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L’étude des associations dans le monde rural fut très en vogue chez les historiens français il y a une quarantaine d’années, dans le sillage des travaux de Maurice Agulhon. Ce dernier, au milieu des années 1960, cherche à comprendre l’évolution du comportement électoral de la population du département du Var, qui, de conservatrice au début du xixe siècle, se convertit progressivement aux idées républicaines, allant jusqu’à se soulever contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851....

Les associations répertoriées dans les communes rurales mayennaises (années 1830-années 1930)

Les nouveautés promues par la sociabilité associative dans les campagnes mayennaises entre les années 1830 et les années 1930 ne peuvent prendre pied que dans un contexte particulièrement favorable : une culture coutumière affaiblie, l’influence culturelle croissante des villes sur les campagnes et l’action décisive des municipalités. De « vieilles habitudes » déjà sur la défensive Des assemblées communales mayennaises en déclin À l’époque moderne, l’assemblée communale ou fête patronale es...

Dans une synthèse sur l’histoire de la Mayenne, Michel Denis présente une vision très tranchée de la société du département au xixe et au début du xxe siècle. La partie consacrée à la période 1815-1880 est intitulée « Une contre-société ». Il y est question d’une « société sauvegardée, protégée contre les méfaits d’un certain modernisme, qui s’offre comme contre-modèle aux nostalgiques de l’Ancien Régime ». « L’aristocratie foncière […] reste à la tête de cette région, aussi bien sur le plan ...

En Mayenne, la loi du 1er juillet 1901 sur les associations n’a pas d’impact immédiat, ni sur le nombre de créations ni sur leur nature. Jusqu’à la Grande Guerre, les autorités préfectorales, interpellées pour des demandes d’approbation de statuts associatifs, ont fréquemment à renvoyer à la procédure mise en place au début du siècle, preuve s’il en est que la liberté associative n’est pas encore entrée dans les mœurs. L’Union musicale, dite l’Espérance, se forme dans la commune du Genest en ...

Aux premiers temps de la IIIe République, de nouveaux types d’associations apparaissent dans les communes rurales mayennaises et connaissent un développement important et rapide. Contrairement aux sociétés et aux cercles, l’impulsion vient ici explicitement du pouvoir central, qui voit dans les corps de sapeurs-pompiers, les associations musicales et les sociétés conscriptives des supports de diffusion d’un idéal républicain à l’échelle nationale. Les sapeurs-pompiers, de nouvelles racines I...

En conclusion de cette étude sur la sociabilité associative dans les communes rurales du département de la Mayenne entre les années 1830 et les années 1930, il convient de réinterroger le sujet, terme à terme. Sociabilité associative, sociabilité coutumière ? Dans la constitution de la sociabilité rurale mayennaise, l’émergence des cercles et des sociétés de cure, dans le second tiers du xixe siècle, est déterminante. Elle est le résultat de la conjonction de deux évolutions. La première év...

1a. – 53 sociétés et cercles Commune Nom de l’association Année de création (ou de 1re mention répertoriée) Ernée Cercle de lecture 1759 Craon Société littéraire 1764 Ernée Loge maçonnique 1775 Craon Cercle de la Gauvennerie 1786 Évron Société littéraire 1802 St-Denis-d’Anjou Société littéraire 1805 Craon Loge maçonnique 1807 Craon Société de la Réunion 1807 Ballée Société 1827 Chémeré-le-Roi Société du Pavillon 1830 Évron Société littéraire 1830 Meslay Société 1830 St-Denis-d’Anjou Salon de...

En conclusion, le premier constat est la confondante banalité de l’évolution des cadres associatifs dans les campagnes mayennaises entre les années 1830 et les années 1930, comparativement au reste de la France. Le département n’est certes pas un territoire précurseur, mais d’un autre côté, tous les types d’associations de sociabilité qui émergent à cette époque s’y développent, sans exception : cercles, corps de sapeurs-pompiers, sociétés musicales, sociétés conscriptives, associations sport...

