto de canales: las asimetrías particulares entre la horizontalidad lagunar y la verticalidad arquitectónica, donde el agua flotante refleja la luz sobre las superficies, tornadas vibrantes y cromáticas. El viaje a Venecia revela el fuerte componente emotivo, la atención al detalle y la atracción por lo irregular, la pasión pictórica por los colores, en busca del vínculo profundo entre la arquitectura y el lugar que dejará huellas imborrables en su poética, donde queda profunda la lección de la ciudad lagunar, hasta el proyecto del nuevo hospital de la ciudad: una visión que demuestra la capacidad de aprender del pasado.

Origin and evolution of the gondola have been reconstructed from historical and documentary written and pictorial sources (figures in books, engravings and paintings), in relation to the physical environment of the Lagoon, its morpho-dynamics with shallow and deep waters, marshes and canals. Particular care has been applied to the physical and hydrodynamic aspects in order to interpret the data and understand how the ancient Venetians could have had an advanced knowledge of the tidal range from sea stairs, tidal phase from the algae colour and direction, bottom depth from surface ripples, and exchanges between the Lagoon and the sea from suspended debris. The various elements of the boat are considered in terms of use and physical advantage, e.g. rowing style, cabin, hull and decorations. The boat evolution has been followed and documented over the centuries. This study clarifies the original shape of the gondola in the 11th century, from the analysis of the contemporary manuscripts and Byzantine mosaics in Ravenna and Venice, and a tablet of the early 14th century. In the 16th century, the gondola changed shape and size. The reason of this restyling was unknown, but has been found in the contemporary edicts, diaries and chronicles and other historical sources. The transformation was kept as a military secret, as well the production of a fleet of small boats provided of rostrums to sail on the rivers Po and Adige and fight against Ferrara and its Allies of the League of Cambrai. A comparison with the Viking- Norman vessels of Bayeux, Palermo and some codices show several strong analogies with the military gondolas of the 16th century. An overview of the written and pictorial sources has allowed to classify the various gondola types and recognize several technical details. Finally, the size and depth have been considered to interpret the ancient chronicles that mentioned that in the occasion of the most extreme storm surges, the gondolas could ride on San Marco Square, i.e. the flooding water depth necessary to float and to navigate over street paving. L'origine et l'évolution de la gondole vénitienne ont été reconstituées à partir de sources écrites et picturales historiques et iconographiques (figures de livres, gravures et peintures), en relation avec l'environnement physique de la lagune de Venise, en particulier sa morphodynamique caractérisée par des eaux de profondeurs variables et la présence de marais et de canaux. Un soin particulier a été porté aux aspects hydrodynamiques afin d'interpréter les données et de comprendre comment les anciens Vénitiens avaient une connaissance avancée de l'amplitude des marées par l’observation des escaliers marins, de la phase des marées grâce à la direction des algues, la profondeur des fonds lagunaires ou les échanges entre la lagune et la mer à partir des débris en suspension. Les différents éléments de la gondole sont analysés en termes d'utilisation et d'avantage, par ex. le style d'aviron, la cabine, la coque ou les décorations. L'évolution du bateau a été suivie et documentée au fil des siècles. Cette étude précise la forme originale de la gondole au XIe siècle, à partir de l'analyse de manuscrits contemporains, des mosaïques byzantines de Ravenne et de Venise et d'une tablette du début du XIVe siècle. Au XVIe siècle, la gondole change de forme et de taille. La raison de cette transformation était inconnue, mais a été retrouvée dans les édits contemporains, les journaux, les chroniques et d'autres sources historiques. La transformation fut gardée comme un secret militaire, ainsi que la production d'une flotte de petits bateaux munis de rostres pour naviguer sur le Pô et l’Adige et lutter contre Ferrare et ses alliés de la ligue de Cambrai. Une comparaison avec les navires vikings-normands de Bayeux, de Palerme et certains codex montrent plusieurs analogies fortes avec les gondoles militaires du XVIe siècle. Un aperçu des sources écrites et picturales a permis de classer les différents types de gondole et de reconnaître plusieurs détails techniques. Enfin, la taille et la profondeur ont été prises en compte pour interpréter les anciennes chroniques qui mentionnaient qu'à l'occasion des ondes de tempête maximales, les gondoles pouvaient naviguer sur la place Saint‑Marc, permettant d’estimer la profondeur d'eau nécessaire pour flotter dans les rues.

Hervé Guibert et l’Italie : ce qui peut être considéré comme un sujet de circonstance ou extravagant est une réalité qui circule de livre en livre et innerve toute la production artistique de l’auteur, de ses débuts, jusqu’à sa fin. Dans cet article, l’auteur souhaite esquisser le panorama de ce rapport de Guibert à l’Italie, à la fois poétique, érotique et fantasmatique.

