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La trajectoire littéraire de Pedro de Ribadeneyra est un observatoire de choix pour étudier l’émergence d’un ministère de l’écriture dans la Compagnie de Jésus et examiner la figure de l’écrivain religieux au Siècle d’or. Son cas montre l’impossibilité de disjoindre le scriptor jésuite de l’écrivain religieux qui apparaissent comme les deux faces du ministère de l’écriture ignatien. I. — Du « lieu » institutionnel au champ littéraire : l’écrivain religieux D’un point de vue interne à la Compa...

La censure de l’ordre ignatien a été bien étudiée pour les ouvrages théologiques, philosophiques, scientifiques, ou encore historiques. Mais exception faite de l’intérêt porté à la trajectoire littéraire picaresque de Baltasar Gracián, les analyses manquent pour les autres types d’écrits, certainement parce que travailler sur ces sources est une gageure archivistique. En effet, le processus censorial jésuite ne s’effectuait pas toujours, tant s’en faut, sous le contrôle de la curie romaine. L...

Pedro de Ribadeneyra lui-même promut la canonisation d’Ignace de Loyola lors de la cinquième Congrégation générale de la Compagnie de Jésus (1593‑1594). Sa participation fut à la fois procédurale et littéraire. Examiner le rôle joué par le jésuite au cours du procès en canonisation est extrêmement complexe. Les pères réunis à Rome acceptèrent de lancer la cause et Acquaviva choisit Ribadeneyra pour superviser les démarches espagnoles du procès ordinaire. Cependant, l’ordre ignatien était alor...

I. — Présentation générale En 1572 parut à Naples la première hagiographie d’Ignace de Loyola composée par le jésuite tolédan Pedro de Ribadeneyra (1526‑1611). Cet ouvrage marqua le début de la seconde carrière, littéraire, du jésuite dans son ordre religieux, après un parcours diplomatique et politique brillant sous les trois premiers préposés généraux — Ignace de Loyola (1540‑1556), Diego Laínez (1558‑1565) et Francisco de Borja (1565‑1572). Ribadeneyra entra dans la Compagnie de Jésus en s...

En 1567, Ribadeneyra commença à rédiger l’hagiographie d’Ignace, à la demande du troisième préposé général, Francisco de Borja. Différentes versions manuscrites de la Vie du Fondateur circulaient alors au sein de l’ordre depuis sa mort. Parmi ces Vitæ se trouvait le Récit du pèlerin, narration qu’avait faite Ignace au jésuite portugais Gonçalves da Câmara pour expliquer à ses fils comment Dieu l’avait guidé « afin que cette relation puisse tenir lieu pour nous de testament et d’enseignement d...

John W. O’Malley souligne, à propos des « ministères de la Parole », que si l’on excepte deux passages sur le noviciat, les Constitutions jésuites ne mentionnent jamais le silence, contrairement aux textes législatifs d’autres ordres religieux. Parler d’abord, écrire ensuite, furent les deux activités qui revêtirent une importance cruciale dans la Compagnie de Jésus. Le passage d’un ministère de la Parole orale à l’écriture, s’il fut promu par Ignace de Loyola, ne laissa pas de susciter de no...

Dans le cadre de son apostolat scripturaire, Pedro de Ribadeneyra s’efforça de transmettre le devoir d’obéissance, auquel il était lui-même soumis, à ses frères de religion. L’ethos jésuite fut à la fois le sujet et le moyen de son activité de plume. Le ministère de l’écriture contribua ainsi à renforcer la clôture spirituelle de la Compagnie de Jésus. L’engagement de l’ordre sur une scène extérieure accrut les procédures de contrôle de l’écrit. Cependant, une relative autonomie pouvait être ...

Cette deuxième partie, menée dans une perspective à la fois interne et externe à l’ordre ignatien, analyse dans quelle mesure une figure d’auteur put émerger dans la Compagnie de Jésus et se détacher de celle du scriptor qui s’est dégagée de la première partie de cet ouvrage. Ribadeneyra construisit sa figure de scriptor dans son autobiographie à travers le prisme de l’obéissance, moyen de l’union des membres du corps de la Compagnie selon les Constitutions. Dans les écrits de Ribadeneyra uni...

Ce premier parcours, interne à l’ordre ignatien, a permis d’interroger la Compagnie de Jésus comme corps « écrivant » et Pedro de Ribadeneyra comme scriptor jésuite. La correspondance avait une fonction structurante fondamentale pour cet ordre missionnaire. Elle faisait office de clôture spirituelle ad intra en même temps qu’elle permettait de consolider le corps institutionnel ad extra. Savoir écrire et, plus exactement, savoir comment écrire, était un préalable indispensable pour tout jésui...