L’étude de la sociabilité associative dans les campagnes mayennaises entre le milieu du xixe siècle et le milieu du xxe siècle permet de conclure plus à une transition culturelle qu’à un choc. La sociabilité associative contribue à rapprocher culturellement les villes et les campagnes. L’amélioration des moyens de transport, en particulier le chemin de fer, participe à cette évolution. À partir des années 1880, elle profite à l’organisation de concours de musique, puis de pompes, et à partir ...

Il existe au moins trois bonnes raisons d’étudier la sociabilité associative rurale en Mayenne entre les années 1830 et les années 1930. Premièrement, la sociabilité est un concept qui, après avoir connu un grand succès en sciences sociales il y a une quarantaine d’années puis avoir été considéré comme passé de mode, mérite qu’on y revienne dans une approche culturelle et sociale. Deuxièmement, le monde associatif dans les campagnes françaises au xixe siècle et au début du xxe siècle est un sujet encore trop peu étudié et auquel il reste à accorder toute la place qui lui revient dans les mutations de l’époque contemporaine, au même titre que l’école. Troisièmement, la France de l’Ouest est un espace injustement disqualifié par l’historiographie pour ce qui relève de la vie sociale. Des sociétés littéraires aux clubs sportifs, en passant par les cercles, les sociétés de cure, les corps de sapeurs-pompiers, les sociétés musicales, les patronages catholiques, les associations conscriptives, les amicales d’anciennes et d’anciens élèves et celles d’anciens combattants, il est alors possible de saisir comment, à l’époque contemporaine, une culture formalisée, incarnée par la sociabilité associative, émerge face à une culture coutumière, moins « civilisée », celle des veillées et des assemblées villageoises. Ce qui se joue là n’est pas tant affaire de remplacement que d’acculturation.

Le caractère marquant de la société mayennaise au xixe et au début du xxe siècle est la « restauration » de l’ordre ancien. À partir des années 1820, et plus encore à partir de la décennie suivante, noblesse et clergé refont surface et reprennent progressivement les rênes de la vie locale. Les premiers retrouvent, pour une grande part, la possession de leurs château et domaine. Nombre de familles s’installent de manière dynastique dans le fauteuil de maire. En termes de sociabilité associativ...

Entre les années 1830 et les années 1930, la population rurale, notamment en Mayenne, est intégrée à un univers culturel plus global, dont la « culture patricienne » est la référence. Par « intégration », il faut entendre « processus d’incorporation d’un élément dans un autre, accompagné d’une transformation réciproque de ces éléments tendant vers l’unité ». Cette intégration passe par l’effacement de la « culture plébéienne », la mise en réseau du rural à l’échelle française et la pénétratio...

L’essor de la sociabilité associative dans les campagnes mayennaises à partir des années 1830 génère une nouvelle forme de lien social entre les individus, sur laquelle reposent de nouvelles solidarités morales et matérielles. Ces réseaux de sociabilité associative entrent en résonance avec des réseaux antérieurs, traditionnels, fondés sur la famille ou l’activité professionnelle. Signe que la sociabilité associative est devenue un enjeu social à l’échelle locale, elle est source de conflits ...

A. – Pompiers en manœuvre à Fougerolles, non daté. Source : Arch. départ. de la Mayenne, 5 Fi 95/22. B. – Musique du cercle Saint-Joseph d’Évron, vers 1900. Source : Arch. assoc. Alerte d’Évron. C. – Concours de gymnastique de Craon, 4 août 1912, mouvement d’ensemble. Source : Arch. départ. de la Mayenne, 5 Fi 80/172. D. – Fête de gymnastique à La Pôoté, animée par l’association des Chasseurs des Alpes mancelles, 25 mai 1913, pyramide. Source : Arch. départ. de la Mayenne, 5 Fi 216/35. E....