Cosmopolite, cannelée d’eau et d’histoire, Amsterdam est l’archétype de la ville-fleuve pour les écrivains qui s’immergent dans l’expérience thaumaturgique de son mouvement perpétuel, selon des itinéraires littéraires à la fois singuliers et jumeaux, sondant l’image spéculaire d’une ville d’architecture, d’eau, de lumière et de vent dont les reflets démultipliés entrelacent à l’infini l’intime et l’universel, ricochant d’un miroir à l’autre à la recherche de la gémellité perdue avec son double.

L’Enfer du couvent d’Arcangela Tarabotti est un témoignage critique sur la condition des filles contraintes à prendre le voile à Venise au xviie siècle. À la description des souffrances vécues s’ajoute une magistrale analyse des causes politiques, économiques et culturelles de ce phénomène., L’Enfer du couvent by Arcangela Tarabotti is a critical testimony on the conditions of these girls forced to take the veil in seventeenth century Venice. In addition to the description of the suffering, there is a masterful analysis of the political, economical and cultural causes of this phenomenon.

Les Lettres sur la danse, et sur les ballets (1760) de Jean-Georges Noverre ont été diffusées à Venise grâce au tome consacré aux Arts académiques de l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke publiée à Padoue en 1787, et à la publication en 1794 d’extraits des Lettres traduits en italien par Antonio Piazza pour la Gazzetta urbana veneta. Ce changement du contexte dans lequel ont été lues et consultées les Lettres – qui mélangeait l’entraînement corporel et la poétique de danse – a ainsi affecté leur réception.

Cet excursus porte sur trois chorégraphies composées par des maîtres à danser italiens, et conservées en notation Beauchamp-Feuillet : Grossatesta, Balletti, c. 1726 ; Ganasetti, Balletto, 1729 ; L’Ammazzone (an.). Le corpus se prête à une analyse comparative entre des chorégraphies de même nature, qui sont des danses de couple. Il présente des caractéristiques différentes de composition et de niveau technique, strictement liées à leur finalité : danse de salon, para-théâtrale et théâtrale.

La présente contribution porte sur le traité de Vincenzo Nolfi, Ginipedia ovvero avvertimenti civili per donna nobile, publié à Venise en 1631. Cet ouvrage s’inscrit dans la longue tradition des manuels de savoir-vivre, mais dédié pour la première fois à la gent féminine – plus précisément à l’épouse de l’écrivain –, révélant ainsi le statut particulier, plutôt favorable, de la femme dans la République Sérénissime. La diffusion du traité coïncida en outre avec le développement et l’âge d’or de l’opéra, qui accorda aux femmes une place de choix dans le théâtre en musique. L’auteur, également dramaturge, appartenait à l’Académie des Incogniti qui joua un rôle important dans ce développement, les derniers chapitres du traité, consacrés au comportement de la dame dans les banquets, les concerts et les théâtres, en portent ainsi la trace, renforcée par la dimension métathéâtrale de la Favola d’Imeneo, insérée au milieu du traité, comme théâtralisation allégorique des noces de l’écrivain. Le propos sera ainsi plus globalement d’analyser les rapports particuliers que le public féminin entretient avec l’univers théâtral en général, opératique en particulier, notamment à travers un intéressant parallèle entre le portrait féminin brossé par le dramaturge dans son traité et les héroïnes des opéras vénitiens. This paper focuses on Vincenzo Nolfi’s treatise Ginipedia ovvero avvertimenti civili per donna nobile, published in Venice in 1631. The treatise belongs to the long tradition of manuals of manners, but as it is dedicated for the first time to women – more precisely to the writer’s wife – it reveals the particular, rather favourable, status of women in the Serenissima Republic. Its circulation also coincided with the development and golden age of opera, which gave women a prominent place in musical theatre. The author, who was also a dramatist, belonged to the Accademia degli Incogniti, which played an important role in this development. The last chapters of the treatise, devoted to the behaviour of the lady in banquets, concerts and theatres, bear witness to this and emphasize it by the metatheatrical dimension of the Favola d’Imeneo, inserted in the middle of the treatise, as an allegorical dramatisation of the writer’s wedding. More generally, the aim will be to analyse the particular relationship that the female audience has with the theatrical world in general, and with opera in particular, especially through an interesting parallel between the female portrait painted by the playwright in his treatise and the heroines of Venetian operas.

