Il s'agit d'étudier les enjeux psychopathologiques et socioculturels du TDI (Trouble Dissociatif de l'Identité), en lien avec la façon dont l'épidémie des « personnalités multiples » s'est dissoute à la fin du XXe siècle. Nous retraçons d'abord l'histoire du trouble dissociatif en revenant sur les critères diagnostiques du TDI (DSM-5 et CIM-11) pour les comparer avec ceux de l'ancien TPM (Trouble de la Personnalité Multiple) du DSM-III. Nous revenons ensuite sur le concept de « dissociation » en psychiatrie, en soulignant quelques difficultés de traduction et sa plurivocité. Puis, nous proposons de mobiliser le concept des effets de boucle (I. Hacking) pour rendre compte de l'évolution de la nosologie des classifications internationales. Enfin, nous concluons sur les enjeux de la pratique clinique auprès de patients concernés. Le changement de nomination du trouble dissociatif (de TPM à TDI) s'est effectué en réponse à des controverses médico-légales des années 1990. Pour autant, cette nouvelle étiquette diagnostique ne résout ni la problématique épistémologique autour de la dissociation (autour du différentiel névrose/psychose), ni la question des accompagnements thérapeutiques. Le TDI fait aujourd'hui l'objet de deux lectures opposées entre le modèle psychotraumatique et le modèle socio-cognitif. S'ils présentent des écarts et des conceptions irréconciliables de la dynamique des troubles psychiques, ils soulignent tous deux de nombreux points communs à propos du TDI. L'existence de la possibilité de cohabitation de différentes consciences, identités, ou personnalités n'est pas remise en cause. De même, la question du traumatisme est examinée par les tenants des deux modèles. Le succès du TDI pourrait ainsi être en partie expliqué comme un retour de la thèse initiale de la division subjective (Freud, Lacan), incompatible avec l'idée d'un moi fort unifié comme idéal de santé mentale. Pour autant, la logique de « boucle » propre aux classifications des troubles psychiques conduit à reconnaître au TDI une possibilité de nomination par les patients de certains de leurs symptômes. Ainsi, la question n'est pas de déterminer la supériorité d'un modèle « explicatif » du TDI mais d'examiner la dynamique qui a conduit le sujet à être identifié à ce diagnostic. Dans le cas que nous présentons, le TDI est lié à un vécu psychotique chez le patient. Le succès du TDI est contemporain d'interrogations sociales autour des questions d'identité. Les dynamiques du lien social propres au développement de nouvelles nominations ne peuvent cependant pas éclipser un certain réel de la folie se manifestant au travers de phénomènes dissociatifs. L'inconscient comme autre scène peut ainsi éclairer la logique de ces mécanismes, notamment en s'appuyant sur les outils du diagnostic structural proposés par la psychanalyse d'orientation lacanienne. Ces repérages permettent de préciser les conditions d'un accueil et d'une élaboration des troubles sous transfert pour les patients concernés. The aim is to examine the psychopathological and sociocultural implications of DID (Dissociative Identity Disorder), in relation to the way in which the epidemic of "multiple personalities" had dissipated by the end of the 20th century. We begin by tracing the history of dissociative disorder, reviewing the diagnostic criteria of DID (DSM-5 and ICD-11) and comparing them with those of the former MPD (Multiple Personality Disorder) in DSM-III. We then return to the concept of "dissociation" in psychiatry, highlighting some translation difficulties and its plurivocity. Finally, we conclude with a discussion of the issues involved in clinical practice with the patients concerned. The renaming of dissociative disorder (from MPD to DID) was a response to the forensic controversies of the 1990s. However, this new diagnostic label resolves neither the epistemological issues surrounding dissociation (around the neurosis/psychosis differential diagnosis), nor the question of therapeutic accompaniment. Today, DID is the subject of two opposing interpretations: the psychotraumatic model and the social-cognitive model. Although they present irreconcilable differences and conceptions of the dynamics of psychic disorders, they both emphasize many points in common with regard to DID. The possibility of the cohabitation of different consciousnesses, identities, or personalities is not called into question. Similarly, the issue of trauma is examined by proponents of both models. The success of the DID could thus be partly explained as a return to the initial thesis of subjective division (Freud, Lacan), incompatible with the idea of a strongly unified ego as an ideal of mental health. However, the "loop" logic inherent in the classification of psychological disorders means that DID can be seen as a way for patients to describe some of their symptoms. So, the question is not to determine the superiority of an "explanatory" model of DID, but to examine the dynamics that led the subject to be identified with this diagnosis. In the case presented here, DID is linked to the patient's psychotic experience. The success of DID is contemporaneous with social questioning around questions of identity. However, the dynamics of the social bond, specific to the development of a new vocabulary, cannot eclipse a certain reality of suffering manifested through dissociative phenomena. The unconscious as an "autre scène" can shed light on the logic of these mechanisms, notably by drawing on the tools of structural diagnosis proposed by Lacanian psychoanalysis. These insights help to define the conditions under which transference-related disorders can be accepted and elaborated for the patients concerned. [ABSTRACT FROM AUTHOR]