Bannière de la fanfare de Cuillé, 1879, mairie de Cuillé Recension des médailles figurant sur la bannière Barre haute : de gauche à droite1. Ville de Rennes / Grand concours musical des 15 et 16 mai 1880, Festival2. Ville de Granville / Grand concours musical des 5, 6 et 7 juillet 18843. Concours musical de Dinan, 24 et 25 mai 18964. Ville de Dinard Saint-Enogat / Grand concours musical des 4 et 5 juillet 1891, Festival5. Concours musical de Courseulles-sur-Mer, 20 juillet 18906. Concours mu...

Pierre Goujon affirme qu’il n’est « pas possible […] de négliger les rapports entre la vie associative et l’ensemble de la sociabilité villageoise ». Maurice Agulhon et Maryvonne Bodiguel font un constat identique dans les perspectives qu’ils tracent pour la recherche sur les « associations au village ». Dans les campagnes mayennaises, on vient de le montrer, la sociabilité associative est promue par les notables, qu’ils soient aristocrates, ecclésiastiques ou, par la suite, médecins, entrepr...

Un sud et un nord-est de la Mayenne moins touchés par la baisse démographique, entre les recensements de 1851 et de 1931

Grâce à la sociabilité associative, la « culture patricienne » pénètre dans les campagnes mayennaises entre les années 1830 et les années 1930. S’imposent concomitamment de nouvelles pratiques, un nouveau formalisme démocratique et de nouvelles normes comportementales. De nouvelles pratiques La nouveauté ludique et sportive Pierre Goujon insiste sur le fait que « l’association de loisir » introduit au village « de nouveaux contenus dans la vie de relations ». En matière ludique et sportive,...

Sous la Révolution française, les corporations et les groupements professionnels sont respectivement interdits par la loi d’Allarde de mars 1791 et la loi Le Chapelier de juin 1791. Le lien direct entre l’autorité de l’État et l’individu est promu, hors de l’intervention de tout corps intermédiaire. L’association est vue à la fois comme un facteur de division nationale et un vecteur de limitation de la liberté individuelle. Sous le Premier Empire, en 1810, l’article 291 du Code pénal tolère p...

À partir de la Restauration, le clergé et la noblesse reviennent en force sur le devant de la scène dans les campagnes mayennaises. Sous la monarchie de Juillet, le clergé se montre conciliant avec le régime, afin de sauver l’Église concordataire. Il prend l’initiative, en termes de sociabilité associative, en suscitant des sociétés de cure dès les années 1840. Plus encore, à compter des années 1880, il commence à fonder et diriger des patronages. Les nobles, de leur côté, dès les années 1820...

Sociétés et cercles n’apparaissent pas ex nihilo dans les campagnes mayennaises à partir des années 1830. Leurs créations s’appuient sur des structures préexistantes, initiées dans la seconde moitié du xviiie siècle : les sociétés littéraires et les loges maçonniques. Il est donc nécessaire, dans un premier temps, de considérer ces racines associatives, avant de s’intéresser à la floraison des sociétés et cercles ruraux en Mayenne sous la monarchie de Juillet, puis à la greffe d’obédience cat...

« Sociétés d’hommes », au sens masculin du terme, est couramment utilisé pour désigner les cercles de type angevin. Il décrit une réalité dont les femmes et les enfants sont exclus et où les jeunes hommes, célibataires, demeurent sous tutelle de leurs aînés. Des années 1830 aux années 1930, cette prédominance masculine perdure : il est permis de parler de « sociabilité d’hommes » pour caractériser toutes les formes de sociabilité associative qui naissent et se diffusent à cette époque, que ce...