Le 22 décembre 1756, Carlo Rotta Palatier arrête une embarcation qui navigue sur le fleuve Brenta en direction de Venise. Le patron de la barque, Francesco Rubustelli, n’est en effet pas en mesure de lui montrer de sauf-conduit à son nom délivré par la Giustizia Vecchia. Le contrôleur envoie alors un message à l’autorité concernée. Cette lettre, retrouvée dans les archives, comporte une simple adresse au dos : « à la très excellente magistrature de la Giustizia Vecchia, Rialto, Venise ». Le c...

Quelles que soient les sources étudiées, quelle que ce soit l’échelle d’analyse, collective ou individuelle, le monde des pêcheurs et des vendeurs de poisson apparaît comme exclusivement masculin. Les organisations, en communautés ou dans la corporation, sont des formes de collectifs originaux dans la ville, regroupant des acteurs de conditions différentes, dont la profession n’est pas forcément la même. Finalement cette appellation de « pêcheur vénitien » est davantage qu’un simple métier ; ...

Jusqu’au XVIIe siècle, les produits de la mer présents sur les étals proviennent en grande partie de la lagune, zone de référence pour les activités de pêche qui s’y développent à partir de l’Antiquité. Ainsi, c’est l’espace de référence des principes qui régissent la materia del pesce. La lagune a retenu l’attention des historiennes et des historiens de différentes manières. Les spécialistes ont d’abord voulu comprendre la façon dont les infrastructures urbaines s’étaient développées dans un...

Cette recherche étudie les modalités d’approvisionnement de la ville de Venise en produits de la mer (poissons, crustacés et coquillages) au XVIIIe siècle, dans un système qui concerne à la fois des acteurs, des pratiques, des espaces et des modes de gouvernement. L’analyse prend comme point de départ les espèces, leurs lieux de croissance, les rythmes de production, puis l’exploitation du poisson qui devient une ressource alimentaire pour la ville. À Venise, l’ensemble des habitants, des patriciens aux membres du popolo les plus fragiles, consomme des produits de la mer quotidiennement et sous toutes leurs formes. Cette place remarquable du poisson dans l’alimentation a entraîné, chez les acteurs impliqués dans ce système, pêcheurs, marchands et gouvernants, d’intenses réflexions autour de la propriété, de la gestion, de l’exploitation et de la protection des espèces. L’étude se situe par conséquent à la croisée de plusieurs champs historiques (histoire environnementale, histoire sociale et histoire des institutions) et emprunte également certaines de ses approches à l’histoire économique et à l’histoire urbaine. L’enjeu est de déterminer comment se crée et se négocie un système de gestion et d’exploitation d’une ressource, impliquant des savoirs politiques, des savoirs techniques et des usages particuliers élaborés dans des milieux lagunaires et maritimes. Cette interaction est en pleine évolution au XVIIIe siècle, à une période où les mécanismes marchands et économiques sont soumis à des évolutions de conception profondes. Les ressources de la mer n’échappent pas à ces questionnements et la materia del pesce, expression utilisée par les magistrats vénitiens, devient un espace de négociation, mais également de lutte, entre les acteurs du système et les gouvernants dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Qu’il s’agisse des communautés, des compagnies de pêcheurs, ou encore de la corporation des poissonniers, ces collectifs structurent en partie les réseaux d’acteurs de la materia del pesce. Au-delà apparaît une multitude d’acteurs qui, s’ils appartiennent bien souvent à un des groupes mentionnés, créent également des interactions professionnelles agissant parfois en dehors des collectifs. La plupart du temps, lorsqu’ils sont mentionnés individuellement dans les sources, les travailleurs évolu...

Qu’il soit pêché dans l’Adriatique ou dans la lagune, le poisson doit être acheminé vers Venise. Mais comment les produits de la mer entrent-ils dans une cité sans porte ni muraille, entourée d’eau ? À quel moment peut-on considérer que le poisson franchit les limites de la ville ? Les produits de la mer suivent un circuit précis avant d’arriver sur les étals vénitiens, organisé autour de plusieurs points de contrôle : entrée de la lagune, contrôle de la quantité, contrôle sanitaire, taxation...

En 1996, Walter Panciera écrit à propos de la société vénitienne : Hormis les grands marchands qui s’identifièrent dès le départ comme faisant partie du groupe qui gouvernait la République, les acteurs de la bureaucratie d’État, les avocats, les notaires, les domestiques et quelques vendeurs ambulants de faible poids économique, l’ensemble du monde du travail urbain était substantiellement lié aux corps des corporations. Dans le monde professionnel tourné vers l’exploitation du poisson, cette...

La gestion concertée de l’exploitation du poisson entre les communautés de pêcheurs et les autorités vénitiennes est progressivement remise en cause au XVIIIe siècle. D’une part, les problèmes de pénurie sont constamment envisagés par les autorités comme dus à la surpêche et entraînent une politique de protection des ressources halieutiques qui limite l’activité des pêcheurs. D’autre part, l’élargissement des zones de pêche à l’Adriatique rompt l’équilibre existant entre les différentes commu...