Les pratiques littéraires dans la Compagnie de Jésus ne peuvent être envisagées de façon autonome. Ce que nous nommons « apostolat de plume » ou encore « apostolat scripturaire » ne constituait qu’une des modalités des usages de l’écrit au sein de l’ordre ignatien, qui tous dérivaient des normes établies par Ignace de Loyola et son secrétaire, Juan de Polanco (1517-1576), pour la correspondance. Cette dernière est un point de départ indispensable pour ressaisir la valeur octroyée à l’écriture...

L’élaboration de l’image d’Ignace de Loyola, indispensable pour consolider le jeune ordre religieux ignatien ad intra et ad extra, fut l’objet de négociations et d’équilibrages constants. Nous observons premièrement que l’institution jésuite ne fut que l’un des nombreux protagonistes de la sanctification du Fondateur. La prépondérance en ce domaine du Saint-Siège, alors en proie à des débats internes sur les procédures de canonisation, amena le préposé général Acquaviva à faire preuve de la p...

L’image paternelle initiale d’Ignace, indispensable pour la jeune Compagnie en plein processus de construction identitaire et constitutionnelle, fut progressivement remodelée par Ribadeneyra alors que plusieurs des membres de l’ordre prenaient le chemin des autels. Il est possible de suivre cette trajectoire d’écriture, d’Ignace à saint Ignace, du Père au saint, grâce aux différentes versions de cette Vita, réélaborée par l’auteur lui-même. Les documents qui nous permettent d’entrer dans l’at...

À partir de la trajectoire spécifique de l’auteur jésuite Pedro de Ribadeneyra (1526-1611), à la fois personnalité centrale de la Compagnie de Jésus et écrivain réputé de son temps, cet ouvrage examine les rapports complexes entre écriture, institution religieuse et pratiques littéraires afin d’interroger la figure de l’écrivain religieux au Siècle d’or. Ces recherches, qui se proposent de revoir l’histoire religieuse au prisme de l’histoire culturelle et sociale, illustrent comment la Compagnie de Jésus, institution multipolaire dont le mode d’articulation reposait sur l’écrit — à la fois moyen de négociations et d’ajustements constants — sut s’adapter continuellement pour devenir un acteur clé de la première modernité. A partir de la trayectoria específica del escritor jesuita Pedro de Ribadeneyra (1526-1611), a la vez figura central de la Compañía de Jesús y escritor de renombre en su época, este libro examina la compleja relación entre escritura, institución religiosa y prácticas literarias para profundizar en la figura del escritor religioso en el Siglo de Oro. Esta investigación, que pretende revisitar la historia religiosa a través del prisma de la historia cultural y social, ilustra cómo la Compañía de Jesús, institución multipolar cuyo modo de articulación se basaba en la palabra escrita —a la vez medio de negociación y de ajuste constante—, fue capaz de adaptarse continuamente para convertirse en un actor clave de la modernidad temprana. Based on the particular trajectory of the Jesuit author Pedro de Ribadeneyra (1526-1611), both a central figure in the Society of Jesus and a renowned writer of his time, this book examines the complex relationship between writing, religious institution, and literary practices in order to interrogate the figure of the religious writer in the Golden Age. This research, which aims to revisit religious history through the prism of cultural and social history, illustrates how the Society of Jesus, a multipolar institution whose mode of articulation was based on the written word —both a means of negotiation and constant adjustment— was able to adapt continuously to become a key player in early modernity.

Contrairement à la correspondance et à l’écriture administrative, rigoureusement normées, l’écriture littéraire n’était soumise à aucun règlement explicite dans la Compagnie de Jésus. La composition d’ouvrages est mentionnée brièvement dans les Constitutions. La septième partie, consacrée à « Ce qui concerne les relations avec le prochain de ceux qui ont déjà été admis dans le corps de la Compagnie, quand on les répartit dans la vigne du Christ notre Seigneur », souligne que la mission, si el...

Cette première partie étudie l’émergence d’un ministère de l’écriture dans la Compagnie de Jésus et, partant, celle du scriptor jésuite au sein du « lieu » religieux qui le vit naître. Il s’agit de mener cette enquête dans une perspective interne à l’ordre pour approcher l’apparition d’une figure de l’écrivain dans le champ religieux dont l’institution ignatienne est l’une des modalités. Pour ce faire, il faut se garder de considérer l’usage exceptionnel de la correspondance jésuite comme la ...

Les premières pratiques d’écriture dans la Compagnie de Jésus cherchaient à conforter un ethos communautaire soutenu par un régime institutionnel de l’autorité littéraire. Quoique répondant à des impératifs pédagogiques et missionnaires, l’engagement de la Compagnie de Jésus dans la production d’ouvrages imprimés visait aussi à construire et à consolider une mémoire de l’ordre ad intra, ainsi qu’une image de l’institution religieuse ad extra, ce qui invite à reconsidérer la figure de l’auteur...