La deuxième moitié du XIXe siècle est marquée par de profondes mutations des systèmes agro-écologiques des Pyrénées-Orientales. Dans cet espace méditerranéen où la maîtrise de l’irrigation est pourtant ancienne et séculaire, la sécheresse estivale et les crues récurrentes posent la question d’un aménagement rationnel des cours d’eau. Des projets de barrages-réservoirs sont alors formulés. Dans la conjoncture favorable du Second Empire, l’extension de la vigne dans les plaines, au détriment des cultures irriguées, vient finalement résoudre l’aporie du stress hydrique qui frappe le Roussillon. Mais l’arrivée brutale du phylloxéra dans les années 1870 vient bousculer cette trajectoire. Des propriétaires-viticulteurs découvrent qu’un des seuls remèdes efficaces contre ce puceron dévastateur consiste à submerger les vignes d’une épaisse couche d’eau pendant une trentaine de jours. Cette période illustre la genèse de la monoculture viticole dans les Pyrénées-Orientales et de certains ouvrages d’art, comme le barrage des Bouillouses, qui façonnent encore aujourd’hui les territoires de l’eau roussillonnais. The second half of the 19th century was marked by profound changes in the agro-ecological systems of the Pyrénées-Orientales. In this Mediterranean area, where irrigation had been mastered for centuries, the summer drought and recurrent floods raised the question of the rational development of watercourses. Projects for reservoir dams were then formulated. In the favourable context of the Second Empire, the extension of the vineyards in the plains, to the detriment of irrigated crops, finally solved the aporia of the water stress that hit Roussillon. But the brutal arrival of phylloxera in the 1870s upset this trajectory. Owner-growers discovered that one of the only effective remedies against this devastating aphid was to submerge the vines in a thick layer of water for about thirty days. This period illustrates the genesis of wine-growing monoculture in the Pyrénées-Orientales and of certain works of art, such as the Bouillouses dam, which still shape the water territories of the Roussillon region today.

En France, le gemmage des pins et la manufacture des produits résineux sont fortement associés aux forêts de pins maritimes (Pinus pinaster) des Landes, au point d’en devenir iconique. Néanmoins, cette activité était pratiquée dans d’autres régions, comme la Provence qui était le théâtre d’une active production de substances résineuses, issues du pin (Pinus Alepensis et/ou Pinus pinaster), dès le Moyen Âge et ce durant toute l’époque moderne. Ces substances naturelles sont désignées de façon ...

En 1923, l’emblématique ministre de l’Agriculture de la Troisième République Jules Méline, au soir de sa vie, donne une préface au livre que le président du musée social et industriel Georges Risler consacre au travailleur agricole français. Fidèle à son engagement vieux de plus d’un demi-siècle en faveur des campagnes françaises, Méline y érige le monde rural et ses travailleurs en promesse « de l’avenir et du relèvement de la Patrie », saluant les idées de l’auteur pour une « transformation...

L’agronomie au xixe siècle est souvent « un discours raisonné sur des pratiques existantes ». Or, les pratiques paysannes sont à connaître au même titre que les discours d’agronomes qui proposent innovations et modifications des pratiques culturales : « entre le territoire de l’agronome et le terroir des paysans, il faut mesurer proximité et écart, distinguer le sens concret des représentations de leur utilité idéologique, comparer les choix rationnels aux possibilités locales des techniques ...

En 1603, le contrôleur général du commerce Barthélemy de Laffemas confie à ses commis la distribution de brèves instructions imprimées sur la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie. Il s’agit, selon ses mots, d’« apprendre, presser, & solliciter le menu peuple, à cognoistre son bien & proffit ». Cet épisode révèle à quel point la culture du mûrier, fondement agricole de la sériciculture, constitue un objet privilégié pour étudier les enjeux de pouvoir qui déterminent la formation et...

Pour certains, le Moyen Âge a duré dans les campagnes jusqu’en 1914, sous entendant que les techniques, les savoirs et les mentalités n’ont dans ce milieu pas évolué depuis des siècles. Le discours sur la routine n’est certes pas neuf, mais poussé au paroxysme, il interroge l’historien sur bien des aspects de la modernité. Mais qu’en est-il vraiment ? Quelles informations concrètes peut apporter l’archéologie sur le degré de connaissance des savoirs ruraux de la fin du Moyen Âge et du début d...