En février, les daurades à peine nées pénètrent dans la lagune vénitienne pour trouver refuge au détour de méandres des ghebbi*, ces petits canaux secondaires qui cheminent autour des marécages. Entre les eaux saumâtres plus tièdes et la basse végétation qui les protègent des prédateurs mais pas des hommes, ces alevins trouvent de quoi se nourrir. Le temps d’apprendre à se mouvoir dans ce nouvel environnement, ces poissons qui n’ont pas atteint la taille adulte sont happés par des petits file...

Arrivé dans la ville, le poisson doit maintenant être vendu aux habitants. Qu’ils soient débarqués sur les rives de Rialto, à San Biasio ou à San Nicolò dei Mendicoli, les produits de la mer sont attendus par les consommatrices et les consommateurs et font l’objet de transactions qui se déroulent sur les places, dans les rues, aux portes des maisons, ou depuis les canaux et les barques amarrées. Comme pour la pêche, la vente des produits de la mer relève des compétences des magistrats de la G...

Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les officiers de la Giustizia Vecchia interagissent avec les organisations mises en place par les pêcheurs et les poissonniers ; ces négociations constantes montrent que ce marché n’est pas le produit d’une opposition claire entre gouvernants d’une part et acteurs de ce secteur d’approvisionnement d’autre part. Les rouages internes de la magistrature et l’action des fanti révèlent qu’il n’y a pas de séparation stricte entre les pêcheurs et les autorités pour ...

Si une grande partie des poissons consommés par les Vénitiens restent des poissons élevés ou pêchés dans la Lagune, au XVIIIe siècle, les spécimens capturés en Adriatique sont de plus en plus nombreux. À la fin de l’époque moderne, la possible raréfaction des ressources halieutiques lagunaires provoque chez les magistrats vénitiens une crainte de leur épuisement. Cette idée, présente de manière récurrente dans les textes de préparation des lois, enjoint les autorités concernées à envisager d’...

On trouve des pêcheurs dans le monde entier ; mais à Venise, ils sont aussi à l’origine de la prodigieuse cité, au sein de laquelle cette profession est la plus ancienne. Écrite vers 1754 par Giovanni Grevembroch, qui réalise une série de portraits de Vénitiens, cette citation révèle la notoriété dont jouissent les pêcheurs au XVIIIe siècle. L’idée selon laquelle les premiers habitants de la lagune auraient construit un État influent en Méditerranée à partir de l’exercice de la pêche résonne ...

Au terme de cette étude, le monde du poisson apparaît comme un système spatial et social négocié qui permet de comprendre la façon dont un aliment nécessaire aux habitants et habitantes vénitiens est perçu, exploité et géré dans une société d’Ancien Régime. Étudier ces marchés de la mer XVIIIe siècle révèle des bouleversements dans la gestion des circuits dont les nouveautés sont économiques, politiques, environnementales et sociales. Depuis l’Antiquité, les pêcheurs et poissonniers étaient d...

Lorsque la république royale de Naples est proclamée le 22 octobre 1647, la république de Venise est une référence mobilisée par ses dirigeants. Une fois nommé doge, Henri de Lorraine entame des négociations avec la Sérénissime pour obtenir son soutien. Les entrevues entre le duc de Guise et le résident de Venise révèlent autant les pratiques originales des républiques pour s’intégrer à une Europe des princes que la diffusion de l’idée d’une alliance naturelle entre républiques. Pourtant, Venise fait le choix d’ignorer les appels à l’aide de Naples. La révolution napolitaine empêche la Sérénissime d’obtenir le secours des princes européens dans la guerre qui l’oppose aux Turcs. Surtout, le Sénat ne perçoit pas le nouveau gouvernement de Naples comme une véritable république. Les relations entre les deux États dévoilent la vivacité et la complexité des idées républicaines prémodernes. When the Royal Republic of Naples was proclaimed on the 22 October 1647, the Republic of Venice was a reference mobilised by its leaders. Once appointed doge, Henry de Lorraine began negotiations with the Serenissima to obtain its support. The meetings between the Duke of Guise and the resident of Venice reveal both republics’ original practices to integrate a Society of Princes, and the spread of the idea of a natural alliance between republics. However, Venice chooses to ignore Naples’ calls for help. The Neapolitan revolution prevents the Serenissima from obtaining the help of European princes in the war against the Turks. Above all, the Senate doesn’t recognize the new government of Naples as a true republic. The relations between the two states reveal the strength and complexity of premodern republican ideas.