Seurlée, chabroutie, éterpe, taillot, band… Ces mots qui ne signifient rien pour nous aujourd’hui étaient pour les ruraux des siècles passés, le vocabulaire du quotidien. Nommant tantôt les résultats d’un travail spécifique dans les champs : la seurlée était le petit talus de terre formé par la charrue sur la limite d’une pièce, tantôt un lieu : la chabroutie était un pâturage réservé aux chèvres, tantôt un outil : l’éterpe était une sorte de houe et le taillot, un instrument voisin de la ser...

Les savoirs ruraux ont la particularité de mêler et/ou d’articuler des connaissances orales et des récapitulations écrites. Ils se distribuent également entre des espaces sociaux très différenciés, des cénacles lettrés puis académiques jusqu’aux lieux de sociabilité paysanne. Ils sont donc pris dans des enchâssements sociaux, épistémiques, techniques et géographiques multiples. L’enjeu de cette première partie est de proposer une série de réflexions sur cet...

Envisager, dans la France de l’Ancien Régime, les maladies appelées épizooties – celles qui frappent à la fois un grand nombre d’animaux dans un lieu donné – exige de se défaire de certaines images pour éviter de graves anachronismes. Facteurs indirects mais importants de la contagion, les conditions d’élevage se sont largement transformées depuis l’Ancien Régime. Aussi quelques rappels sont-ils utiles, en gardant à l’esprit que la notion de « race domestique » est alors inconnue, et qu’il n’...

Réaliser un cadastre dans le Midi de la France relève d’un ensemble de savoir-faire mis en œuvre depuis le début du xive siècle au plus tard et peut ainsi sembler un objet d’étude historique fort bien connu et renouvelé au cours de ces dix dernières années. Si cela est vrai en observant la confection des compoix languedociens du point de vue de la codicologie, du droit ou de l’arpentage par exemple, un autre savoir-faire mobilisé pour fabriquer les registres fonciers publics ou privés demeure...

Introduction À l’âge de 19 ans, en 1558, Olivier de Serres achète le beau domaine du Pradel : une centaine d’hectares de terres, de vignes et de pâturages à moins d’une lieue de Villeneuve de Berg (Ardèche). Mais ce n’est que vingt ans plus tard qu’il s’y installe définitivement pour cultiver et administrer son domaine. Il lit les ouvrages d’agriculture, anciens et modernes, et il note ses propres observations et les résultats de ses expériences durant plus de trente années. Tout cela lui pe...

Parmi les différents dommages qui adviennent aux cultures, Charles Estienne sépare les « injures du ciel » de ceux dus à diverses « bestioles » (sauterelles, escargots, rats, etc.) : « les herbes tant semées que plantées aux jardins […], ne reçoivent seulement dommage de la grêle, éclair, tonnerre, gelée, brouillards, nielle, et autres injures du ciel ; mais aussi sont molestées du dégât que leur font plusieurs bestioles ». Il y a les méfaits dont la cause est évidente, tels ceux de la grêle ...

« Cet article esquisse un modèle de différenciation des produits basé sur l’hypothèse hédoniste selon laquelle les biens sont évalués pour leurs attributs ou caractéristiques intrinsèques. Les prix hédoniques sont définis comme les prix implicites des attributs et sont révélés aux agents économiques à partir des prix observés des produits différenciés et des quantités spécifiques qui y sont associées. » « Le producteur aimerait savoir quelles sont les qualités qui apportent les prix les plus ...

Tout au long de l’ouvrage, les différentes enquêtes ont mis en exergue l’importance de considérer les savoirs ruraux dans l’étude des campagnes. De la manière d’arpenter les champs aux ambitions politiques étatiques, d’une expansion de la sériciculture, des dégâts épizootiques récurrents à l’époque moderne à la mémoire évanescente des catastrophes naturelles, ce sont des configurations multiples qui requièrent, mobilisent, consomment, développent, agencent des savoirs dans une mise en mouveme...

Le Moyen Âge hérite de plusieurs traités d’agronomie antiques de façon intégrale ou partielle et, peu à peu, des textes nouveaux sont rédigés ou traduits du grec en latin. Face à cette écriture savante se pose la question des connaissances dans les campagnes, là où vivent les hommes qui mettent en œuvre un savoir par leur labeur agricole qu’on prendra au sens large (culture et élevage). Les savoirs ruraux sont difficiles à appréhender pour la période médiévale, car la documentation pose évide...

« Le fromage de Rocquefort est sans contredit le premier fromage de l’Europe. » Cette remarque de Diderot s’appuie certainement sur des constatations faites durant les séjours dans les grandes villes du Nord du continent, le philosophe se rendant à Saint-Pétersbourg en 1773 à l’invitation de Catherine II. Mais la phrase de Diderot souligne également l’adhésion entre un fromage et la nouvelle élite des Lumières. Le caractère prêté au fromage convient en effet tout à fait à celles-ci. Les veine...

Le présent article reprend le dossier de la « société des Thesmophories » de Blaison. Rappelons qu’il s’agit d’un territoire situé à une vingtaine de kilomètres de la capitale de province comprenant un chef-lieu, une douzaine de hameaux et une quarantaine de fermes. La population approche le millier d’habitants dont peut-être un cinquième dans le bourg. Dans la région la propriété est accaparée par des rentiers du sol : nobles, ecclésiastiques, bourgeois et institutions religieuses. Les baux ...

Écrit à la fin des années 1170 par Richard Fitz Nigel, le Dialogus de Scaccario explique le fonctionnement de l’échiquier anglais sous la forme d’une conversation entre le maître et son élève. Au § 17 du livre I s’engage une discussion sur la valeur de la hide : « S’il vous plait, expliquez ce qu’est un comté, une centaine, une hide… » demande l’élève. Et le maître lui répond « Ruricolae melius hoc norunt, verum, sicut ab ipsis accepimus, hida a primitiua institutione ex C. acris constat. » :...

Dans le film Le bonheur est dans le pré, une famille se convainc que Michel Serrault, sosie d’un réfugié espagnol disparu, est bel et bien l’époux et le père qu’on n’espérait plus. À la fin du film, l’imposture éclate car le squelette du disparu est retrouvé par la police, au fond d’un puits. Un paysan voisin, témoin de l’exécution du malheureux 26 ans plus tôt, se voit alors interrogé par l’enquêteur sur le pourquoi de son mutisme. Nullement déstabilisé, il rétorque : « Je savais qu’il était...

« Valoriser les savoir-faire agricoles ». Cette proposition est familière à tous ceux et toutes celles qui travaillent quotidiennement en contact avec l’univers agricole. Aux yeux de ceux et celles qui l’emploient, elle est positive, elle contribue à la reconnaissance des agriculteurs et des agricultrices, elle témoigne d’une bonne volonté. Pourtant, je vais essayer de montrer qu’elle est non seulement partiellement fausse mais également, dans le fond, désobligeante et aliénante puisqu’elle r...

Les liens, au début de l’époque moderne, entre la pratique savante et la religion protestante ont été étudiés, dès les années 1930, par le sociologue américain Robert K. Merton. Il notait, en examinant la présence des puritains au sein de la Royal Society de Londres, une convergence entre l’empirisme des nouvelles sciences et la logique méthodique des calvinistes anglais. Cette thèse, qui prolonge d’une certaine façon les explications wébériennes sur les affinités électives entre capitalisme ...

« L’histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire, sans documents écrits s’il n’en existe point. Avec tout ce que l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des fleurs usuelles. Donc avec des mots. Des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de champs et de mauvaises herbes. » Le programme tracé par Lucien Febvre en 1949 a été suivi par les historiens, sociologues, économistes et archéologues rassemblés en cet ouvrage afin de mettre en évidence les traces des savoirs ruraux. De grands mouvements s’esquissent dans cette vaste histoire des connaissances campanaires : du sensible au quantifiable, de la productivité à l’écologie, du quotidien au savant. C’est une autre histoire de la ruralité qui émerge, riche de rationalités pratiques.